Lʼintelligence générative fait pression sur les voix françaises

L’essor de l’intelligence artificielle dans l’industrie du cinéma inquiète. Depuis la grève  des scénaristes d’Hollywood en 2023, les doubleurs sont pris pour cibles. Certaines entreprises  de productions vont jusqu’à s’approprier leur voix, sans autorisation.

En quelques clics, on change le monde. Dans l’audiovisuel, cela a déjà commencé. Les productions se tourneraient-elles vers une facilité d’exécution grâce à l’intelligence générative ? Pour le moment, c’est le doublage qui est en passe d’être sacrifié au profit de la technologie.

Des inquiétudes grandissantes

La grève des scénaristes d’Hollywood en 2023 risque d’inspirer les doubleurs français dans les années à venir. « Nous sommes très inquiets, confie Brigitte Lecordier, célèbre pour la voix de Son Goku dans la série animée Dragon Ball Z. Nous ne sommes pas contre certaines avancées techniques, mais on ne veut pas être remplacé par cette chose qui vole nos voix ».  Ce n’est pas la seule doubleuse à avoir exprimé ses préoccupations. Adeline Chetail, connue pour avoir prêté sa voix à Ellie dans le jeu vidéo The Last of Us, a également abordé ce sujet sur la chaîne Mouv’. « On m’a proposé de me payer, très cher, pour obtenir les droits de ma voix, lâche-t-elle Naïvement, je pensais mettre les droits à un prix exorbitant mais j’ai réfléchi. Que vont-ils faire de ma voix ? Personnellement, ça me dérangerait de m’entendre sur des propos que je n’ai pas tenus ». En France, 600 personnes vivent exclusivement du doublage, et seuls 300 d’entre eux sont réputés pour avoir marqué le public. Soit, un métier rare qui se voit soudainement menacé.  

« Je m’attendais à de l’aide, pas un remplacement. » 

Les vagues de manifestations veulent nettement stopper ce phénomène. Pourtant, cette technologie ne semble pas inquiéter les doubleurs à l’origine. « Si j’ai le nez bouché, l’IA peut corriger ma maladie en post-production, au lieu de reporter la session, explique Adeline Chetail. Je m’attendais à recevoir de l’aide, pas un remplacement ». L’utilisation de cette technologie peut être bénéfique pour soutenir les doubleurs, mais leur condition implique de ne pas les mettre de côté.

Un scandale signé Amazon Prime

Début janvier, Amazon Prime a fait le buzz. L’utilisation de la voix d’Alain Dorval via l’Intelligence artificielle, pour doubler Sylvester Stallone dans un nouveau film. Le problème ? Personne n’a donné son accord, du moins pas entièrement. Si cette technologie impressionne certains studios de production, cette annonce n’est pas passée inaperçue pour Aurore Bergé, fille du célèbre doubleur décédé en 2024 : « J’ai découvert cet engagement sur X. Je n’ai jamais validé une telle diffusion et mon père ne l’aurait pas accepté en l’état », confie-t-elle à Télérama. La ministre chargée de l’égalité hommes-femmes est mentionnée dans ce post X pour avoir contribué à ce projet. Pourtant, elle avait simplement exprimé l’envie de vouloir faire un  « essai », sans jamais valider une telle décision. À l’origine, l’utilisation de l’IA dans le monde du doublage ne gênait pas. Aujourd’hui, ce vol représente une problématique soulève des questions dans notre société : l’appropriation de biens culturels, sans autorisation, sans consentement.

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