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International explore les enjeux géopolitiques et internationaux : tensions, alliances, conflits et stratégies globales décryptés pour comprendre les lignes du monde.

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Conflit Inde-Pakistan : deux puissances nucléaires face à l’épreuve de la tension

Depuis avril, le Cachemire reste le théâtre d’incidents armés et de tensions diplomatiques dans le conflit Inde-Pakistan. Les échanges de tirs, les bilans humains et les mesures de cessez-le-feu illustrent la persistance d’un conflit frontalier qui engage deux puissances nucléaires et qui inquiète la communauté internationale. La région du Cachemire, située au nord de l’Inde, concentre l’essentiel des tensions indo-pakistanaises depuis la partition de 1947. Aujourd’hui encore, la ligne de contrôle de plus de 700 kilomètres, qui sépare les territoires administrés par New Delhi et Islamabad, est régulièrement le théâtre d’affrontements.  La brusque montée de tension débute le 22 avril dernier, lorsqu’une attaque d’une violence inédite secoue le Cachemire indien : des hommes armés ouvrent le feu sur un site touristique très fréquenté, faisant 26 morts parmi les civils. L’Inde attribue aussitôt la responsabilité de ce massacre à un groupe jihadiste soupçonné d’être soutenu par le Pakistan. Islamabad rejette fermement ces accusations, dénonçant toute implication dans l’attentat.  Des frappes et des représailles inédites En réaction à l’attentat de Pahalgam, la tension franchit un nouveau palier début mai. Dans la nuit du 6 au 7 mai 2025, l’Inde lance l’opération Sindoor : des frappes ciblées sont menées contre neuf sites situés sur le territoire pakistanais et au Cachemire pakistanais, que New Delhi présente comme des « bases terroristes ». Selon les autorités indiennes, plus de 100 combattants armés y auraient été neutralisés. Le Pakistan, pour sa part, dénonce des frappes sur des zones civiles, qui auraient causé la mort de 31 personnes et fait 57 blessés selon le bilan officiel. Islamabad promet alors une riposte « immédiate et proportionnée ». Deux jours plus tard, dans la nuit du 8 au 9 mai, le Pakistan lance à son tour des frappes de représailles, baptisées « opération Bunyan al-Marsus », visant plusieurs positions indiennes le long de la frontière et dans la région du Jammu-et-Cachemire. Les autorités pakistanaises revendiquent la destruction de postes militaires indiens et la mort de plusieurs soldats, sans fournir de bilan précis. L’Inde reconnaît des pertes matérielles et affirme avoir repoussé la plupart des incursions. Malgré un accord de cessez-le-feu renouvelé le 15 mai, la situation demeure volatile. Islamabad annonce la prolongation de la trêve jusqu’à dimanche, en coordination avec l’armée indienne, dans l’espoir de limiter l’escalade.  Le poids de l’arsenal militaire et nucléaire Inde-Pakistan Derrière la violence régulière, la réalité de l’armement des deux puissances pèse lourd sur le déroulement des crises. L’Inde dispose de l’une des plus grandes armées du monde, avec environ 1,4 million de soldats en service actif, et a engagé près de 500 000 militaires et paramilitaires dans la région du Cachemire. Le Pakistan, de son côté, aligne une force de près de 650 000 hommes, dont une part importante est stationnée le long de la frontière contestée. Sur le plan nucléaire, l’Inde et le Pakistan figurent toutes deux parmi les neuf pays détenteurs officiels de l’arme atomique. Selon les estimations du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), l’Inde possèderait entre 165 et 180 ogives nucléaires, contre 160 à 165 pour le Pakistan. Cette parité stratégique entretient un équilibre précaire, chaque partie misant sur la dissuasion pour éviter une guerre ouverte. Depuis leurs premiers essais en 1998, l’Inde et le Pakistan ont développé des missiles balistiques capables de toucher le territoire adverse en quinze à trente minutes. Enjeux régionaux et pressions internationales Le conflit indo-pakistanais dépasse le seul cadre bilatéral. Il mobilise régulièrement l’attention des grandes puissances : la Chine, proche du Pakistan, soutient notamment la construction du corridor économique sino-pakistanais, tandis que les États-Unis renforcent leur partenariat stratégique avec l’Inde. Les Nations unies et l’Union européenne multiplient les appels à la désescalade, sans parvenir à instaurer un dialogue durable. La situation au Cachemire, au carrefour de routes énergétiques et de flux migratoires, impacte la stabilité de toute l’Asie du Sud. Les risques de prolifération nucléaire, la présence d’acteurs non étatiques et la possibilité d’un engrenage incontrôlé font du conflit indo-pakistanais un enjeu de sécurité international. Au-delà des chiffres, le conflit indo-pakistanais bouleverse la vie de plusieurs millions de personnes dans la région du Cachemire. Dans les districts de Baramulla, Poonch ou encore Kupwara, les écoles sont régulièrement fermées et les réseaux de communication suspendus lors des pics de tension. D’autres préfèrent la route de l’exode. La militarisation extrême de la région se manifeste par la présence massive de postes de contrôle, de bunkers et de patrouilles armées dans les villes et villages frontaliers. À Srinagar, principale ville de la vallée du Cachemire, plus de 40 000 soldats et paramilitaires indiens sont déployés en permanence.  L’engrenage des accusations croisées L’Inde accuse régulièrement le Pakistan de soutenir activement des groupes armés opérant au Cachemire, comme le Jaish-e-Mohammed ou le Lashkar-e-Taiba, deux organisations inscrites sur la liste noire internationale du terrorisme. Islamabad dément tout appui direct. Le Pakistan, pour sa part, accuse l’Inde de violations répétées des droits humains dans la vallée, et de tenter d’étouffer les aspirations à l’autonomie ou à l’indépendance d’une partie de la population cachemirie. Les opérations de représailles se succèdent, avec des bilans souvent difficiles à vérifier de façon indépendante. Chaque incident fait redouter une escalade plus large, à mesure que la rhétorique se durcit de part et d’autre. Vers une issue ? Sur le terrain diplomatique, les tentatives de médiation restent rares et peu efficaces. Les discussions de 2021, organisées sous la médiation discrète des Émirats arabes unis, n’a pas abouti à une reprise du dialogue politique en profondeur. Depuis, seuls des échanges techniques ponctuels sur la gestion de l’eau ou la sécurité frontalière ont été maintenus. Selon l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), les perspectives de paix sont minces tant que le statut du Cachemire ne fait l’objet d’aucun compromis. La récente prolongation du cessez-le-feu, obtenue en mai, est saluée par la communauté internationale, mais reste perçue comme une mesure temporaire et vulnérable aux provocations. La possibilité d’un apaisement durable dépend d’une évolution de la situation intérieure dans chacun des deux pays, ainsi que de la capacité de la communauté internationale à promouvoir des mesures de confiance.

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L’Église à la recherche de son nouveau souffle

À chaque conclave, l’Église catholique joue bien plus qu’une simple succession spirituelle : elle élit un chef d’État influent à la tête de 2,2 milliards de fidèles. Le choix du pape, hautement politique, reflète des équilibres géopolitiques complexes. Entre continents en concurrence, traditions et volontés de renouveau, le trône de Saint-Pierre cristallise des tensions mondiales souvent invisibles. Depuis l’élection inattendue du pape François en 2013, premier pontife venu d’Amérique latine, l’équilibre du pouvoir catholique a été changé. Sous son mandat, l’Église a vu émerger des voix venues de lieux souvent marginalisés par la religion : l’Afrique, l’Asie, voire même le Pacifique ont été ainsi mieux intégrés à l’institution chrétienne. Et à l’heure où s’ouvre un nouveau conclave, la question se pose avec acuité : l’Église catholique incarnera-t-elle une continuité avec François, en voguant vers de nouveaux horizons ou un retour aux ancrages traditionnels européens ? Il était venu pour changer les normes. En mars 2013, l’élection du cardinal argentin Jorge Mario Bergoglio avait surpris le monde catholique. Premier pape non européen depuis plus de quinze siècles, précurseur issu des Amériques, François Ier marquait une rupture symbolique et politique. En venant d’un continent souvent oublié dans les hautes sphères vaticanes, mais devenu, en nombre de fidèles, l’un des cœurs battants de l’Église. Ce choix inattendu ouvrait une nouvelle ère : celle d’un catholicisme plus global, moins eurocentré. Lors de son pontificat, François a engagé cette décentralisation du pouvoir ecclésiastique en nommant des cardinaux venus de régions jusqu’alors absentes de la carte vaticane : la Mongolie, les îles Tonga, ou encore le Soudan du Sud. Sous son impulsion, l’Église s’est redessinée. À la fois moins italienne et moins européenne, elle est devenue plus que jamais représentative de la diversité du monde catholique ». Un collège cardinalice, organe électoral du futur pape, qui s’est transformé, bien plus cosmopolite mais où l’Europe occupe encore une place centrale. Cependant, des déséquilibres demeurent, certains pays très catholiques comme la Bolivie restent sans représentant parmi les cardinaux. Mais la tendance est nette. François a préparé le terrain pour que, demain, un successeur vienne lui aussi des périphéries. Ce basculement pourrait-il s’incarner dans un pape africain ou asiatique ? Le conclave à venir pourrait bien répondre à cette question. Le continent africain, poumon de la foi chrétienne Tandis que l’Europe s’interroge sur son recul spirituel, l’Afrique réaffirme sa foi. Possédant près de 20 % des catholiques dans le monde, le continent africain affiche une santé religieuse qui contraste avec la perte de croyance au Nord. D’après des études au Nigeria, près de 90 % des catholiques vont encore à la messe chaque semaine. À Enugu, la Bigard Memorial Seminary forme chaque année des centaines de futurs prêtres. Sur le plan spirituel, l’Afrique est déjà un moteur. Seulement, le chemin s’annonce encore long pour s’affirmer comme une voix politique au sommet de l’Église. L’idée d’un pape africain n’est pourtant plus une simple projection symbolique, les bookmakers ne s’y trompent pas en se basant sur des dynamiques concrètes. Cependant, la voix des dix-huit cardinaux africains qui participeront au prochain conclave, soit 12 % du collège électoral, pourrait paraître faible dans la décision finale. Pourtant, parmi eux émergent des candidats crédibles, à l’image de Peter Turkson, originaire du Ghana, et de Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa. Si tous les deux incarnent un catholicisme conscient des injustices, engagé face aux défis contemporains, les obstacles demeurent pour en constituer des papabiles sérieux. Le poids africain dans la Curie romaine reste limité. Les structures ecclésiales sont parfois fragiles, et portent les maux de scandales passés sous silence, des défis de gouvernance et une corruption persistante. Sur le plan doctrinal, l’Afrique affiche un profil contrasté : conservatrice sur les mœurs, mais sensible aux questions sociales. Une ambiguïté qui trouble une partie des décideurs à Rome. Pourtant, un pape africain incarnerait un basculement historique. Celui d’un christianisme mondial qui ne regarde plus uniquement vers l’Europe, mais reconnaît l’ascension spirituelle du Sud. Encore faut-il que l’Église, dans sa vieille machine institutionnelle, accepte d’évoluer en ce sens. L’Asie a l’avenir pape-able Moins visible, mais loin d’être marginalisée au sein de l’organisation vaticane, l’Asie pourrait bien créer la surprise lors du prochain conclave. Continent largement façonné par d’autres religions comme l’hindouisme, l’islam ou encore le bouddhisme. Le continent abrite pourtant plus de 400 millions de chrétiens. Aux Philippines, troisième nation catholique du monde après le Brésil et le Mexique, près de 80 % des habitants se réclament du catholicisme. C’est de cet archipel qu’émerge l’un des favoris à la succession de François : le cardinal Luis Antonio Tagle. Âgé de 67 ans (jeune pour le statut), ce prélat originaire de Manille est souvent décrit comme l’héritier spirituel du pape actuel (au point d’avoir été surnommé « le François asiatique »). Il incarne une Église tournée vers les périphéries, soucieuse des exclus et attentive aux minorités. Son empathie, sa proximité avec les fidèles et son émotion assumée ont notamment plu lors du sommet sur les abus sexuels de 2019, ont marqué les esprits, jusque dans les couloirs de la Curie romaine. Originaire du Sud, Tagle incarne une religion plus progressiste, plus ouverte sur le monde. Occupant une place stratégique dans la diplomatie vaticane, il incarne le candidat naturel de la continuité et séduit ceux qui souhaitent prolonger l’élan de réforme et d’ouverture impulsé par François. Mais son image d’ouverture sociale, dans un contexte de raidissement conservateur, pourrait aussi constituer un frein à l’accession au siège de Saint-Pierre. À l’instar de l’Afrique, l’Asie reste sous-représentée dans la gouvernance de l’Église. Rares sont les cardinaux du continent à bénéficier d’une stature internationale comparable à celle de Tagle. Et il faudra plus que du charisme pour s’imposer dans une chapelle Sixtine qui résonne encore des traditions du vieux monde. L’élection d’un pape asiatique, inédite dans l’histoire, incarnerait une révolution, celle d’un catholicisme plus global, décentré, résolument tourné vers le Sud et l’Est du monde. Les jeux sont loin d’être faits. Comme le veut l’adage : « Qui entre pape au conclave en sort cardinal ».

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L’ONU : comment fonctionne cette organisation au cœur des grands enjeux mondiaux ?

Organisation incontournable des relations internationales, l’ONU est au centre des efforts pour la paix, les droits humains et le développement durable. Mais concrètement, à quoi sert-elle ? Comment fonctionne-t-elle ? Et quel est son impact aujourd’hui ? « Nations Unies : Paix, dignité et égalité sur une planète saine ». Cette devise résume l’ambition de l’Organisation des Nations unies (ONU), créée pour garantir la paix mondiale et promouvoir la coopération internationale. Avec 193 États membres et près de 37 000 employés répartis sur tous les continents, l’ONU est une organisation à vocation universelle. Cela signifie qu’elle traite de problématiques qui dépassent les frontières nationales : conflits armés, dérèglement climatique, famines, pandémies, droits humains. Mais l’ONU n’a pas toujours existé. Elle est le fruit d’un long processus de réflexion pour empêcher la répétition des horreurs de la guerre. Avant l’ONU : l’échec de la SDN Créée en 1919, au lendemain de la Première Guerre mondiale, la Société des Nations (SDN) avait pour ambition de préserver la paix dans le monde. Mais sans moyens concrets d’action ni participation des grandes puissances comme les États-Unis, elle s’est révélée impuissante face à la montée des fascismes et à l’agression des régimes totalitaires dans les années 1930. L’incapacité de la SDN à empêcher la Seconde Guerre mondiale a mis en lumière la nécessité d’une organisation internationale plus forte et mieux structurée : ce sera l’ONU. Les grandes étapes de sa création Une gouvernance internationale structurée Les 6 organes principaux ont été tous créés dans le cadre de la Charte des Nations unies, en juin 1945 :  Le Secrétaire général Actuellement occupé par António Guterres (9e à ce poste), le poste de Secrétaire général est à la fois diplomatique et administratif. Il représente l’ONU sur la scène internationale et joue un rôle clé dans la prévention des conflits. Il ne possède pas de pouvoir militaire, ni de force exécutoire, mais il agit par : la diplomatie, le plaidoyer moral et politique, la coordination humanitaire, et il représente une présence symbolique forte.  Exemple d’une mission au Myanmar réalisée par le secrétaire général actuel, Antonio Guterres Depuis le coup d’État militaire de février 2021 au Myanmar, la situation politique et humanitaire s’est fortement dégradée, avec de nombreuses violations des droits humains.  Son objectif était de trouver une solution pacifique à la crise, éviter une guerre civile et protéger les droits de la population. Les États membres : 193 voix, une organisation De l’Afghanistan au Zimbabwe, 193 pays sont membres de l’ONU. Chaque État dispose d’une voix à l’Assemblée générale, quel que soit son poids économique ou sa taille. Cette égalité formelle est l’un des fondements du multilatéralisme. Pour devenir membre, l’État doit adresser une demande d’adhésion au Secrétaire général de l’ONU. Un examen est effectué par le Conseil de sécurité, puis il y a un vote à l’Assemblée générale (l’admission est validée si au moins 2/3 des États membres votent en faveur). L’Etat s’engage à respecter les obligations de la charte de l’ONU. Malgré 193 membres, certains pays ne font pas partie de l’ONU, ou ont un statut spécial :  Des missions aux multiples facettes L’ONU agit dans des domaines variés et interconnectés. Ses missions principales sont : Les casques bleus : le bras armé de la paix Les forces de maintien de la paix de l’ONU, plus connues sous le nom de Casques bleus, ont été créées en 1956, à la suite de la crise du canal de Suez. Leur mission : intervenir dans les zones de conflit pour protéger les civils, superviser les cessez-le-feu, désarmer les belligérants ou encore accompagner les processus de paix. Leur déploiement se fait uniquement sur décision du Conseil de sécurité. Une mission emblématique : le Cambodge (1992-1993), la mission APRONUC Après des années de guerre civile, l’ONU envoie plus de 20 000 casques bleus pour organiser des élections libres, désarmer les factions armées et reconstruire les institutions. C’est l’une des opérations de paix les plus complexes et complètes jamais réalisées. Sous le régime des Khmers rouges (1975-1979), le Cambodge a été plongé dans une instabilité profonde. Après leur chute en 1979, le pays a connu une période marquée par des conflits entre différentes factions, un gouvernement d’exil et une occupation vietnamienne. Au début des années 1990, les tensions étaient toujours vives, et les différentes factions armées étaient responsables d’une grande partie des violences et des destructions. Le Cambodge avait besoin d’une réconciliation nationale, de stabilité politique et d’un processus de réforme institutionnelle pour sortir de la guerre et reconstruire le pays. C’est dans ce contexte que l’ONU a décidé d’intervenir. Les résultats de la mission :  Les Objectifs de développement durable : une feuille de route pour l’avenir Adoptés en 2015, les 17 Objectifs de développement durable (ODD) forment un plan d’action mondial pour éradiquer la pauvreté, protéger la planète et garantir la prospérité pour tous d’ici à 2030. Parmi eux : l’accès à l’eau, l’égalité des genres, la lutte contre le changement climatique ou encore l’éducation de qualité. Les ODD ont été créés afin d’adopter un cadre universel. Ils s’appliquent à tous les pays, quels que soient leur niveau de développement, leur contexte économique et social. Cela a permis de mettre en place un cadre universel pour encourager des actions communes à l’échelle mondiale. Ils visent à équilibrer trois dimensions : le développement économique, l’inclusion sociale et la protection de l’environnement. L’objectif est d’assurer un développement durable sur le long terme sans compromettre les ressources pour les générations futures. Utilisation et mise en œuvre :  Une diversité d’agences et de programmes L’ONU, c’est aussi tout un écosystème d’agences spécialisées, de fonds et de programmes. En voici quelques-uns : L’ONU face aux défis du XXIe siècle Crises humanitaires, pandémies, guerres, dérèglement climatique, intelligence artificielle… L’ONU est aujourd’hui confrontée à des défis complexes. Si elle est parfois critiquée pour son manque d’efficacité ou de réactivité, elle reste un cadre unique de dialogue, de coopération et d’action collective. Cependant, certains États, comme les États-Unis, se désengagent progressivement des Nations Unies, affaiblissant ainsi

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La science en péril, que se passe t-il aux Etats-Unis ?

L’université d’Aix-Marseille est prête à débourser 15 millions d’euros pour accueillir des scientifiques américains menacés dans leur pays. La communauté scientifique aux États-Unis fait face à des restrictions majeures, notamment avec une réduction drastique des financements fédéraux qui affecte particulièrement les organismes de recherche essentiels. La situation est particulièrement alarmante au sein des institutions fédérales. Le NIH, première agence mondiale de financement médical avec un budget de 47 milliards de dollars, a perdu 6 % de ses effectifs, soit 1 100 employés. Par ailleurs, les contrats de recherche ont été divisés par deux, tandis que les contributions aux coûts indirects ont chuté de 50 % à 15 %, entraînant des pertes estimées à plus de 4 milliards de dollars pour les institutions de recherche. Cette crise touche particulièrement les recherches sur la santé des femmes, le genre et les populations minoritaires, remettant en question la liberté académique. Trump démantèle les institutions scientifiques fédérales « The Trump administration’s threat to dismantle NOAA is an attack on the safety and wellbeing of American communities. » — Sarah Poon, Associate Vice President, Resilient Fishery Solutions at Environmental Defense Fund Les institutions scientifiques fédérales américaines font face à un démantèlement méthodique depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump. Des licenciements massifs aux restrictions budgétaires, en passant par la censure de certains termes scientifiques, l’appareil de recherche public américain subit une transformation sans précédent. L’agence fédérale américaine responsable de la surveillance météorologique, océanique et climatique (NOAA) est particulièrement touchée, avec la suppression de 800 emplois du jour au lendemain. Ces coupes affectent principalement le National Weather Service, branche essentielle de la NOAA, ainsi que les divisions de recherche climatique et océanographique. Par conséquent, la collecte de données en temps réel via satellites, bouées et avions chasseurs d’ouragans risque d’être considérablement ralentie. Les scientifiques américains signalent également que les collaborations internationales sont désormais entravées. Selon un chercheur, « il est désormais difficile, voire impossible pour les employés fédéraux d’assister à des conférences à l’étranger en océanographie et météorologie ». Plus grave encore, l’Institut français de recherche sur l’océan (Ifremer) indique que les échanges avec les scientifiques américains sur la surveillance océanique se sont « purement et simplement arrêtés » depuis mi-février. Le NIH perd 6 % de son personnel et la moitié de ses financements Les National Institutes of Health (NIH) ont imposé un plafonnement à 15 % du financement des « frais indirects » liés à la recherche, contre une moyenne antérieure de 27 à 28 %. Cette mesure devrait permettre d’économiser 4 milliards de dollars annuellement selon l’administration, mais les scientifiques avertissent qu’elle met en péril l’espace de laboratoire, l’équipement et les opérations essentielles. Jeffrey Flier, ancien doyen de la faculté de médecine de Harvard, a qualifié cette décision de « folle ». Pour éviter de perdre les financements et subventions, une liste de mots à proscrire a été diffusée. Ce document, consulté par le Washington Post, proscrit notamment les termes « activisme », « équité », « égalité », « inclusion », « femme », « minorités » et « climat ». Selon Alessandro Rigolon, professeur associé en urbanisme, même le simple fait de mentionner « changement climatique », « émissions » ou « justice environnementale » dans un titre peut entraîner le retrait d’une subvention déjà obtenue. Des intelligences artificielles analysent désormais les sites web des universités à la recherche de ces mots interdits. Conséquence immédiate : de nombreux scientifiques américains reformulent leur vocabulaire pour « masquer la réalité de leurs recherches et passer entre les mailles des filets », tandis que d’autres anticipent en modifiant complètement leurs travaux pour éviter toute mention de changement climatique. Des scientifiques américains cherchent refuge à l’étranger L’université d’Aix-Marseille (AMU) a lancé le programme « Safe Place For Science » destiné aux chercheurs américains dont la liberté académique est menacée. Ce dispositif pourrait bénéficier d’un financement de 15 millions d’euros sur trois ans pour accueillir une quinzaine de scientifiques. La fondation AMIDEX soutient particulièrement les postes concernant le climat, l’environnement, la santé et les sciences humaines et sociales. Le succès de cette initiative est déjà remarquable. En seulement dix jours après son lancement, le programme a reçu plus d’une centaine de candidatures. La ministre de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne, et le ministre de la Recherche se sont rendus à Marseille pour soutenir cette initiative. D’autres initiatives européennes tendent la main aux scientifiques menacés L’AMU n’est pas seule dans cette démarche. L’université Paris-Saclay propose également plusieurs dispositifs, notamment des contrats de thèse pour les doctorants américains et des financements pour les séjours de chercheurs confirmés. Les « chaires Jean d’Alembert » permettent ainsi des séjours de six à douze mois dans ses laboratoires. Au niveau européen, Philippe Baptiste, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, coordonne les efforts avec onze autres pays pour mobiliser des fonds. Il encourage l’utilisation de programmes existants comme « Choose Europe », « Marie Curie » ou « Euraxess ». La France prépare également « Odysee France », un dispositif spécifique pour les jeunes chercheurs américains. Par ailleurs, une fondation de recherche sur le cancer à Paris a débloqué immédiatement 3,5 millions d’euros pour accueillir des chercheurs américains spécialisés dans ce domaine. Plus de 350 scientifiques ont signé une pétition demandant à la Commission européenne de créer un fonds d’urgence de 750 millions d’euros. Ces mesures rappellent le programme « Pause » déjà mis en place par AMU, qui a permis d’accueillir 25 scientifiques venant d’Ukraine, du Yémen, d’Afghanistan et des territoires palestiniens. La liberté académique subit des attaques « Those among us who are unwilling to expose their ideas to the hazard of refutation do not take part in the game of science. » — Karl Popper, Philosopher of Science Au-delà des coupes budgétaires, la liberté académique américaine fait face à une offensive sans précédent. Les restrictions, censures et intimidations se multiplient, créant un climat de peur parmi les chercheurs. Le 9 mars dernier, un chercheur français en mission pour le CNRS a été refoulé à son arrivée aux États-Unis. Lors d’un contrôle aléatoire à l’aéroport, les autorités ont fouillé son téléphone et son ordinateur, y découvrant des messages critiquant la politique scientifique de l’administration Trump. Ces messages ont été qualifiés de « haineux » et pouvant être « assimilés à du terrorisme ». Le scientifique, qui travaillait dans le domaine

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Trump et l’aide internationale : une crise sans précédent

La réélection de Donald Trump a profondément bouleversé le secteur de l’aide au développement. Bien que des coupes budgétaires aient été anticipées, leur ampleur a largement dépassé les prévisions. Dès son retour à la Maison-Blanche, le président américain a validé des réductions massives des financements destinés aux programmes humanitaires et de coopération internationale, estimant que ces derniers n’étaient pas alignés avec les priorités de son administration. Un décret historique Le 20 janvier 2025, à peine investi, Donald Trump signe un décret gelant les financements de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) pour 90 jours, le temps de réévaluer l’aide étrangère des États-Unis. Fidèle à sa doctrine « America First », il confirme ainsi son hostilité à l’aide internationale, déjà affichée lors de son premier mandat. Entre 2017 et 2021, il avait tenté de réduire de jusqu’à 30 % le budget de l’USAID et du Département d’État, tout en suspendant l’aide à plusieurs pays et organisations, dont l’OMS, en pleine pandémie. Cette nouvelle mesure, encore plus radicale, illustre sa vision isolationniste des relations internationales. Durant la période de gel, tous les programmes financés par les États-Unis sont suspendus dans l’attente d’une réévaluation. À l’issue de cet examen, ils pourront être maintenus ou définitivement arrêtés. Seul le Secrétaire d’État dispose du pouvoir d’exempter certains projets de cette pause. Ce décret illustre la volonté affirmée de Donald Trump de réduire l’influence de l’aide américaine à l’étranger en recentrant les financements sur des priorités nationales, au risque de fragiliser de nombreux programmes humanitaires à travers le monde. Pourquoi ces coupes font-elles si peur ? L’USAID représente près de 42 % du budget mondial de l’aide humanitaire, soit environ 41 milliards d’euros par an, et joue un rôle central pour de nombreuses ONG internationales comme Action contre la faim, Handicap international ou Médecins du monde. Ces organisations dépendent largement de ses financements pour leurs actions dans des zones de crise. L’agence américaine est également essentielle lors des crises majeures, ayant alloué plus de 2 milliards de dollars à l’aide humanitaire en Ukraine en 2023 et mobilisé plus de 9 milliards pour lutter contre la pandémie de COVID-19. En plus de ces urgences, l’USAID soutient des initiatives à long terme, comme le programme « Feed the Future », qui lutte contre la faim et la pauvreté. Mais son rôle ne se limite pas au financement : les engagements de l’agence servent souvent de levier pour attirer d’autres donateurs internationaux, renforçant ainsi l’impact des projets humanitaires. Ces coupes soulèvent ainsi de grandes inquiétudes : elles risquent d’aggraver les crises humanitaires dans les pays les plus vulnérables (Ukraine, Somalie, Afghanistan) et de déstabiliser des régions entières.  Quels secteurs seront les plus impactés ? Les coupes budgétaires de l’USAID ont déjà des répercussions majeures sur plusieurs secteurs clés, à commencer par les programmes dits « d’inclusion », désormais laissés de côté. Ces réductions affecteront des millions de bénéficiaires à travers le monde, avec des conséquences dramatiques. Ces coupes risquent d’effacer des années de progrès en matière de développement, de résilience climatique, de santé publique et d’égalité des genres. Mars 2025 : Quel bilan à ce stade ? Au moment des premières annonces, il était difficile de saisir l’ampleur des répercussions futures. Bien que la situation reste floue près de deux mois après l’adoption du premier décret, les contours de la crise se dessinent peu à peu. La quasi-fermeture de l’USAID a conduit à la mise en congé administratif ou au licenciement de milliers d’employés. Les ONG internationales, pour leur part, rencontrent de grandes difficultés pour maintenir leurs opérations sur le terrain ; certaines ont dû fermer leurs bureaux ou licencier du personnel. Cependant, un tournant a eu lieu le 5 mars 2025. La Cour suprême des États-Unis a ordonné à l’administration Trump de débloquer entre 1,5 et 2 milliards de dollars d’aide internationale, gelée depuis janvier. L’institution a estimé que cette suspension violait les engagements budgétaires ratifiés par le Congrès, offrant ainsi une victoire aux organisations humanitaires. Toutefois, cette décision ne compense en rien les coupes drastiques opérées par l’administration, qui a réduit de plus de 90 % les crédits alloués par l’USAID. La France et l’Union européenne peuvent elles compenser le recul de l’USAID ? En France, le 23 janvier 2025, le Sénat a voté un budget réduisant fortement l’aide publique au développement (APD), avec une baisse de 37 %, soit plus de 2,1 milliards d’euros. Le budget passe ainsi de 6,5 milliards en 2024 à 5,2 milliards d’euros, un niveau inférieur à celui de 2021, mettant en péril l’objectif de consacrer 0,7 % du revenu national brut (RNB) à cette aide d’ici 2025. Pour compenser cette baisse, l’Union européenne, qui est le premier donateur mondial avec 95,9 milliards d’euros en 2023, pourrait jouer un rôle clé. Mais son aide est incertaine : chaque pays de l’UE décide encore largement de sa propre politique et d’autres priorités comme le soutien à l’Ukraine et la gestion des migrations pèsent déjà sur les budgets. Dans ce contexte, l’augmentation de l’aide européenne semble peu probable, alors que la tendance mondiale est plutôt à la baisse. En rompant avec des décennies de politique multilatérale, l’administration Trump redéfinit le rôle des États-Unis sur la scène mondiale, passant d’un acteur perçu comme « bienveillant » à une puissance centrée sur ses intérêts immédiats. Bien que cette stratégie vise à renforcer l’économie américaine à court terme, ses conséquences géopolitiques et humanitaires à long terme risquent d’être désastreuses. Pour l’Union européenne et l’AFD, pallier ce vide nécessiterait des augmentations budgétaires substantielles et une refonte de leurs structures d’aide. Cela impliquerait une meilleure coordination entre les États membres de l’UE, un réajustement des priorités et la création de nouveaux mécanismes de financement. La situation reste donc incertaine, et le vide laissé par Washington oblige les acteurs internationaux à revoir leurs stratégies.

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La Chine, maître des mers

Sur les océans, la Chine façonne un empire maritime sans précédent, contrôlant 9 des 20 plus grands ports mondiaux. Entre investissements, modernisation et acquisitions stratégiques, Pékin redéfinit les routes du commerce mondial. Derrière cette expansion, un double enjeu. D’abord économique : sécuriser ses exportations et garantir l’approvisionnement en matières premières. Ensuite, géopolitique, pour asseoir son influence face aux puissances rivales, quitte à redéfinir les équilibres régionaux. Du port du Pirée en Grèce au terminal stratégique de Chancay au Pérou, en passant par le canal de Panama, chaque infrastructure devient une pièce sur l’échiquier global. Mais cette montée en puissance inquiète. En Europe, aux États-Unis et en Inde, la présence croissante des entreprises chinoises dans les infrastructures portuaires suscite des craintes sur la souveraineté et la sécurité. D’autant plus que Pékin floute la frontière entre civil et militaire, intégrant ses ports à une stratégie maritime plus large, où le commerce et la puissance navale se confondent. Faut-il voir dans cette emprise portuaire une simple logique industrielle ou une volonté de domination globale ? À travers une analyse des investissements, des routes commerciales et des tensions qu’ils engendrent, décryptage d’une stratégie qui redessine la carte du commerce mondial. Une hiérarchie portuaire mondiale C’est un fait incontestable. La Chine domine l’économie maritime mondiale. Sur les dix plus grands ports du globe, sept se situent sur son territoire, formant un réseau stratégique sans équivalent. Shanghai, premier port mondial en volume de conteneurs, symbolise cette suprématie. Il est suivi de près par Singapour, Quingdao, Ningbo-Zhoushan et Shenzhen, qui orchestrent une part majeure du commerce international. Cette puissance repose en grande partie sur l’importance des deltas du fleuve Yangzi et de la rivière des Perles, véritables cœurs battants de la logistique chinoise. Le delta du Yangzi, où se trouve Shanghai, est une interface commerciale essentielle reliant les zones industrielles aux grandes routes maritimes. De l’autre côté, le delta de la rivière des Perles, avec les ports de Shenzhen et Guangzhou, connecte le sud du pays aux flux commerciaux mondiaux. Ces régions concentrent un tissu industriel dense, propulsant la Chine au centre des échanges maritimes. La force de frappe chinoise Si la Chine s’impose, c’est aussi grâce à sa capacité d’investissement. Pékin a mis en œuvre une modernisation de ses infrastructures portuaires, en misant sur l’automatisation et la digitalisation. Les “ports intelligents”, entièrement robotisés, permettent un traitement accéléré des conteneurs et une optimisation des flux, réduisant les coûts et augmentant la compétitivité. Shanghai, Ningbo et Tianjin figurent parmi les hubs les plus avancés au monde, avec des terminaux où grues automatisées et intelligence artificielle gèrent le trafic en temps réel. Cette transformation repose sur des acteurs clés : Cosco Shipping Ports, China Communications Construction Company (CCCC) et China Merchants Port Holdings. Ces géants du transport et de la construction jouent un rôle central dans l’extension de l’influence chinoise. Cosco, en particulier, a acquis d’importantes participations dans des ports étrangers, assurant ainsi une présence stratégique dans plusieurs régions du monde. L’exemple du port du Pirée en Grèce est révélateur. Entré en 2009 en pleine crise économique, Cosco a progressivement pris le contrôle des infrastructures, portant sa participation à 67 % en 2021. Aujourd’hui, ce port méditerranéen est devenu un pilier de la logistique chinoise en Europe, facilitant l’acheminement des marchandises vers le continent. Le modèle s’est répété ailleurs : au Pérou, Cosco détient désormais 60 % du port de Chancay, un projet à 3 milliards d’euros qui ambitionne de transformer la région en un hub logistique majeur. En Allemagne, l’entreprise a également pris pied dans le port de Hambourg, suscitant des débats sur la souveraineté économique du pays. La stratégie du “collier de perles” Depuis les années 2000, Pékin a mis en place une stratégie globale visant à sécuriser ses routes commerciales et ses approvisionnements en ressources essentielles. Baptisée le “collier de perles”, cette politique repose sur le développement et le contrôle de ports-clés en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique. L’objectif est double : garantir la fluidité des échanges maritimes chinois et éviter toute dépendance excessive vis-à-vis des puissances concurrentes, notamment les États-Unis et l’Inde. Pékin a ainsi investi massivement dans des infrastructures portuaires comme Hambantota au Sri Lanka, Doraleh à Djibouti ou encore Gwadar au Pakistan. Ce dernier est particulièrement stratégique : situé à l’embouchure du golfe d’Oman, il permet un accès direct aux ressources énergétiques du Moyen-Orient sans passer par le détroit de Malacca, un passage vulnérable aux tensions internationales. Cependant, le port de Gwadar illustre aussi les limites du “collier de perles”. Malgré des investissements conséquents, son développement a été entravé par des retards, une instabilité locale et un manque d’attrait pour les investisseurs privés. Loin du “Shenzhen pakistanais” promis, Gwadar peine encore à s’imposer comme un hub maritime incontournable. Mais la stratégie chinoise ne s’arrête pas là. Elle s’étend également aux infrastructures logistiques terrestres, avec des corridors économiques connectant ces ports à l’intérieur du continent asiatique, renforçant ainsi leur rôle dans les nouvelles routes de la soie. Le « dilemme de Malacca » Toutefois sa dépendance au détroit de Malacca, un passage maritime clé entre l’océan Indien et la mer de Chine méridionale, montre sa vulnérabilité. Plus de 60 % des importations chinoises de pétrole transitent par ce corridor étroit, exposé aux tensions régionales et aux risques de blocus en cas de conflit. Conscient de cette faiblesse, Pékin cherche activement des alternatives. D’une part, en renforçant sa présence dans d’autres passages stratégiques comme le canal de Panama, où des entreprises chinoises détiennent des terminaux portuaires aux deux extrémités. D’autre part, en multipliant les corridors terrestres et ferroviaires pour relier directement l’Asie centrale, l’Europe et le Moyen-Orient. La construction d’oléoducs et de gazoducs via la Birmanie, le Kazakhstan et la Russie fait partie de cette stratégie, tout comme le développement du corridor Chine-Pakistan, qui permettrait d’acheminer du pétrole du golfe Persique via Gwadar plutôt que par Malacca. Une militarisation déguisée des infrastructures portuaires Derrière l’expansion commerciale chinoise se cache une réalité plus troublante : la porosité croissante entre les infrastructures civiles et les objectifs militaires

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Yoon Suk-yeol, de la loi martiale à la prison

Ces derniers mois resteront gravés dans l’histoire de la Corée du Sud. Le président Yoon Suk-yeol a pris une décision : proclamer la loi martiale. Une mesure qui a provoqué une onde de choc parmi la population, encore marquée par les souvenirs douloureux des répressions passées. La loi martiale en Corée du Sud consiste à suspendre l’autorité civile au profit d’un contrôle militaire total, habituellement réservé à des situations de crise extrême, telles que des guerres ou des insurrections graves. Cette mesure n’avait pas été mise en œuvre depuis 1979, lors de la dictature militaire de Chun Doo-hwan. Les habitants de Gwangju, en particulier, gardent en mémoire le massacre de mai 1980, lorsqu’une insurrection contre la loi martiale fut brutalement réprimée, causant plus de 200 morts et près de 1 800 blessés selon les chiffres officiels.Ces souvenirs de répression ont alimenté l’indignation nationale lorsque Yoon Suk-yeol a annoncé sa décision de recourir à cette mesure exceptionnelle le 3 décembre, qui a duré 6 heures. Une justification peu convaincante Officiellement, Yoon Suk-yeol affirmait vouloir protéger le pays d’une menace imminente venue de la Corée du Nord. Mais cette justification peinait à convaincre, autant du côté de la population que des analystes. Depuis avril, le président se trouvait en conflit avec un parlement dominé par l’opposition, rendant impossible l’adoption de ses réformes. Isolé et sous pression, il avait accusé ses adversaires de chercher à renverser le régime. Le soir du 3 décembre, à 22 heures, la proclamation de la loi martiale s’est traduite par l’instauration de couvre-feux, la suspension des libertés civiles et des arrestations sans mandat. Des troupes militaires ont été mobilisées pour prendre le contrôle du Parlement. Des scènes de chaos s’en sont suivies lorsque 280 militaires ont brisé les fenêtres du bâtiment et affronté le personnel parlementaire barricadé. À l’extérieur des milliers de manifestants pro-démocratie exprimaient leur colère. Malgré cette tentative de contrôle, l’opposition parlementaire a réussi à adopter une résolution exigeant la levée de la loi martiale. Le 14 décembre, Yoon Suk-yeol a été officiellement destitué de ses fonctions. Yoon Suk-yeol, le président déchu Le 31 décembre, un mandat d’arrêt a été émis contre Yoon Suk-yeol pour insurrection, un crime passible de la prison à vie, voire de la peine de mort. L’immunité présidentielle ne protège pas un chef d’État lorsqu’il s’agit d’insurrection, de trahison ou d’infraction grave. Une première tentative d’arrestation le 3 janvier a échoué en raison de la résistance de sa garde présidentielle. Finalement, il a été appréhendé et placé en détention préventive à Séoul, les autorités invoquant un « risque continu de destruction de preuves ». Ses avocats ont mis en garde contre une potentielle réaction violente de ses partisans, évoquant la possibilité d’une guerre civile. Le 15 janvier, il est devenu le premier chef d’État en exercice à être arrêté D’autres dirigeants sud-coréens ont connu des destitutions : Park Geun-hye et Roh Moo-hyun. Park Geun-hye a été destituée en deux étapes : d’abord par l’Assemblée nationale le 9 décembre 2016, puis confirmée par la Cour constitutionnelle le 10 mars 2017, après un scandale de corruption et de trafic d’influence. Elle est devenue la première présidente sud-coréenne à être destituée. Roh Moo-hyun, quant à lui, a été destitué en mars 2004 par l’Assemblée nationale, suite à des accusations de violation de la neutralité électorale et de corruption. Cependant, la Cour constitutionnelle a annulé cette destitution après qu’il a fait appel de la décision, ce qui lui a permis de conserver son poste. La politique monte à la tête Né en 1960 à Séoul, Yoon Suk-yeol a entamé sa carrière en tant que procureur en 1994. Il s’est forgé une réputation d’incorruptible, notamment en s’attaquant à des figures politiques et économiques de premier plan. Sa nomination en tant que procureur général en 2019 avait renforcé sa notoriété.  Sa victoire à l’élection présidentielle de 2022 avait suscité l’espoir. Il a promis une politique ferme envers la Corée du Nord et un rapprochement avec les États-Unis.Pourtant, son mandat avait rapidement pris des allures de champ de bataille politique, le parlement bloquant systématiquement son agenda. L’avenir politique de la Corée du Sud repose désormais entre les mains de la Cour constitutionnelle, qui doit statuer sur la validité de la destitution de Yoon. Les huit membres de la Cour constitutionnelle disposent jusqu’à la mi-juin pour valider cette sanction et prononcer son éviction définitive, ou bien pour rétablir son mandat. Pour confirmer la déchéance, six voix seront nécessaires. Si la destitution est confirmée, de nouvelles élections devront être organisées. Cette crise ne constitue pas seulement une page noire de la présidence de Yoon Suk-yeol qui reste aux manettes pour au moins 60 jours mais interroge sur l’avenir de la démocratie sud-coréenne, encore fragile face aux abus de pouvoir. Une chose est sûre : l’Histoire est en marche en Corée du Sud. Pour les citoyens comme pour les observateurs internationaux, il est essentiel de suivre, analyser et ne jamais oublier les leçons que cette crise et les précédentes donnent.

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Pourquoi Donald Trump veut-il récupérer le canal de Panama ?

Lors de son investiture lundi 20 janvier, Donald Trump énonce ses priorités pour les semaines à venir : immigration, conquête de Mars et… annexion du canal de Panama. Une décision motivée par l’enjeu économique et stratégique du passage maritime. Donald Trump l’affirme : le canal de Panama doit « revenir » aux États-Unis. Une décision rejetée par le président panaméen, José Raul Mulino, sur X. Pourtant, cela ne freine pas le nouveau gouverneur américain, qui n’exclut pas la possibilité de le récupérer par la force. Une idée surprenante, mais pas absurde : pour comprendre les causes, il faut remonter quelques années en arrière.  Un canal piqué par les Panaméens ? La révolution industrielle propulse les États-Unis. En 1914, l’un des plus grands chantiers du pays prend fin. Le canal de Panama ouvre ses portes après onze années de travaux. C’est un succès immédiat. Le commerce se concentre autour de cet emplacement, ce qui épargne aux navires un détour par le Cap Horn, au sud du continent. L’usage de ce canal est une machine à profit pour l’économie américaine, qui récolte jusqu’à cinquante millions de dollars en 1950.  Mais le conte de fée s’arrête brutalement. En 1968, Omar Torrijos, président du Panama, commence un combat diplomatique face aux États-Unis. Son objectif ? Obtenir le contrôle total du canal. Après des années de bras de fer, la pression de l’ONU force Jimmy Carter à plier. En 1977, le processus de transfert est lancé jusqu’en 1999 : ce qui donne naissance aux traités Torrijos-Carter. Depuis, le canal échappe à leur contrôle. Est-ce dû au laxisme du président de l’époque ? Pour Donald Trump, la « vente » effectuée aux panaméens était une erreur. Une perte pour les Américains Selon José Raul Mulino, il n’est pas question de céder. Ce transfert représente une valeur économique qu’ils ne peuvent pas laisser filer. En 2024, c’est près de cinq milliards de dollars reversés à l’économie du pays. C’est pour cette raison que les États-Unis souhaitent récupérer ce qu’ils estiment être leur création. À l’heure actuelle, la situation est tendue. Pendant son investiture, le président américain affiche ses intentions. Pour lui, les droits de passage imposés aux navires américains sont bien trop élevés, une injustice flagrante. Il mentionne également la Chine, qui profiterait de ce canal pour améliorer leur commerce. Reprendre le dessus, ce serait corriger une faiblesse de leur histoire et donner un coup de fouet à sa vision de la restructuration de l’économie. Le message est clair : laisser ce territoire hors des mains américaines, ce n’est plus possible. Mais alors, peut-il l’annexer ? Donald Trump ne peut pas récupérer le canal de Panama comme il le souhaite. Légalement, c’est impossible. Cela violerait le droit international et entraînerait une perte économique. Pourtant, il n’hésite pas à intensifier la pression sur le président Mulino. Théoriquement, la seule possibilité légale serait un accord politique mutuel. De longues négociations, pour éviter un conflit armé. Mais dans les faits, cela semble illusoire. Par ailleurs, passer à l’offensive exigerait un investissement financier majeur, un effort que Trump n’est pas prêt à assumer pour le moment. Dans ces deux cas, le canal est actuellement inatteignable pour les États-Unis.

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L’accord de défense russo-nord-coréen, une alliance stratégiquement risquée

Le 4 décembre 2024, la Russie et la Corée du Nord ont officiellement ratifié un accord de défense mutuelle, marquant une nouvelle ère dans leurs relations. Ce traité, signé à Moscou après plusieurs mois de négociations discrètes, renforce l’alliance stratégique entre les deux pays, avec des implications pour la sécurité mondiale, en particulier en Asie du Nord-Est. La guerre en Ukraine, lancée par la Russie en février 2022, a mené Moscou dans un isolement diplomatique et économique international sans précédent. Les sanctions occidentales ont contraint la Russie à chercher de nouveaux alliés pour pallier ses besoins en armement et en ressources. Dans ce contexte, la Corée du Nord, qui partage une hostilité commune envers les États-Unis et leurs alliés, est devenue un partenaire privilégié. Depuis l’extension des sanctions internationales contre la Corée du Nord, notamment après ses tests nucléaires et de missiles, Pyongyang a aussi cherché des alliés capables de contourner ces restrictions. Le partenariat avec la Russie permet ainsi à Kim Jong Un de renforcer son programme nucléaire et d’accéder à des technologies militaires avancées. De l’amitié à une alliance stratégique Entre 2023 et 2024, les relations russo-nord-coréennes ont connu un certain tournant. Initialement marquées par des échanges diplomatiques ponctuels, elles ont progressivement évolué vers une alliance stratégique, soutenue par des rencontres de plus en plus courantes. En septembre 2023, Vladimir Poutine et Kim Jong Un se sont rencontrés pour la première fois au cosmodrome de Vostochny, un lieu symbolisant les ambitions technologiques de Moscou. Cette visite, la plus longue effectuée par Kim Jong Un à l’étranger depuis son arrivée au pouvoir, a renforcé l’idée d’une convergence stratégique durable. Au cours de cette rencontre, Kim a qualifié les relations avec la Russie de « liens stratégiques éternels« , marquant une volonté explicite de renforcer leur coopération militaire et économique. Cette dynamique s’est accélérée avec le sommet de juin 2024, tenu à Pyongyang, où Vladimir Poutine a effectué une visite, sa première en Corée du Nord depuis 24 ans. Cette rencontre a permis la signature d’un « partenariat stratégique global », incluant des clauses d’assistance militaire mutuelle. Cet accord, entré en vigueur en décembre 2024, a symbolisé une nouvelle étape dans la coopération entre les deux régimes. Une assistance militaire mutuelle « sans délai » L’un des points clés de cet accord est l’engagement des deux pays à se fournir une assistance militaire « sans délai » en cas d’agression extérieure. Cela signifie que toute attaque contre l’un des deux États entraînera automatiquement une réponse conjointe. Un engagement tacite qui n’attend aucune validation internationale, comme celle du Conseil de sécurité de l’ONU. Ce principe pourrait ainsi faciliter une escalade rapide des tensions, en particulier si un conflit éclate dans la région. Cette clause, particulièrement inquiétante pour la stabilité de la région, a été saluée par Vladimir Poutine comme un « pas important vers un nouvel ordre mondial multipolaire« . Le pacte ne se limite pas à une simple alliance militaire. La Corée du Nord, qui a déjà envoyé des troupes soutenir la Russie dans le conflit ukrainien, pourrait fournir à la Russie des munitions et des équipements militaires. En retour, la Corée du Nord espère recevoir des technologies avancées, notamment dans les domaines des missiles, des satellites et des sous-marins. Ces échanges permettent à Pyongyang de moderniser ses capacités militaires, notamment son programme nucléaire, tout en renforçant son contrôle interne et son image de puissance régionale. Aussi la Russie, confrontée à une pénurie de main-d’œuvre en raison de la guerre en Ukraine, pourrait bénéficier de l’envoi de travailleurs nord-coréens. En retour, Pyongyang cherche à obtenir des devises fortes et à renforcer son économie affaiblie par des sanctions internationales. Cependant, ces échanges risquent de provoquer des remous sur la scène internationale, les Nations unies interdisant l’emploi de travailleurs nord-coréens à l’étranger depuis 2019. Des risques de prolifération et d’escalade Le rapprochement entre les deux pays, fondé sur une coopération militaire et stratégique renforcée, constitue désormais un axe Kim-Poutine qui risque d’intensifier les tensions dans une région déjà marquée par des rivalités et des conflits non résolus. L’un des risques majeurs réside dans la possibilité que la Corée du Nord intensifie ses activités militaires contre la Corée du Sud, déjà marquées par des essais de missiles fréquents et des tensions diplomatiques. Le soutien russe pourrait permettre à Pyongyang de renforcer ses capacités militaires, notamment dans le domaine des technologies de missiles et des armes de destruction massive. Ce climat de militarisation croissante pourrait bien provoquer une nouvelle escalade des tensions, entraînant potentiellement une course aux armements dans la région. Cela risquerait de pousser la Corée du Sud et le Japon à augmenter leurs dépenses de défense, à renforcer leurs capacités militaires et, dans le pire des scénarios, à relancer le débat sur la prolifération nucléaire régionale. Bien que le traité scelle une alliance stratégique sans précédent, certains analystes questionnent sa durabilité. La Corée du Nord, bien qu’utile à court terme pour Moscou, reste un partenaire imprévisible, dont les priorités peuvent diverger sur le long terme. Surtout, les fragilités économiques des deux régimes pourraient limiter la portée réelle de cet accord. Pour l’heure, cependant, l’axe Kim-Poutine s’impose comme un nouveau défi pour les États-Unis et leurs alliés, contraints de repenser leur stratégie en Asie. À mesure que les tensions se cristallisent, ce partenariat illustre une tendance inquiétante : la polarisation croissante d’un ordre mondial en transition.

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Les progrès timides de la COP29 face à l’urgence climatique

La COP29, qui s’est tenue en novembre 2024 à Bakou, en Azerbaïdjan, a montré quelques avancées en matière de financement climatique et de transparence, mais n’a pas su répondre aux attentes des pays en développement ni des ONG. L’un des principaux objectifs de la COP29 était de concrétiser l’augmentation du financement climatique pour soutenir les pays en développement dans leur lutte contre le changement climatique. À cet égard, l’accord final a prévu un triplement du financement, passant de 100 à 300 milliards de dollars par an d’ici 2035. Un progrès significatif par rapport aux objectifs précédents, mais qui a été jugé insuffisant par les pays les plus vulnérables. Les critiques se sont multipliées, notamment de la part des pays africains et des petits États insulaires, qui ont dénoncé un manque de solidarité et de réalisme dans les engagements financiers. Le groupe Afrique a souligné que ce montant, ajusté à l’inflation, est équivalent à celui des 100 milliards promis en 2009, ce qui le rend quasiment obsolète. Plusieurs délégués ont exprimé leur mécontentement, qualifiant cet accord de « crachat au visage des nations vulnérables« , pointant du doigt la faiblesse des engagements, surtout quand on sait que ces pays sont les plus touchés par les impacts du réchauffement climatique. La finance climatique désigne les flux financiers qui visent à soutenir les actions de lutte contre le changement climatique, en particulier dans les pays en développement. Elle comprend les financements publics et privés, bilatéraux et multilatéraux, et couvre différents domaines d’intervention : l’atténuation (réduction des émissions de gaz à effet de serre), l’adaptation aux impacts du changement climatique, et les pertes et dommages (financement des impacts irréversibles du changement climatique). Le marché carbone Un autre élément central des discussions de la COP29 a été la mise en place d’un nouveau marché carbone. Cet accord vise à créer un système centralisé sous l’égide des Nations unies pour réguler les échanges de crédits carbone entre pays, et notamment entre les pays développés et les pays en développement. Ce marché carbone, qui découle des négociations sur l’article 6 de l’accord de Paris, a pour objectif de rendre les actions climatiques des États plus transparentes et plus efficaces. Cependant, cet accord a suscité de nombreuses critiques. Certaines ONG ont pointé du doigt un manque de transparence dans son adoption, et la crainte que ces mécanismes ne servent qu’à compenser les mauvaises pratiques environnementales des pays pollueurs, sans véritablement entraîner une réduction des émissions de gaz à effet de serre.  Les marchés du carbone sont des mécanismes qui visent à réduire les émissions de gaz à effet de serre en attribuant un prix au carbone. Ils permettent aux entreprises et aux pays de s’échanger des crédits carbone, représentant une certaine quantité d’émissions de CO2 évitées ou séquestrées. La COP29 a abouti à un accord sur les marchés du carbone, établissant un nouveau système plus efficace et transparent. L’Azerbaïdjan et les énergies fossiles Un des grands échecs de la COP29 a été l’absence de mention explicite concernant la sortie des énergies fossiles. En dépit des avancées de la COP28 à Dubaï, qui avait amorcé la transition vers un futur sans pétrole ni gaz, cet objectif n’a pas trouvé sa place dans le document final de la COP29. Cette omission s’explique en grande partie par la position du pays hôte, l’Azerbaïdjan, un important producteur d’hydrocarbures, pour qui la transition énergétique est un sujet délicat. Le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev a d’ailleurs réaffirmé que « le pétrole et le gaz sont un cadeau de Dieu« , un message qui a certainement pesé sur le déroulement des discussions. Cette position a aussi été renforcée par l’influence des lobbies des énergies fossiles, qui étaient massivement présents à Bakou, avec plus de 1700 lobbyistes sur place. Ces derniers ont fait pression pour éviter toute mention de la nécessité de cesser l’exploitation des combustibles fossiles. Cela montre à quel point les intérêts économiques des pays producteurs d’hydrocarbures restent un frein majeur aux réelles avancées en matière de transition énergétique. Les engagements climatiques : des paroles, mais peu d’actions Malgré des avancées sur le financement et la transparence, les engagements des États pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre sont restés trop vagues et insuffisants. Selon le Emissions Gap Report, les politiques climatiques actuelles conduiraient à un réchauffement de 3,1°C d’ici la fin du siècle, bien loin de l’objectif fixé par l’Accord de Paris de limiter le réchauffement à 1,5°C. Ces projections ont été confirmées par le Climate Action Network, qui a noté que la tendance actuelle pourrait même mener à une hausse de 3,6°C. Certains pays, comme les Émirats arabes unis et le Brésil, ont d’ailleurs annoncé une augmentation de leur production d’énergies fossiles dans les prochaines années, ce qui va à l’encontre de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ces contradictions entre discours et actes montrent le décalage qui existe entre les engagements climatiques affichés et la réalité des actions des États. La COP30 : le futur tournant décisif pour le climat Alors que la COP29 a été marquée par des avancées timides et une volonté d’atteindre des compromis politiques, la COP30, qui se tiendra en 2025 à Belém, au Brésil, pourrait marquer un tournant. La situation sera particulièrement critique, puisque le pays abrite une large partie de l’Amazonie, un véritable poumon écologique de la planète. La COP30 devra, entre autres, approfondir les discussions sur la déforestation et la préservation des écosystèmes, avec un focus particulier sur la forêt amazonienne. Le Brésil a d’ores et déjà fait savoir qu’il comptait faire de cette conférence un moment-clé pour l’action climatique. Le pays souhaite non seulement renforcer les engagements pour la réduction des émissions, mais aussi démontrer sa volonté de protéger l’Amazonie après des années de politique environnementale critiquée sous le précédent gouvernement. La ministre de l’Environnement, Marina Silva, a qualifié la COP30 de « COP des COP« , soulignant son ambition de jouer un rôle moteur dans la lutte contre le changement climatique. Malgré les quelques avancées de la COP29, les

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Syrie : de la révolte à l’offensive rebelle

Depuis 2011, la Syrie est au cœur d’un conflit complexe et meurtrier, où aspirations populaires, affrontements militaires et rivalités géopolitiques s’entrelacent. Alors que le pays semblait s’enfoncer dans une guerre d’usure sans vainqueur, une offensive spectaculaire menée par les rebelles de Hayat Tahrir al-Cham (HTS) a récemment bouleversé les équilibres. La chute d’Alep, en seulement quatre jours, a marqué un tournant dans ce conflit.  En mars 2011, à Deraa, des manifestants descendent dans les rues pour réclamer des réformes démocratiques et dénoncer la corruption du régime de Bachar al-Assad. Ces protestations, réprimées dans le sang, déclenchent un cycle de violence qui ne cessera de s’amplifier. La révolte, d’abord pacifique, se militarise rapidement sous l’impulsion de défections au sein de l’armée et de la montée en puissance de groupes armés. Le régime syrien, déterminé à conserver le pouvoir, répond par une répression implacable. Parallèlement, l’opposition se divise en factions disparates, allant des rebelles laïques aux groupes islamistes radicaux. Cette fragmentation entraîne une multiplication des fronts. L’entrée en scène de puissances étrangères complique davantage la situation : l’Iran et la Russie interviennent pour soutenir Damas, tandis que les États-Unis, la Turquie et les pays du Golfe épaulent certaines forces rebelles. En 2014, le conflit prend une nouvelle dimension avec l’apparition de l’État islamique (EI). Profitant du chaos, cette organisation jihadiste s’empare de vastes territoires en Syrie et en Irak, proclamant un « califat ». La lutte contre l’EI devient la priorité internationale, reléguant au second plan le combat entre Assad et ses opposants. Malgré ces bouleversements, Bachar al-Assad parvient à conserver le contrôle d’une grande partie du territoire. Avec le soutien décisif de la Russie à partir de 2015, son armée reprend des positions stratégiques, notamment Alep en 2016. Néanmoins, certaines régions, comme la province d’Idlib, restent hors de sa portée, sous domination du HTS. Ce groupe, fondé en 2017 après la fusion de six factions rebelles syriennes, s’impose par sa discipline et sa stratégie, établissant un « gouvernement » autoproclamé : le Gouvernement de salut syrien. Ce dernier administre la région, avec une police et des institutions qui ont pris le pas sur les conseils locaux. Un nouveau tournant avec l’offensive rebelle de 2024 Après des années de guerre d’usure, la Syrie semblait s’installer dans un statu quo instable. Mais le 27 novembre, HTS, sous la direction d’Abou Mohammed al-Joulani, lance une offensive fulgurante depuis Idleb. L’opération, nommée « Dissuasion de l’agression », débute par des attaques massives sur Alep, une ville qui symbolisait autrefois la victoire du régime syrien. En seulement une semaine, les rebelles prennent le contrôle de la ville, malgré des combats de rue intenses et des bombardements incessants. Le bilan est déjà lourd : 727 morts, dont 111 civils. Dans une vidéo diffusée sur Telegram, Abou Mohammed al-Joulani appelle à une « conquête sans vengeance » et évoque le désir de refermer les plaies ouvertes en 1982, lors de la répression sanglante de Hama par le régime d’Hafez al-Assad, père de l’actuel président. Ce massacre, ayant causé des dizaines de milliers de morts, reste gravé dans la mémoire collective comme un épisode brutal de l’histoire syrienne. Un régime fragilisé face à une armée démoralisée La prise d’Alep révèle la profonde fragilité du régime syrien. Les soldats loyalistes, épuisés par plus de dix ans de guerre, sont démoralisés par des conditions de vie désastreuses. Payés à peine 20 dollars par mois pour les simples soldats et 80 dollars pour les officiers – une misère dans un pays en crise économique –, ils manquent de nourriture, de carburant et d’équipement. Avant l’offensive, plusieurs chars stationnés à Alep étaient hors d’usage, faute de carburant. La corruption ronge également l’armée. Des officiers détournent les fonds destinés aux troupes, aggravant leur désillusion. Privés de soutien, environ 1 500 soldats syriens ont accepté de déposer les armes et de rentrer chez eux sous la protection offerte par HTS, un coup dur pour le moral des forces pro-Assad. Cette débâcle expose également la fragilité des soutiens internationaux du régime. La Russie, concentrée sur son conflit en Ukraine, a réduit son engagement en Syrie. L’Iran, sous pression des sanctions économiques et des frappes israéliennes, ne peut plus apporter une aide significative. Même le Hezbollah, traditionnel allié de Damas, semble s’être retiré pour gérer ses propres priorités au Liban. Bachar Al-Assad en fuite, les rebelles proclament Damas libre La chute d’Alep ouvre une nouvelle phase dans le conflit syrien. Les rebelles pourraient capitaliser sur leur succès pour tenter une avancée vers Homs ou même Damas, mettant directement en péril le régime d’Assad. De son côté, le gouvernement syrien pourrait tenter une contre-offensive, mais les chances d’une victoire rapide paraissent faibles, tant l’armée est affaiblie. Dans la nuit du 7 au 8 décembre, le groupe HTS a pris possession de Homs et le matin même, Damas, est entre leurs mains. Bachar Al-Assad a fuit marquant la fin d’un règne de 24 ans. Les rebelles syriens ont annoncé la chute de Bachar Al-Assad sur la télévision publique, le qualifiant de « tyran ». Ils déclarent avoir libéré les prisonniers politiques et appellent à préserver les biens de l’État. Plus tôt, ils avaient proclamé la « libération » de Damas via Telegram, affirmant qu’Assad avait quitté le pays depuis l’aéroport international de la capitale. Rami Abdel Rahmane, de l’OSDH, confirme cette fuite, tandis qu’Abou Mohammed Al-Jolani, chef de la coalition rebelle HTS, exhorte ses forces à ne pas toucher aux institutions publiques, sous contrôle du Premier ministre en attendant une transition officielle. Une nouvelle ère semble s’ouvrir pour la Syrie.

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Le scandale environnemental Think Pink

Le plus grand procès lié à la criminalité environnementale en Suède a débuté ce mardi à Stockholm. Onze accusés, dont l’ancienne dirigeante de NMT Think Pink, sont jugés pour avoir enfoui et dispersé illégalement environ 200 000 tonnes de déchets toxiques à travers le pays. Mardi dernier, la Suède a ouvert l’un des procès les plus retentissants de son histoire en matière de criminalité environnementale. Onze personnes, dont plusieurs figures de l’entreprise NMT Think Pink, sont jugées pour avoir illégalement déversé ou enfoui près de 200 000 tonnes de déchets à travers le pays. Ce scandale, considéré comme le plus grave des cinquante dernières années, a choqué le pays par son ampleur et ses conséquences dévastatrices sur l’environnement. Un désastre environnemental Entre 2018 et 2020, les grands sacs roses de Think Pink étaient omniprésents dans la région de Stockholm. L’entreprise, spécialisée dans la gestion des déchets de construction, jouissait d’une solide réputation. Elle avait même remporté deux prestigieux prix récompensant sa croissance rapide et sa création d’emplois. Toutefois, derrière cette façade se cachait une gestion désastreuse : des montagnes de déchets contenant du plomb, des PCB, du mercure et d’autres substances toxiques ont été abandonnées sans traitement approprié dans plusieurs sites à travers la Suède Selon les procureurs, Think Pink avait récolté ces déchets « sans intention ou capacité de les traiter conformément à la législation« . Ces matériaux ont été accumulés sans tri, souvent broyés et écrasés, puis abandonnés dans des sites non protégés à travers 15 communes suédoises. « Cela a conduit, ou aurait pu conduire, à une pollution nuisible à la santé des humains, des animaux et à l’environnement« , précise l’acte d’accusation. Fariba Vancor, alias Bella Nilsson Parmi les accusés, Fariba Vancor, anciennement connue sous le nom de Bella Nilsson, figure emblématique de Think Pink, autoproclamée « reine des ordures« , est poursuivie pour « crime environnemental aggravé« . À ses côtés, son ex-mari et fondateur de l’entreprise, Thomas Nilsson et plusieurs personnalités. Tous les accusés nient avoir enfreint la loi, Bella Nilsson affirmant même à la presse suédoise qu’elle est victime d’un complot orchestré par ses concurrents. Pourtant, les preuves semblent accablantes : 150 témoins sont attendus au tribunal de Södertörn, et l’enquête, qui tient sur plus de 45 000 pages, a mis au jour des pratiques frauduleuses répétées. Des conséquences dramatiques L’affaire est loin de se limiter aux 200 000 tonnes de déchets identifiés. Selon la procureure Linda Schön, « il est possible que de nombreux autres sites n’aient pas été investigués« , mais les 21 lieux concernés suffisent à prouver la nature récurrente des crimes. Les déchets accumulés ont, dans certains cas, provoqué des incendies majeurs. En 2020 et 2021, deux sites de la commune de Botkyrka ont pris feu, entraînant des mois d’incendies, dont l’un près de réserves naturelles, aggravant ainsi les dégâts environnementaux. Face à cette situation, plusieurs municipalités réclament des indemnisations pour les coûts de nettoyage et de décontamination, évalués à 23 millions d’euros (260 millions de couronnes). Botkyrka, particulièrement touchée, figure parmi les principales communes à demander des compensations pour les incendies déclenchés par les amas de déchets abandonnés. Le procès s’annonce long Le procès, qui se tiendra au tribunal de Södertörn jusqu’en mai 2025, s’annonce comme l’un des plus longs et complexes de l’histoire judiciaire suédoise. Les enjeux sont énormes, tant pour les accusés que pour les autorités locales et les défenseurs de l’environnement, qui espèrent qu’il marquera un tournant dans la réglementation de la gestion des déchets en Suède.

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