Prendre le temps de comprendre

L’IA à l’école, où en est la France

A l’heure de l’intelligence artificielle (IA), la question de son utilisation à l’école est une des priorités de l’Éducation nationale. Si les outils proposés se heurtent souvent à la réalité du terrain, ils soulèvent des enjeux essentiels dans un secteur en crise. 

« Adaptiv’Math, l’assistant pédagogique intelligent pour personnaliser le parcours d’élèves, cibler leurs difficultés et enrichir la vision pédagogique de l’enseignant ! » vante un site internet aux couleurs du ministère de l’Education nationale. Accessible à toutes les écoles depuis 2022, la plateforme Adaptiv’Math compte parmi les logiciels d’aide à l’enseignement propulsés par l’intelligence artificielle (IA). « Tous les deux ou trois ans, le ministère agrée un certain nombre d’applications qui sont ensuite déployées pour être utilisées à l’école », explique Colin de la Higuera. Professeur à Nantes Université et membre d’un groupe de recherche en partenariat avec l’UNESCO intitulé RELIA – pour « Ressources éducatives libres et intelligence artificielle », il travaille sur les questions d’IA et d’éducation depuis plusieurs années. « Contrairement à une idée répandue, la France n’est pas en retard par rapport à ses voisins européens sur la réflexion et la création d’outils impliquant l’IA dans un cadre éducatif ».

De la théorie à la pratique

« Nous ne recevons ni communication ni formation sur ces logiciels », explique Marie – le prénom a été changé -, directrice d’une école élémentaire en Loire-Atlantique. « Leur utilisation n’est pas obligatoire et dépend des établissements et des enseignants. Je suis peut-être de l’ancienne génération – l’institutrice rit – mais ce n’est pas un réflexe pour moi ». Les outils existent mais leur utilisation est loin d’être démocratisée. « Nous avons déjà la chance d’être équipés. De nombreuses écoles ont un matériel informatique basique, voire inexistant » ajoute-elle.

En 2024, 1004 jeunes Français âgés de 10 à 16 ans étaient interrogés dans le cadre d’une étude de GoStudent, une entreprise de cours particuliers. 57 % d’entre eux déclaraient souhaiter apprendre grâce à l’IA dans la suite de leur scolarité. Pourtant, seuls 11 % l’utilisaient réellement en classe.

Une personnalisation bienvenue

Fannie, maman de deux lycéens, a soutenu son cadet durant une scolarité compliquée. Problèmes de concentration, difficultés d’apprentissage, sensation aussi de ne pas être écouté ; elle ne blâme pas les enseignants mais se questionne sur les solutions. « Il est évident qu’avec les cours à donner et la discipline à maintenir, le professeur ne peut pas offrir un enseignement personnalisé à 30 élèves, affirme cette opticienne de 45 ans. Je pense qu’un soutien s’adaptant à son niveau et à sa progression aurait aidé mon fils ». Des plateformes auraient pu lui offrir ce qui manque à tant d’élèves : la personnalisation. « Il est très compliqué de se consacrer à chaque élève individuellement. Avoir un créneau régulier dédié à une révision ou un approfondissement des fondamentaux grâce à une plateforme adaptative serait certainement bénéfique aux élèves », reconnaît volontiers Marie.

Les plateformes ont été surtout proposées aux élèves confinés pendant la crise du Covid. Gabriel, 12 ans, à en partie appris à lire grâce à Lalilo, un outil proposant des parcours adaptatifs d’apprentissage de la lecture. « C’était super. Quand je faisais des fautes ça me proposait plus d’exercices, et j’avais des médailles quand je réussissais », se rappelle le collégien aujourd’hui en classe de cinquième. La combinaison du ludique et de la personnalisation fait mouche.

Nos amis outre-Atlantique n’ignorent pas ce constat. Une école privée de l’Arizona, aux États Unis, a annoncé en ce début d’année expérimenter des cours entièrement dispensés par une IA. La Unbound Academy promet une « économie de temps et d’énergie » et « une adaptation continue aux rythmes et aux styles d’apprentissage » des élèves entre 8 et 13 ans. Quelques sourcils se haussent devant ce fonctionnement. « Cette école ne propose aucune véritable théorie éducative et surfe sur des idées très vagues et pour l’instant non-avérées », souligne Colin de la Higuera. « Le problème est qu’on n’a pas assez de recul sur l’apprentissage avec l’IA »