Face à une Assemblée nationale sans majorité, le gouvernement Barnier joue son avenir sur le 49.3 pour imposer le budget de la Sécurité sociale. Les motions de censure déposées par la gauche et le RN pourraient marquer un tournant inédit. On décrypte les enjeux d’un bras de fer sous haute tension.
Le Premier ministre Michel Barnier a dégainé l’arme constitutionnelle du 49.3 pour adopter le budget de la Sécurité sociale. Une décision radicale, mais inévitable, vu l’absence de majorité absolue à l’Assemblée. Avec des oppositions irréconciliables – notamment entre la gauche et le Rassemblement National (RN) – l’idée d’un compromis était devenue illusoire.
Ce choix a permis de faire passer le budget, mais au prix fort : Barnier a ouvert la porte aux motions de censure. La gauche et le RN, rarement d’accord sur quoi que ce soit, ont chacun déposé leur texte. Et pour une fois, leurs voix pourraient se rejoindre, mettant en danger le gouvernement.
Un coup de théâtre en vue ?
Si une des motions de censure passe, ce sera un tremblement de terre politique. Le dernier gouvernement tombé après une censure remonte à… 1962. En clair, ce serait historique. Et là, le scénario catastrophe se dessine : chute du gouvernement, annulation du budget, et un gros flou sur la suite.
Pour Barnier, c’est une véritable roulette russe. L’union improbable de la gauche et du RN, ajoutée aux possibles défections dans sa propre majorité, rend la situation un peu précaire. Le dénouement ? Il est attendu d’ici mercredi soir ou jeudi matin.
Un budget en sursis, des secteurs sous tension
Mais concrètement, que se passe-t-il si le budget est rejeté ? D’abord, on reconduit celui de 2024, une solution temporaire qui gèle les réformes prévues et chamboule plusieurs secteurs. L’agriculture serait durement touchée, avec la suspension des aides destinées aux jeunes agriculteurs et des soutiens promis après les mauvaises récoltes de 2024. L’immobilier subirait aussi un coup d’arrêt, notamment avec l’abandon de l’élargissement du PTZ (prêt à taux zéro) et des bonus pour la rénovation énergétique. Côté défense, les commandes de matériel militaire seraient bloquées, tout comme les recrutements et les revalorisations salariales dans l’armée.
À l’inverse, certains secteurs pourraient profiter de cette situation. Les compagnies aériennes et maritimes échapperaient aux surtaxes sur les billets et les bénéfices exceptionnels. Les laboratoires pharmaceutiques ne seraient pas contraints de payer des contributions supplémentaires prévues dans le projet de budget. Même les opérateurs de paris en ligne respireraient, puisqu’ils éviteraient la hausse de fiscalité redoutée. En clair, c’est un jeu à somme nulle, avec des gagnants et des perdants, mais aussi une instabilité générale qui pourrait paralyser l’économie française.
Pas de budget pour la Sécu : à quoi s’attendre ?
Pas de panique : même sans budget voté, les remboursements de soins et les retraites devraient tomber. Mais sous le capot, la machine grince déjà. La Sécurité sociale, qui n’a pas assez de cash sous la main, doit emprunter pour tenir ses engagements. Et là, problème : sans budget, l’Acoss, la caisse qui gère les emprunts, n’a plus le feu vert légal pour aller chercher de l’argent sur les marchés. Résultat, si une loi spéciale n’est pas adoptée rapidement, on pourrait se retrouver à court dès janvier.
Surprise, il y a quand même des gagnants dans ce bazar : les retraités pourraient avoir droit à une revalorisation de leurs pensions plus généreuse que prévu, indexée sur l’inflation réelle (1,6 %), au lieu d’un montant raboté pour « sauver » les finances publiques. Les entreprises, elles, échapperaient à des cotisations patronales supplémentaires et à des charges sur les arrêts maladie. Mais tout ça, c’est à court terme.
Le gros hic, c’est que le trou de la Sécu, déjà abyssal, pourrait atteindre 30 milliards d’euros. Pour les hôpitaux, c’est encore pire : avec des budgets gelés aux niveaux de l’an dernier, ils risquent de ne pas tenir le choc. Bref, pas de budget, ça veut dire une galère financière totale, des services sous tension, et une pression qui ne fera qu’augmenter.
Pourquoi ça chauffe autant ?
Le 49.3, c’est une solution d’urgence qui court-circuite le vote à l’Assemblée. L’opposition voit rouge : pour eux, c’est un passage en force antidémocratique. Mais pour le gouvernement, c’était ça ou rien, vu l’impasse politique actuelle.
Le problème, c’est qu’à force de jouer avec le 49.3, le Premier ministre s’isole. L’opinion publique est aussi de moins en moins tolérante face à un exécutif qui semble éviter les débats. Résultat : les motions de censure ont des chances réelles de passer.
Et si Barnier tombe ?
Si la censure est adoptée, Barnier devra rendre les clés de Matignon. Des élections législatives anticipées pourraient être convoquées, mais ce n’est pas automatique. Ce qui est sûr, c’est qu’on entre dans une zone de turbulences politiques.
L’avenir du gouvernement se joue dans les heures qui viennent. Et avec lui, une partie de l’avenir économique et social du pays. À suivre de près, car le clap de fin pourrait bien retentir.