Élus tous les cinq ans par les citoyens de l’Union européenne, les députés européens siègent au sein du Parlement européen, unique institution transnationale élue au suffrage universel direct. Représentants des peuples et non des États, leur mandat s’exerce dans un cadre institutionnel structuré, au sein d’un hémicycle pluriel, aux rouages complexes et à l’influence croissante dans la gouvernance de l’Union.
Les députés européens incarnent la voix directe des citoyens de l’Union européenne. Depuis 1979, ils sont élus tous les cinq ans au suffrage universel direct dans chacun des 27 États membres. Le scrutin, de type proportionnel dans chaque pays, permet une répartition des sièges selon les résultats obtenus par chaque liste, qu’il s’agisse d’une circonscription nationale ou régionale, selon les législations électorales propres à chaque État.
Pour la législature 2024-2029, le Parlement européen compte 720 députés, un nombre porté à la hausse à la suite des élections de juin 2024, notamment pour refléter les dynamiques démographiques. La France dispose de 81 sièges, contre 79 précédemment. Chaque État se voit attribuer un nombre de sièges proportionnel à sa population, révisé périodiquement. Tout citoyen européen résidant dans un autre État membre que celui de sa nationalité peut voter ou se présenter aux élections dans son pays de résidence, dans les mêmes conditions que les ressortissants nationaux.
Groupes politiques : une logique transnationale
Une fois élus, les députés européens ne siègent pas selon leur nationalité, mais au sein de groupes politiques formés sur la base d’affinités idéologiques communes. Ces groupes transnationaux structurent l’organisation interne du Parlement européen. En 2024, le Parlement compte huit groupes politiques couvrant l’ensemble du spectre idéologique, de la gauche radicale à l’extrême droite. Pour former un groupe, il faut réunir au minimum 23 députés issus d’au moins un quart des États membres.
L’appartenance à un groupe politique n’est pas obligatoire. Certains députés, qualifiés de « non-inscrits », choisissent de ne pas s’y rattacher. Cependant, les groupes jouent un rôle central dans la vie parlementaire. Ils orientent les votes, désignent les rapporteurs dans les commissions et participent à la répartition des sièges au sein des organes de travail. Chaque groupe élit un président et désigne ses coordinateurs pour les commissions.
Parallèlement, les principaux partis nationaux représentés dans un groupe désignent un chef de délégation, responsable de faire le lien entre les spécificités nationales et la ligne du groupe européen. Il arrive ainsi que les orientations politiques des délégations nationales divergent des lignes adoptées à l’échelle du groupe transnational.
La Conférence des présidents de groupes, instance-clé du Parlement, réunit les dirigeants de ces formations et détermine, à huis clos, l’ordre du jour des sessions plénières ainsi que les grandes orientations politiques de l’assemblée.
La Conférence des présidents de groupes réunit le président du Parlement européen, les présidents des groupes politiques et un représentant des non-inscrits (sans droit de vote). Elle se réunit à huis clos, en général deux fois par mois. Les décisions sont prises par consensus ; en l’absence d’accord, un vote pondéré selon la taille des groupes permet de trancher. Les procès-verbaux sont traduits dans toutes les langues officielles et transmis à l’ensemble des députés.
La Conférence des présidents de groupes
Elle fixe l’ordre du jour des sessions plénières, répartit les compétences des commissions, attribue les sièges dans l’hémicycle et programme les textes législatifs à débattre. Elle coordonne aussi les relations du Parlement avec les autres institutions européennes, les parlements nationaux et les partenaires internationaux.
Les commissions parlementaires
Le travail législatif du Parlement européen repose avant tout sur ses commissions parlementaires. Il existe 22 commissions permanentes spécialisées, ainsi que des sous-commissions et des commissions temporaires (d’enquête ou spéciales) créées pour des sujets ponctuels. Ces organes thématiques couvrent l’ensemble des politiques européennes : affaires étrangères, agriculture, budget, santé, environnement, justice, etc.
Les commissions sont composées de députés en proportion de la représentation des groupes politiques au sein de l’hémicycle. Chaque député est membre titulaire d’au moins une commission et suppléant d’au moins une autre. Les commissions se réunissent généralement à Bruxelles une à deux fois par mois.
Le fonctionnement interne de chaque commission est structuré autour d’un bureau élu pour deux ans et demi, composé d’un président et de quatre vice-présidents. Lorsqu’une proposition législative est soumise, la commission compétente désigne un rapporteur parmi ses membres. Ce dernier, appuyé par un secrétariat, mène les consultations, rédige un projet de rapport incluant des amendements et pilote les négociations entre groupes. Pour garantir une pluralité de points de vue, les autres groupes nomment des rapporteurs « de l’ombre » (shadow rapporteurs), qui suivent le dossier et représentent leurs sensibilités.
Les commissions votent le texte ainsi amendé avant son passage en session plénière, où il peut être modifié puis définitivement adopté.
Session plénière
C'est une réunion formelle durant laquelle l’ensemble des 720 députés européens se retrouve pour débattre, amender et voter les textes législatifs ainsi que pour contrôler les autres institutions de l’Union. Ces sessions se tiennent en moyenne 12 fois par an à Strasbourg, sur quatre jours, du lundi au jeudi.
Les textes examinés en plénière proviennent des commissions parlementaires, où ils ont été préparés en amont. En séance, les députés débattent, posent des questions à la Commission ou au Conseil, et votent les textes qui deviennent alors des actes officiels du Parlement. La séance est dirigée par le président du Parlement, qui organise les débats et supervise les votes.
Les sessions plénières sont publiques, accessibles aux visiteurs et diffusées dans les 24 langues officielles de l’Union européenne grâce à un service d’interprétation.
Une organisation rythmée par un calendrier institutionnel
Le mandat de député européen s’inscrit dans un calendrier précis, réparti entre Strasbourg, Bruxelles et la circonscription d’élection. Les sessions plénières, tenues principalement à Strasbourg une fois par mois, rassemblent l’ensemble des députés pour débattre et voter les textes législatifs. Certaines sessions additionnelles peuvent également se tenir à Bruxelles.
Parallèlement, des semaines sont dédiées aux travaux en commission, aux réunions de groupes politiques ou au retour en circonscription. Une semaine par mois est consacrée au lien avec les électeurs, permettant aux députés de maintenir une relation directe avec ceux qu’ils représentent.
Le Parlement européen est dirigé par un président élu pour deux ans et demi lors de la première session plénière. Il veille au bon déroulement des débats, représente l’institution dans les relations interinstitutionnelles et internationales, et incarne l’organe parlementaire de l’Union. Le président est assisté par 14 vice-présidents et un bureau, qui gère les aspects administratifs de l’institution.
Les cinq questeurs, également élus, s’occupent des questions financières et logistiques qui concernent directement les députés : conditions de travail, frais de déplacement, services disponibles. Le Parlement dispose aussi de délégations interparlementaires, qui entretiennent le dialogue avec des pays tiers ou d’autres organisations régionales.
Un mandat fondé sur l’indépendance et la coopération interparlementaire
Les députés européens exercent leur mandat en toute indépendance. Ils ne sont soumis à aucune instruction obligatoire, ni de leur groupe politique ni de leur parti national. Ils disposent d’une immunité parlementaire leur garantissant la liberté d’expression dans l’exercice de leur fonction. Leur rémunération, fixée à un niveau unique quelle que soit la nationalité, est complétée par des indemnités couvrant frais de déplacement et charges liées à l’exercice de leur mandat. À l’issue de leur carrière parlementaire, ils peuvent bénéficier d’un régime de pension, sous certaines conditions d’âge et d’ancienneté.
Le mandat de député européen est incompatible avec certaines fonctions, notamment celles de membre de gouvernement, de la Commission européenne, de la Cour de justice ou d’un parlement national.
Bien que les eurodéputés agissent à l’échelle de l’Union, leur action s’inscrit dans un dialogue constant avec les parlements nationaux. Des conférences interparlementaires et des coopérations thématiques, comme la COSAC (Conférence des commissions parlementaires des affaires européennes), permettent d’assurer la cohérence entre législations nationales et européennes, dans un cadre de gouvernance partagé.
La COSAC (Conférence des organes parlementaires spécialisés dans les affaires de l’Union européenne)
C'est un forum de coopération réunissant les commissions des affaires européennes des 27 parlements nationaux et une délégation du Parlement européen.
Elle se réunit deux fois par semestre à l’initiative du parlement du pays exerçant la présidence du Conseil de l’UE. Deux formats existent : une réunion plénière (« grande COSAC ») et une réunion des présidents de délégation (« petite COSAC »). La présidence est assurée par une troïka (présidence en cours, précédente, suivante, plus le Parlement européen).
La COSAC permet aux parlementaires de dialoguer sur les grands enjeux européens, comme le respect de la subsidiarité, les droits fondamentaux ou le contrôle démocratique. Elle peut adopter des contributions adressées aux institutions de l’Union ; ces textes n’ont pas de valeur contraignante mais reflètent une position parlementaire commune.
Des politiques aux effets directs dans la vie quotidienne
Parmi les domaines où l’action du Parlement européen se traduit directement dans la vie des citoyens figure en premier lieu la protection des consommateurs. Ainsi, la réglementation sur l’étiquetage des denrées alimentaires, régulièrement mise à jour, garantit la transparence sur l’origine, les allergènes ou les additifs contenus dans les produits. Le Parlement a également renforcé les règles sur les perturbateurs endocriniens dans les plastiques alimentaires, influençant à la fois les industriels et les comportements d’achat.
Dans le champ du numérique, les eurodéputés ont joué un rôle majeur dans l’adoption du Règlement général sur la protection des données (RGPD), entré en vigueur en 2018. Ce texte fondateur encadre l’utilisation des données personnelles dans l’Union, oblige les entreprises à une plus grande transparence et a influencé des législations bien au-delà des frontières européennes. Les citoyens disposent désormais d’un droit à l’oubli, à la portabilité des données et peuvent saisir leur autorité nationale en cas d’abus.
Autre exemple emblématique : la fin des frais d’itinérance mobile (roaming) en 2017. Fruit d’un compromis législatif longuement négocié entre le Parlement et le Conseil de l’Union, cette décision permet aux citoyens de téléphoner, envoyer des SMS ou utiliser leur forfait internet mobile dans un autre État membre sans surcoût. Une avancée concrète pour la liberté de circulation, devenue réalité grâce à la pression constante exercée par les parlementaires.
Le Parlement agit aussi en matière environnementale, en encadrant les émissions de gaz à effet de serre, les normes automobiles ou encore l’interdiction progressive de certains plastiques à usage unique.
Une participation électorale en retrait, symptômes d’un déficit démocratique ?
Malgré ces effets concrets, le Parlement européen souffre d’un paradoxe démocratique. Son influence sur la vie quotidienne est significative, mais son autorité perçue reste faible. Ce décalage se manifeste dans les taux de participation aux élections européennes, historiquement bas, bien que légèrement en hausse depuis 2019.
Lors du scrutin de 2019, la participation moyenne dans l’Union s’est établie à 50,7 %, contre 42,6 % en 2014. En France, ce taux atteignait 50,1 %, après des années de désaffection. Ces chiffres restent en deçà de ceux enregistrés pour les scrutins nationaux. En cause, une méconnaissance du rôle réel des députés européens, une impression d’éloignement institutionnel et un déficit d’identification politique dans un espace transnational encore peu intégré dans les cultures civiques nationales.
Ce faible niveau de participation pose une question de légitimité démocratique. Le Parlement européen, bien qu’élu au suffrage universel direct, se voit parfois déconsidéré dans les opinions publiques. Ce phénomène affaiblit la portée politique de ses décisions, renforce les discours eurosceptiques et peut nourrir une défiance envers le projet européen lui-même.
Pourtant, la montée des compétences du Parlement – en matière budgétaire, législative ou de contrôle des institutions – justifierait un intérêt électoral plus important. Des initiatives ont été lancées pour y remédier : campagnes d’information, débats publics, programmes éducatifs ciblant les jeunes électeurs, ainsi que la personnalisation croissante des campagnes autour de têtes de liste. Mais les effets de ces dispositifs restent, à ce jour, limités.
Les chiffres clés des élections européennes de 2024
Le scrutin européen de 2024 s’est déroulé dans un contexte de participation modérément renforcée et de reconfiguration politique, tant au niveau français qu’européen. En France, la poussée du Rassemblement national s’est accompagnée d’une mobilisation électorale en légère hausse. À l’échelle de l’Union, la participation moyenne reste stable, tandis que les équilibres entre groupes politiques traduisent une fragmentation persistante du paysage parlementaire.
En France, 49 462 981 électeurs étaient inscrits sur les listes électorales. Le taux de participation s’est établi à 51,49 %, en progression par rapport aux 50,1 % enregistrés en 2019. Près de 25,5 millions de votants se sont exprimés, malgré un taux d’abstention encore élevé (48,51 %). Les votes blancs et nuls représentent respectivement 0,70 % (346 240 bulletins) et 0,75 % (370 459 bulletins) des suffrages.
Exemples de députés européens français élus pour la mandature 2024–2029
Parmi les 81 députés européens français élus lors du scrutin de juin 2024, plusieurs figures incarnent les grandes sensibilités politiques du pays et illustrent la diversité des parcours présents au sein de l’hémicycle européen. Leurs fonctions, responsabilités ou antécédents permettent de mieux comprendre les équilibres politiques et les dynamiques internes du Parlement pour la législature 2024–2029.
Patriotes pour l’Europe (Rassemblement national, 30 élus)
Le Rassemblement national constitue la première délégation française au Parlement européen.
Renew Europe (Renaissance, MoDem, Horizons, UDI, Parti radical, 13 élus)
Le groupe centriste conserve une présence significative, bien que réduite.
Socialistes et Démocrates (Parti socialiste – Place publique, 13 élus)
La gauche sociale-démocrate retrouve une place centrale avec une délégation rajeunie et renforcée.
La Gauche (La France insoumise, 9 élus)
La délégation insoumise confirme sa présence au sein du groupe de la Gauche unitaire européenne.
Parti populaire européen (Les Républicains, 6 élus)
Les Républicains restent affiliés au groupe conservateur PPE.
Verts/ALE (Europe Écologie Les Verts, 5 élus)
En recul par rapport à 2019, les écologistes conservent toutefois une représentation.
- Marie Toussaint : militante écologiste, députée depuis 2019.
- David Cormand : ancien secrétaire national d’EELV, député depuis 2019.
Reconquête ! (5 élus)
Le parti d’extrême droite fondé par Éric Zemmour entre pour la première fois au Parlement.
- Marion Maréchal : ancienne députée nationale, tête de liste de Reconquête.