Devant la cour d’assise de Paris comparaissent aujourd’hui quatre hommes soupçonnés d’avoir pris part au braquage de la boutique Chanel de l’avenue Montaigne, en 2016, et de plusieurs crimes et délits connexes.
Au sous-sol de l’impressionnant bâtiment néo-classique du palais de justice de Paris, la salle d’audience est comble. Le procès se tient depuis déjà cinq semaines et arrive bientôt à son terme. Les trois co-accusés se lèvent tour à tour et répondent poliment aux questions de la présidente. L’un d’eux confirme sa participation au vol d’une Range Rover utilisée pendant le braquage de la boutique Chanel de l’avenue Montaigne. En 2016, quatre individus masqués et armés dévalisent les lieux et repartent avec un butin de près de 2 millions d’euros de bijoux et de montres. À la suite d’une enquête minutieuse, la police associe au braquage une équipe solidement organisée, et certains de ses membres à d’autres crimes et délits : le vol d’un véhicule de transfert de fonds, la constitution d’un stock d’armes lourdes et d’explosifs, et un autre braquage plus ancien, celui de la boutique Chopard.
Dénégation des braqueurs présumés
L’audition terminée, la présidente s’adresse à l’accusé principal, Joseph Toffa. Elle rappelle son rôle présumé dans le braquage ; les clés d’une moto, vue sur les lieux, retrouvées chez lui ; ses liens avec les autres têtes pensantes ; la cache d’armes localisée chez une « mule » en contact avec l’un des membres de la bande. Sa cape rouge drapée sur sa robe noire, elle affirme que tout tend à démontrer la participation de M. Toffa au braquage. Lui, debout, répond d’un ton plaintif, les mains suppliantes : « Moi Madame, je comprends rien à ce que vous me dites. Vous me parlez d’une dame là, où vous avez retrouvé les armes : je la connais pas. D’ailleurs vous avez pas retrouvé mes empreintes dessus. » Il a déjà admis sa participation à des délits et crimes connexes, mais jamais au braquage. Il nie aussi la proximité de ses relations avec les autres membres de la bande. La présidente reste patiente mais souligne avec ironie les incohérences, voire la mauvaise foi de l’accusé.
“Les victimes ont besoin d’explications”
Une pause est annoncée : les avocats de la défense discutent, le public chuchote. La reprise présage un moment attendu : la plaidoirie de l’avocat de la partie civile. Après l’énoncé froid de la cour et les dénégations de l’accusé, le registre change. L’avocat, qui représente les employés et la personne morale Chanel, s’exprime. « Depuis 8 ans, la procédure est engagée. Durant les cinq semaines d’audience, 18 jurés et 6 magistrats se sont succédé : ce sont beaucoup de moyens mis en place, et le fruit d’une remarquable enquête de police ». Malgré ce constat, dégager des liens solides entre les faits et les preuves est ardu, regrette-il. Il évoque le déroulé du braquage et le traumatisme qui en a découlé pour les employés présents, bien qu’aucun décès n’ait été à déplorer. Une hôtesse de vente a été forcée de se coucher au sol à côté du corps inanimé d’un agent de sécurité, qu’elle a pensé mort : elle a cru pendant de longues minutes que le même sort lui était réservé. Il insiste aussi sur le fait que les braqueurs étaient équipés d’armes lourdes, de gilets pare-balle et de grenades : « Ils étaient visiblement préparés à une fusillade ». Une violence absolue, minimisée selon lui par la justice, qui a profondément marqué les employés. « Les victimes ont besoin d’explications ». Il dénonce aussi le mutisme de la bande. Devant un groupe solidaire et des individus qui refusent de reconnaître leurs implications respectives, les victimes ont du mal à tourner la page. Le jugement attendu vendredi apportera au moins un point final à cette longue procédure judiciaire.