Les aides au recrutement d’apprentis pour les entreprises sont désormais réduites pour l’année 2025, avec des montants différenciés selon la taille des entreprises. Cette mesure visant à rééquilibrer les finances publiques pourrait avoir un impact sur les embauches.
L’alternance a connu entre 2023 et 2024 une croissance de 12 %, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Une dynamique stimulée par les aides de l’État aux entreprises durant la crise sanitaire, qui ont permis de soutenir de nombreux recrutements.
Mais 2025 risque d’inverser la tendance. Jusqu’à l’année dernière, une aide de 6 000 euros était mise en place dans toutes les entreprises, quelle que soit leur taille. Désormais, les entreprises de moins de 250 salariés recevront une aide de 5 000 € contre 2 000 € pour les plus grandes structures, et ce à condition de respecter un quota de 5 % d’alternants ou de montrer une progression en la matière. Une décision du ministère du Travail et de l’Emploi comprise dans les nombreuses coupes budgétaires pour lutter contre le déficit.
En effet, avant la crise sanitaire, les aides à l’apprentissage n’étaient pas généralisées et principalement destinées aux petites entreprises. L’objectif était alors de soutenir la formation des jeunes sans pénaliser les PME.
L’impact pour les entreprises
Théobald Chatelier, co-dirigeant de Geoplanete, recherche toujours son nouveau talent. Ce jeune patron d’entreprise reconnaît que cette décision n’est pas sans impact : “C’est vrai que je réfléchirai peut-être un peu plus longuement avant de recruter un alternant.”
Les PME emploient 80 % des apprentis, avec le soutien des aides de l’Etat. Ces structures, souvent attachées à l’apprentissage comme outil de fidélisation et de formation, devraient continuer à embaucher, comme l’affirme le jeune chef d’entreprise : “Avec une réduction limitée à 1 000 euros, le modèle reste viable et ce n’est pas dramatique. Mais si l’écart entre le coût d’un alternant et celui d’un stagiaire se creuse, la balance pourrait pencher en faveur des stagiaires, qui sont en plus là à temps plein.” La gratification du stagiaire coûte moins cher pour l’entrepreneur et aucuns frais de formation ne sont à sa charge.
Un retour à un équilibre budgétaire
Entre 2018 et 2021, les dépenses publiques en matière d’apprentissage ont doublé, atteignant un pic pendant le Covid. Gilles Gruda, chargé de recrutement et formateur, pointe le lien entre la volonté de l’Etat de réduire les aides et la lutte contre le déficit. “Cette décision s’inscrit dans un contexte économique global. Pendant le Covid, les grandes entreprises n’ont pas souffert autant que les petites et ont bénéficié d’aides au même titre. Aujourd’hui, l’État cherche à économiser tout en rééquilibrant le rapport de force entre les grandes et petites entreprises.”
Selon ce spécialiste qui intervient auprès des jeunes en recherche d’emploi, cette rationalisation ne devrait pas entraîner de bouleversements majeurs. “Certes, cette réduction aura un impact sur les embauches, mais pas aussi dramatique qu’on pourrait l’imaginer. Recruter un alternant reste toujours moins coûteux qu’un CDD ou un CDI. Et puis, former un jeune à l’image de l’entreprise est un avantage que beaucoup de recruteurs continuent de valoriser.”
Plus de compétition pour les étudiants
Laurent, étudiant en journalisme sportif, ne partage pas cet optimisme. Il cherche depuis octobre un contrat auprès d’une rédaction. “J’étais en alternance l’année dernière, mais mon entreprise n’a pas renouvelé mon contrat, faute de moyens. Je commence à perdre espoir. Je pense que cette décision a un réel impact sur ma situation”, déplore-t-il. La situation devient difficile pour ces étudiants qui évoluent dans des secteurs en tension.
Un désarroi qu’entend nuancer Simon Vallée, chargé au sein d’une grande école d’aider les étudiants dans leurs démarches. “Les entreprises recrutaient déjà avant les aides Covid”, note-t-il. Si cette transition peut être abrupte, elle pourrait pour ce trentenaire conduire à un changement bénéfique de mentalité : “Beaucoup d’employeurs ont surfé sur les aides pour recruter une main d’œuvre à moindre coût sans forcément avoir l’intention de former de futurs collaborateurs. Cette baisse pourrait encourager des recrutements plus qualitatifs, et à embaucher les jeunes en CDI”.