Conflit Inde-Pakistan : deux puissances nucléaires face à l’épreuve de la tension
Depuis avril, le Cachemire reste le théâtre d’incidents armés et de tensions diplomatiques dans le conflit Inde-Pakistan. Les échanges de tirs, les bilans humains et les mesures de cessez-le-feu illustrent la persistance d’un conflit frontalier qui engage deux puissances nucléaires et qui inquiète la communauté internationale. La région du Cachemire, située au nord de l’Inde, concentre l’essentiel des tensions indo-pakistanaises depuis la partition de 1947. Aujourd’hui encore, la ligne de contrôle de plus de 700 kilomètres, qui sépare les territoires administrés par New Delhi et Islamabad, est régulièrement le théâtre d’affrontements. La brusque montée de tension débute le 22 avril dernier, lorsqu’une attaque d’une violence inédite secoue le Cachemire indien : des hommes armés ouvrent le feu sur un site touristique très fréquenté, faisant 26 morts parmi les civils. L’Inde attribue aussitôt la responsabilité de ce massacre à un groupe jihadiste soupçonné d’être soutenu par le Pakistan. Islamabad rejette fermement ces accusations, dénonçant toute implication dans l’attentat. Des frappes et des représailles inédites En réaction à l’attentat de Pahalgam, la tension franchit un nouveau palier début mai. Dans la nuit du 6 au 7 mai 2025, l’Inde lance l’opération Sindoor : des frappes ciblées sont menées contre neuf sites situés sur le territoire pakistanais et au Cachemire pakistanais, que New Delhi présente comme des « bases terroristes ». Selon les autorités indiennes, plus de 100 combattants armés y auraient été neutralisés. Le Pakistan, pour sa part, dénonce des frappes sur des zones civiles, qui auraient causé la mort de 31 personnes et fait 57 blessés selon le bilan officiel. Islamabad promet alors une riposte « immédiate et proportionnée ». Deux jours plus tard, dans la nuit du 8 au 9 mai, le Pakistan lance à son tour des frappes de représailles, baptisées « opération Bunyan al-Marsus », visant plusieurs positions indiennes le long de la frontière et dans la région du Jammu-et-Cachemire. Les autorités pakistanaises revendiquent la destruction de postes militaires indiens et la mort de plusieurs soldats, sans fournir de bilan précis. L’Inde reconnaît des pertes matérielles et affirme avoir repoussé la plupart des incursions. Malgré un accord de cessez-le-feu renouvelé le 15 mai, la situation demeure volatile. Islamabad annonce la prolongation de la trêve jusqu’à dimanche, en coordination avec l’armée indienne, dans l’espoir de limiter l’escalade. Le poids de l’arsenal militaire et nucléaire Inde-Pakistan Derrière la violence régulière, la réalité de l’armement des deux puissances pèse lourd sur le déroulement des crises. L’Inde dispose de l’une des plus grandes armées du monde, avec environ 1,4 million de soldats en service actif, et a engagé près de 500 000 militaires et paramilitaires dans la région du Cachemire. Le Pakistan, de son côté, aligne une force de près de 650 000 hommes, dont une part importante est stationnée le long de la frontière contestée. Sur le plan nucléaire, l’Inde et le Pakistan figurent toutes deux parmi les neuf pays détenteurs officiels de l’arme atomique. Selon les estimations du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), l’Inde possèderait entre 165 et 180 ogives nucléaires, contre 160 à 165 pour le Pakistan. Cette parité stratégique entretient un équilibre précaire, chaque partie misant sur la dissuasion pour éviter une guerre ouverte. Depuis leurs premiers essais en 1998, l’Inde et le Pakistan ont développé des missiles balistiques capables de toucher le territoire adverse en quinze à trente minutes. Enjeux régionaux et pressions internationales Le conflit indo-pakistanais dépasse le seul cadre bilatéral. Il mobilise régulièrement l’attention des grandes puissances : la Chine, proche du Pakistan, soutient notamment la construction du corridor économique sino-pakistanais, tandis que les États-Unis renforcent leur partenariat stratégique avec l’Inde. Les Nations unies et l’Union européenne multiplient les appels à la désescalade, sans parvenir à instaurer un dialogue durable. La situation au Cachemire, au carrefour de routes énergétiques et de flux migratoires, impacte la stabilité de toute l’Asie du Sud. Les risques de prolifération nucléaire, la présence d’acteurs non étatiques et la possibilité d’un engrenage incontrôlé font du conflit indo-pakistanais un enjeu de sécurité international. Au-delà des chiffres, le conflit indo-pakistanais bouleverse la vie de plusieurs millions de personnes dans la région du Cachemire. Dans les districts de Baramulla, Poonch ou encore Kupwara, les écoles sont régulièrement fermées et les réseaux de communication suspendus lors des pics de tension. D’autres préfèrent la route de l’exode. La militarisation extrême de la région se manifeste par la présence massive de postes de contrôle, de bunkers et de patrouilles armées dans les villes et villages frontaliers. À Srinagar, principale ville de la vallée du Cachemire, plus de 40 000 soldats et paramilitaires indiens sont déployés en permanence. L’engrenage des accusations croisées L’Inde accuse régulièrement le Pakistan de soutenir activement des groupes armés opérant au Cachemire, comme le Jaish-e-Mohammed ou le Lashkar-e-Taiba, deux organisations inscrites sur la liste noire internationale du terrorisme. Islamabad dément tout appui direct. Le Pakistan, pour sa part, accuse l’Inde de violations répétées des droits humains dans la vallée, et de tenter d’étouffer les aspirations à l’autonomie ou à l’indépendance d’une partie de la population cachemirie. Les opérations de représailles se succèdent, avec des bilans souvent difficiles à vérifier de façon indépendante. Chaque incident fait redouter une escalade plus large, à mesure que la rhétorique se durcit de part et d’autre. Vers une issue ? Sur le terrain diplomatique, les tentatives de médiation restent rares et peu efficaces. Les discussions de 2021, organisées sous la médiation discrète des Émirats arabes unis, n’a pas abouti à une reprise du dialogue politique en profondeur. Depuis, seuls des échanges techniques ponctuels sur la gestion de l’eau ou la sécurité frontalière ont été maintenus. Selon l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), les perspectives de paix sont minces tant que le statut du Cachemire ne fait l’objet d’aucun compromis. La récente prolongation du cessez-le-feu, obtenue en mai, est saluée par la communauté internationale, mais reste perçue comme une mesure temporaire et vulnérable aux provocations. La possibilité d’un apaisement durable dépend d’une évolution de la situation intérieure dans chacun des deux pays, ainsi que de la capacité de la communauté internationale à promouvoir des mesures de confiance.