Prendre le temps de comprendre

Molière par Dove Attia : le dramaturge et la musique urbaine 

Le Dôme de Paris – Palais des Sports accueille depuis le 7 novembre un nouveau spectacle musical créé par Dove Attia, retraçant la vie et l’œuvre de Molière dans une fresque contemporaine et décalée en costumes du XVIIe siècle. 

Sur scène, un décor minimaliste mais efficace, apporté et déplacé par la troupe elle-même entre chaque changement de plan. Jean-Baptiste Poquelin, l’illustre Molière, est raconté ici en scènes, chorégraphies et chansons… qui empruntent largement au registre des musiques urbaines, rap et slam. Un pari gagnant pour Dove Attia, père des grands succès du Roi Soleil et de Mozart, l’opéra rock. 

Décalages et anachronismes efficaces

Le spectacle s’ouvre en 1643 sur une scène entre Jean Poquelin et son fils, Jean-Baptiste. C’est en slammant qu’il tente de le convaincre de prendre sa suite en tant que tapissier plutôt de se lancer dans l’hasardeuse carrière de comédien. La mise en scène de Ladislas Chollat sert avantageusement l’interprétation. Tout le spectacle est jalonné de moments d’humour et de décalage : le frère du roi, Monsieur, est un adepte des sacs Louis Vuitton et des perruques vert agressif, des paparazzis font soudain irruption sur scène armés d’appareils photo, et une comédienne traverse la salle en patins à roulettes.  « J’avais un peu peur quand j’ai su qu’il y allait avoir du rap, raconte Bertrand, 60 ans, à la sortie de la pièce. Mais finalement ça ne m’a pas du tout dérangé. Evidemment, il y a des détails assez fantaisistes et pas du tout historiques, mais ça reste très agréable. » Une volonté assumée de casser les codes de la comédie solennelle à la française, que Dove Attia avait déjà lancée avec Mozart, l’opéra rock, qui fonctionne auprès du public. « J’ai adoré ! C’est drôle, ça bouge, c’est moderne » s’enthousiasme Mathilde, 19 ans. Malgré cela, le sous-titre initial d’« opéra urbain » a été abandonné au profit d’un simple « spectacle musical » plus classique et sûrement moins effrayant auprès d’un large public. 

Une troupe enfiévrée 

Molière est interprété par PetiTOM, un rappeur québécois plein d’énergie. Il fait des acrobaties, danse, rappe et chante avec très peu d’interruptions pendant les deux heures de show. Son charisme et son occupation de l’espace sont assez remarquables. Côté famille, David Alexis interprète avec justesse le père Poquelin ; Morgan, rappeuse de son état, incarne Madeleine Béjart (première compagne de Molière et fondatrice, à ses côtés, de la troupe l’Illustre théâtre), tandis que le rôle d’Armande Béjart, seconde compagne du dramaturge, est solidement servi par Lou, ancienne concurrente de The Voice. Abi Bernadoth, bluffant en Prince de Conti, est aussi issu du télécrochet. A la danse, une superbe troupe dirigée par Romain RB, finaliste de La France a un incroyable talent en 2018. « Je ne suis pas du tout comédie musicale, d’habitude, admet Eva, 26 ans, à la sortie du Dôme de Paris ; mais je dois avouer que c’est vraiment impressionnant et que je ne me suis pas ennuyée une seconde. ». Le spectacle musical restera à Paris jusqu’au 18 février et fera découvrir l’histoire de Molière dans toute la France à partir de mars 2024.