Le vendredi 28 juin dernier est sortie dans nos salles une promesse, celle de voir les ennemis d’Edmond Dantès payer pour leur trahison. Les cinémas de France et de Navarre ont fait place au film d’Alexandre de la Patellière et Mathieu Delaporte pour enfin rendre justice au pensionnaire du château d’If.
L’histoire est simple, elle suit celle que nous raconte Alexandre Dumas dans le roman du même titre (à quelques exceptions près). Tout commence sur un naufrage, celui d’un navire dans les eaux marseillaises. Parmi les débris se trouve une jeune femme en train de se noyer. Mais le Pharaon passe dans les parages et un jeune homme saute de ce navire pour sauver la demoiselle en détresse. Il va par le nom d’Edmond Dantès. Le sauvetage accompli il est récompensé par un séjour dans la cale par le capitaine Danglars qui ne se prive pas et prend la lettre que tenait la rescapée, signée de la main de Napoléon, alors en exil sur l’île d’Elbe. Il va sans dire que la survivante se rend coupable de haute trahison envers la couronne mais nous y reviendrons plus tard. Une fois débarqué au port de Marseille on apprend le nom de la dame, Angèle, un prénom qu’elle ne dit qu’au protagoniste. Ce dernier est d’ailleurs convoqué dans le bureau de l’armateur Morrel, son supérieur, en compagnie de Danglars. Pour avoir sauvé l’honneur de la compagnie Edmond est promu capitaine tandis que son prédécesseur est remercié. Mais le rêve ne s’arrête pas là puisque le jeune homme s’en va retrouver sa dulcinée, Mercedes, pour lui annoncer la nouvelle et lui demander sa main, proposition qu’elle accepte. Il choisit alors pour témoin le cousin de la fiancée Fernand qui cache son chagrin, lui qui convoitait aussi Mercedes. La vie est rose pour Edmond jusqu’à ce qu’il soit arrêté par la garde et emmené devant le procureur de Marseille. Pourquoi me direz-vous ?
Eh bien la lettre de Bonaparte s’est retrouvée dans la Bible d’Edmond. Abasourdi, mais innocent surtout, il se défend comme il peut, évoque sa rencontre avec Angèle et en appel au témoignage de ses compagnons de bord. M. de Villefort le croit et lui promet de résoudre l’affaire. Seulement, les témoins appelés sont Danglars et Caderousse, simple quartier-maître, et ces derniers accusent le jeune Marseillais, soutenus par Villefort et Fernand. Dantès est alors envoyé en prison, au Château d’If, en toute discrétion pour ne rien ébruiter. Il en sort 15 ans plus tard avec une idée en tête, faire justice à la place de Dieu lui-même grâce aux connaissances acquises auprès de son mentor rencontré en prison, l’abbé Farria. Ce dernier lui donne aussi la localisation du trésor caché des Templiers, richesses que va utiliser Dantès pour se venger de Danglars, Villefort et Fernand.
Des défauts malgré tout
Le plus gros défaut dont souffre le film c’est sa musique. La qualité en tant que telle est plutôt bonne mais le problème vient de sa surutilisation. Pendant les 3 heures que dure le film c’est la même musique qui vient ponctuer les scènes importantes sans variations ce qui fait perdre en intensité ces scènes pourtant excellentes. Un autre défaut, cette fois-ci plus subjectif vient du jeu des acteurs. Dans l’ensemble c’est bon voire très bon mais à certains moments on peut sentir que l’acteur ou l’actrice récite sa réplique. On le remarque à la diction particulière qu’emploie l’acteur mais aussi par le ton qui se fait plus neutre, un peu plus détaché du personnage. C’est d’autant plus vrai sur plusieurs répliques du personnage d’Andrea Cavalcanti, l’acteur est bon mais on sent parfois que le jeu de l’acteur empiète sur le naturel du personnage. Voilà pour la partie technique. Venons-en maintenant au fond, au contenu, à l’histoire. Adapter Le Comte de Monte Cristo c’est aussi compliqué que de grimper l’Everest. L’œuvre fait plus de 1200 pages, il faut donc couper ou modifier pour rendre la fluidité du texte à l’image. Seulement, certains aspects du film sont trop rapidement expliqués, comme le passé de Haydée, qui n’a le droit qu’à un flashback de quelques secondes et une explication rapide à la fin du film, ou la fin de Fernand de Morcerf. S’il est évident qu’il nous faut un combat à l’épée pour ponctuer ce film épique, l’absence de l’article de L’impartial « On nous écrit de Janina » et la mise en image de la dégradation de l’honneur de Fernand de Morcerf, qui passe de héros de guerre à traître, laisse un goût amer dans la bouche du lecteur qui pouvait s’attendre à retrouver ce scandale médiatique dans le film. L’autre grande victime de
ces modifications est la famille Morrel. Le roman met cette famille en position de martyr qui se bat malgré l’adversité pour sauver Edmond, ils sont d’ailleurs généreusement récompensés par le comte de Monte Cristo. Dans le film ils sont presque totalement occultés malheureusement. S’il y a bien une œuvre de Dumas qui mérite deux parties c’est bien celle-ci.
Des qualités scénaristiques indéniables
Malgré tout, le découpage à amener beaucoup de nouveautés et de bonnes idées scénaristiques. Déjà le rôle de la femme dans le film est bien plus important que dans le roman où elles ne sont que des accessoires pour les personnages principaux. Aussi l’ajout du personnage d’Angèle de Villefort est très bien amené et très intelligent. Cela permet de nous éviter tout un arc narratif sur Bertuccio et son fils Benedetto (personnages du roman) ainsi que sur les incidents de la famille de Villefort qui auraient rendu le film bien trop long et complexe à comprendre. Aussi l’allègement de la trajectoire de Danglars évite au film de se pencher sur toutes les magouilles financières du personnage qui lui ont permis de se hisser au titre de baron. Pour habiller ce beau scénario le film s’est doté d’une sublime imagerie avec de magnifiques paysages et un gros travail sur la façon dont est filmé Paris, presque
toujours de nuit dans des rues sales ce qui vient contraster avec la beauté du paysage méditerranéen sous son soleil radieux, qui devient une sorte de refuge pour certains personnages comme Mercedes ou Edmond lui-même. Pour ce qui est du jeu d’acteur il faut rappeler que le casting est d’une très grande qualité avec Pierre Niney bien sûr mais aussi Laurent Lafitte (Gérard de Villefort), Anaïs Demoustier (Mercedes) ou encore Vassili Schneider (Albert de Morcerf). Ces trois-là apportent une belle plus-value au film avec un petit bonus pour le dernier qui est parfaitement rentré dans son rôle de jeune romantique aux qualités morales exceptionnelles. De quoi justifier le million d’entrée dépassé en seulement cinq jours d’exploitation, faisant de lui le troisième meilleur démarrage pour un film français avec un peu plus de 125 000 entrées enregistrées le jour de sa sortie, cela annonce une belle réussite pour l’équipe du film et plus généralement pour le cinéma français qui reprend des couleurs en termes de production à gros budget, le film ayant coûté 43 millions d’euros.