Après avoir débuté dans la photographie de rue, Charly Ho s’est rapidement imposé dans l’univers de la mode et du luxe avant de revenir à une pratique plus intime : la peinture. Autodidacte, il a bâti son regard à force de rencontres, d’expérimentations et de réflexions sur l’image.
Est-ce que Charly Ho, vous pouvez vous présenter en quelques mots ?
Qu’est-ce que je peux dire de moi ? Compliqué… On va dire que je suis auteur photographe, à la base. Euh… j’ai fais pas mal d’expositions. Je fais beaucoup de photographies de rue, beaucoup de photographies de mode parce que je collabore avec pas mal de marques de luxe etc… Et en 2021, j’ai repris la peinture. Donc maintenant, je suis aussi artiste peintre. Je jongle avec les deux en fonction des projets, en fonction de mes envies, en fonction de beaucoup de choses.
Donc c’est beaucoup de choses en même temps. Vous êtes très diversifié. Alors on connaît un petit peu votre histoire. Vous aviez 5 ans quand vous êtes arrivé en France. Est-ce que vous gardez quelques souvenirs de votre pays, le Cambodge ?
Le Cambodge je garde des petits morceaux, c’est comme des puzzles, tu vois ? Parce que comme tu as 5 ans et tout va tellement vite. Et comme mes parents ont fait l’exode Cambodge-Vietnam aussi, on a vécu aussi 5 ans au Vietnam. J’ai aussi des petits morceaux de souvenirs au Vietnam, mais tu vois, c’est flou, c’est comme des rêves, mais oui, j’ai des petits souvenirs.
Est-ce que vous direz que ça a influencé un petit peu votre manière de de voir la rue, de voir la photographie ?
Non, pas du tout. Non, parce que la photographie, je l’ai découverte à mes 25 ans, et pour moi c’était magique. Tu vois, tu appuies sur un bouton et tu photographies, tu photocopies une réalité. Et pour moi, ça, ça a été magique. Je ne comprenais pas, à l’époque, comment ça fonctionnait. J’avais même réussi, avec mon premier appareil, euh… à le faire buguer, alors que ça ne bug pas, tu vois ? C’est pas comme un ordinateur.
Donc, pour répondre à ta question : non, ce n’est pas le Cambodge ni le Vietnam qui ont influencé ça. Je pense que c’est plutôt mon amour pour l’image. Parce que, depuis tout petit, depuis mon adolescence, je bouquinais beaucoup. Je regardais beaucoup de magazines, voyage, mode, peinture, etc. Je collectionnais les images. Quand je trouvais une infographie ou une belle image, je découpais, je collais dans mon agenda. D’ailleurs, j’avais plus d’images que de mots écrits, tu vois ? Donc, à l’époque, je faisais déjà du scrapbooking d’images.
Et justement, vous dites que vous avez commencé la photographie un peu comme ça, de manière autodidacte. Comment est-ce qu’on se fait un nom dans la photo ?
Euh… comment on se fait un nom ? Moi, je pense que, dans beaucoup de métiers et dans beaucoup de milieux, c’est aussi une question de rencontres. Il faut beaucoup de travail. Il ne faut rien lâcher, tu vois, comme dans tout travail. Il faut croire en soi, en ce que tu fais, parce que parfois tu peux te dire : « Tiens, est-ce que c’est bon ce que je fais ? Ou est-ce que c’est juste un rêve un peu fou ? »
Donc, il y a tout ça à la fois, et puis des belles rencontres aussi.
Des opportunités qui arrivent, des rencontres… Et moi, je me suis fait connaître grâce à une série de signatures que j’ai créée en 2019. J’ai mis deux ans, enfin au total quatre ans, à la concevoir. Elle s’appelle le Why Me. Et grâce à cette signature de portrait, ça m’a permis de rencontrer beaucoup, mais vraiment beaucoup ,de monde, et des gens bienveillants.
Que ce soit des entrepreneurs, qui pèsent vraiment beaucoup, qui sont très influents, et pourtant ne se prennent pas du tout la tête. Ils sont super simples, super respectueux, très authentiques. Et aussi beaucoup d’artistes : oui, beaucoup d’artistes, beaucoup de sportifs de haut niveau, d’acteurs, de tout en fait.
Parce que, lorsque j’ai lancé cette signature, j’ai mis comme critère de casting le succès et le talent : le succès pour les entrepreneurs, parce que j’étais fan de ça quand j’étais au lycée, et le talent pour les artistes, parce que pour moi, c’est un don du ciel, tu vois ? Avoir un talent, c’est incroyable. J’ai toujours été fan de ces deux populations-là.
Donc il fallait les représenter. Et en quoi le portrait permet-il de montrer qui est vraiment une personne ?
Mais en fait, tu vois, avant de sortir cette signature de portrait, je me suis beaucoup interrogé. Et comme je suis dans l’image avec la photographie. Et avec les réseaux sociaux qui nous inondent d’images, etc. Je me suis toujours posé la question : comment on regarde quelqu’un ou comment on regarde un objet ? Est-ce qu’on le regarde réellement ? Ou est-ce que c’est juste un aperçu ? Et, à la fin de la journée, qu’est-ce qu’on retient de ce qu’on a vu ?
Quand je vois sur Facebook ou sur Instagram, on consomme plus de mille images par jour. Mais dans ces mille images, qu’est-ce qu’on en retient ? En en partant de là, j’ai mené une réflexion personnelle sur la perception. Je me suis dit : « OK, puisque je suis dans l’image, si je poste une photo, les gens vont la regarder, zapper à la seconde suivante… mais qu’est-ce qu’ils vont en retenir ? » Rien, ou pas grand-chose, parce que ce sera noyé dans une multitude d’autres photos.
Et du coup, j’ai développé, j’ai fait plein d’essais. J’ai mis au point une technique où je vais incruster des détails, où je vais créer des détails dans les images que je produis, pour interpeller, pour choquer, pour interroger, tu vois ? D’où cette signature, qui est née après deux ans de réflexion. Une fois que j’ai trouvé, il y a eu le casting, puis la production, puis le lancement.
Et c’est beaucoup de demi-visages, si je ne me trompe pas ?
Ouais, c’est que des demi-visages, en noir et blanc. Parce que justement le comme pour moi, tu vois le succès, le talent, il y a deux façades. La façade qu’on voit, qu’on présente en public et la façade qu’on raconte rarement, les galères qu’on a trouvé, les sacrifices qu’on a dû faire, la solitude qu’on vit parfois. On vit beaucoup de moments seul. Et je me suis dit tiens, quelle est la meilleure manière de parler de ça ? Et le demi visage c’est aussi complet qu’un visage entier, je me suis tiens partie prix, allez je me lance on verra ce que ça donnera.
Et en plus ce qui est bien avec ce demi-visage c’est qu’on sait que c’est vous. On se dit, tiens c’est Charlie, on connaît. Vous dites que c’est des gens très accessibles, mais comment est-ce qu’on se lance pour aborder des gens célèbres ?
Au culot et ça fonctionne à chaque fois. Oui, parce que en fait par exemple quand j’ai rencontré Bob Saint-Clar, j’avais sur mon téléphone un brouillon, un esquis de de ce que je faisais. Je suis allé le voir. C’est lors d’un vernissage d’un ami en commun que nous avons et je montré le projet, j’ai dit tiens monsieur Sinclar, j’ai un nouveau projet artistique, c’est des portraits, regardez ce que je fais, est-ce que ça vous intéresse ? Il a regardé, il m’a dit « Je suis partant, je vous soutiens, je soutiens toujours les artistes« .
C’est quelqu’un d’extraordinaire. Et puis ensuite on a booké, on a pris rendez-vous avec son assistant. Et ça a fait une une extraordinaire série photographique. Et puis comme il y a des gens qui me connaissent aussi un petit peu, on va dire qui sont aussi artistes, auteurs acteurs etc, qui se prêtent au jeu et ensuite ça fait effet boule de neige.
Au bout d’un moment, au bout de 30 castings, j’avais plein de gens qui voulaient me présenter plein de monde. Le bouche à oreille fonctionne dans tous les milieux. Et à ce moment-là, j’étais plus dans la situation où je devais refuser des portraits. Mais c’est plus compliqué de refuser que d’accepter. Après, on me pose la question, c’est sur la parité. Je dis non c’est pas le lieu, c’est pas le critère. Le critère pour moi c’est le succès, le talent. Donc peu importe qui bien sûr, visible ou pas visible, sous la lumière ou dans l’ombre parce que il y a aussi des gens que chez photographié qui sont dans l’ombre.
Et toutes ces photographies, vous les avez faites, maintenant vous vous diversifiez. Et vos autres activités, qu’est-ce qu’elles vous apportent en plus de la photographie ? Est-ce que c’est de l’alimentaire ?
Oui, l’alimentaire. Par exemple, je collabore avec des marques où je fais des photographies de mode pour eux. Que ce soit pour des lunettes ou pour des sacs de luxe. Et ça, j’adore parce que c’est photographie de luxe, enfin de mode, parce que c’est toujours en rapport avec le portrait ou des natures mortes, c’est des sujets qui me passionnent.
La peinture, c’est une exploration, c’est une expérience personnelle qui me permet de voir comment la photographie ou comment la peinture va influencer et va se déteindre sur mes créations. Parce que j’ai l’impression que parfois, quand je fais une photo, j’ai l’impression que la couleur ou le noir et blanc, ce que je fais en peinture a influencé ma composition en photographie.
Et est-ce qu’on peut dire que c’est complémentaire ou pas du tout ?
C’est complètement complémentaire. C’est un tout. C’est beau. Même quand je peins, après un moment, je peins… puis je regarde : « Tiens ». Et du coup, la composition en photographie, tu vois, a influencé ma composition en peinture.
Et c’est quoi la suite ? Des nouveaux projets?
Parfois, des collaborations avec des marques, parce que je défends beaucoup le made in France.
Je pense qu’en France, nous avons beaucoup de talent, beaucoup d’artisans pour qui c’est une passion, c’est toute leur vie. Et je défends beaucoup ça.
Donc je fais des collaborations sur des custom ou sur des projets, pour l’instant exclusivement made in France. C’est un choix, la France. Parce que je pense qu’on a des choses à raconter là-dessus.






