La relaxe de l’enseignante mise en cause dans le suicide d’Evaëlle Dupuis, collégienne de 11 ans, interroge sur l’écart entre les discours politiques et les décisions de justice. Une affaire symptomatique qui reflète un système encore sourd à la détresse des victimes.
Evaëlle Dupuis avait 11 ans. Le 21 juin 2019, elle marque le pays en s’ôtant la vie par pendaison à son domicile d’Herblay, dans le Val d’Oise. Plus tôt avant ce drame, la jeune fille évoquait régulièrement être victime de harcèlement au collège Isabelle-Autissier. Une enquête est alors ouverte contre l’enseignante, Pascale B, décrite comme froide, humiliante, et sourde aux signes de détresse. Un an après, cette dernière est mise en examen pour harcèlement moral sur mineur.
Mars 2025, le procès s’ouvre. La procureure du tribunal correctionnel de Pontoise requiert dix-huit mois de prison avec sursis et une interdiction d’exercer sa profession. Mais le 10 avril, la décision marque les esprits, Pascale B. est relaxée. La raison ? La justice affirme qu’ils manquent une preuve concrète concernant le comportement de l’enseignante sur Evaëlle.
Des promesses sans suite du gouvernement
En 2022, une loi est votée. Le harcèlement scolaire devient un délit, passible de peines de prison, certaines pouvant aller jusqu’à dix ans dans les cas les plus graves. Sans compter que le gouvernement affirme lutter contre le harcèlement scolaire et souhaite en faire une priorité nationale. Plan interministériel, cellule Pharos qui permet de dénoncer les infractions sur internet ou encore les campagnes de prévention et numéro d’urgence… les annonces se multiplient. Pourtant, les décisions judiciaires semblent ne pas pouvoir les appliquer. L’affaire Evaëlle le montre une fois de plus.
Si les ministres dénoncent régulièrement les silences coupables des établissements scolaires, la question se pose aussi pour l’État lui-même : quelles mesures sont réellement mises en œuvre pour sensibiliser le personnel pédagogique, garantir que les alertes ne soient pas ignorées et accompagner les familles ? Dans ce dossier, les années d’enquêtes, les témoignages concordants et un réquisitoire de la procureure n’ont pas suffi à prouver la valeur de la plainte. Une fois encore, la reconnaissance du harcèlement n’aboutit pas toujours à une reconnaissance judiciaire.
Une inaction du système juridique ?
L’affaire rappelle celle de Nicolas, 15 ans, qui s’est suicidé en septembre 2023 après des mois de harcèlement au lycée. Le rectorat de Versailles avait envoyé à ses parents un courrier glaçant quelques mois plus tôt, en qualifiant les faits de infondés et en allant jusque menacer la famille.
Ces deux affaires posent finalement la même question : que vaut une loi si elle n’est jamais appliquée correctement ? L’éducation nationale est souvent pointée du doigt mais la justice, elle, semble peiner à prendre la mesure du harcèlement, et de ses conséquences dramatiques, voire de son impact psychologique. Dans l’affaire Evaëlle, la relaxe de l’enseignante est un symbole fort : celui d’un système qui ne reconnaît le harcèlement que dans son discours.