Culture

La culture m’appelle : laissez-vous inspirer par l’art, le cinéma, la littérature et la musique. Sence média vous guide à travers des analyses, des critiques et des découvertes qui célèbrent la richesse de la création culturelle.

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À Paris, Van Gogh se vit à 360 degrés

Jusqu’au 30 août, l’Atelier des Lumières vous propose une expérience immersive exceptionnelle.  Redécouvrez les chefs-d’œuvre de Van Gogh comme vous ne les avez jamais vus. Si vous avez manqué les précédentes éditions, c’est l’occasion de vivre cette aventure artistique et sensorielle inoubliable. L’exposition investit chaque recoin de l’Atelier : murs, sol et plafond s’illuminent des couleurs et formes bien connues du peintre… faisant appelle à nos sens. Cette création visuelle et musicale parcourt l’immense production de Van Gogh. Une rétrospective qui évoque le monde intérieur à la fois démesuré, chaotique et poétique du peintre hollandais et souligne un dialogue permanent entre l’ombre et la lumière. À travers ses œuvres que l’on parcourt de manière thématique, les différentes étapes de la vie de l’artiste sont retracées.  Le visiteur voyage au cœur des œuvres de Van Gogh, de ses débuts à la fin de sa carrière, de ses paysages ensoleillés à ses nocturnes, sans oublier ses portraits et ses natures mortes. Dans cette nouvelle version, les célèbres toiles de Van Gogh sont représentées dans leur intégralité en présence de commentaires sur l’œuvre.  Des Mangeurs de pommes de terre (1885), aux Tournesols (1888) en passant par La Nuit étoilée (1889) et La Chambre à coucher (1889), l’Atelier des Lumières révèle les coups de pinceaux contrastés et puissants du peintre, que l’on reconnaîtrait entre mille. Les nuances sombres inspirées des peintures hollandaises, succèdent aux teintes chaudes profondément influencées par son voyage dans le Midi. À travers ses œuvres, le public voyage dans l’esprit sensible et torturé de l’artiste.  Un spectacle son et lumière La magie de cette immersion tient aussi à la bande sonore signée Luca Longobardi. La vue et l’ouïe sont alors intimement liées pendant les 50 minutes intenses passées dans l’univers de Van Gogh. Coupez du monde extérieur, les tableaux qui habillent de nouveau les murs de l’Atelier des Lumières, ne nous laissent pas indifférents.  Happé par l’univers particulier du génie de l’art moderne, vous ne ressortirez pas de cette exposition sans avoir appris sur le peintre du XIXe siècle.  Cette création visuelle et sonore est produite par Culturespaces et mise en scène par Gianfranco Iannuzzi, Renato Gatto et Massimiliano Siccardi, spécialistes des expositions immersives. Grâce à leur travail, Van Gogh n’est plus seulement contemplé : il est vécu, de l’intérieur. Ne perdez pas de temps et abandonnez-vous dans les tableaux les plus iconiques de Vincent Van Gogh… à l’Atelier des Lumières jusqu’au 30 août. 

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Le controversé Superman de James Gunn démarre en apothéose

Un super-héros emblématique des comics est de retour en salle. Depuis mercredi dernier, Superman divise la communauté des cinéphiles. Néanmoins, les chiffres semblent être à la hauteur du personnage. Superman est de retour au cinéma. Une première depuis Batman v Superman de Zack Snyder en 2016. C’est désormais James Gunn, réalisateur des Gardiens de la Galaxie et du dernier The Suicide Squad, qui a la lourde tâche de redorer l’image du héros le plus populaire de la pop culture. Dans une adaptation cinématographique qui promet d’être fidèle aux comics All Star Superman et aux films portés par Christopher Reeve, David Corenswet a eu à cœur d’interpréter l’un des dieux les plus célèbres des bandes dessinées. Le film, sorti en salles mercredi 9 juillet en France, divise fortement les fans. Une expérience mitigée         Difficile d’évaluer l’accueil réservé à ce nouveau Superman. Les critiques contrastées ont agité la toile des réseaux sociaux bien avant sa sortie officielle. Les costumes, les couleurs, le scénario… Bref, James Gunn a pris un pari risqué pour réinterpréter ce super-héros aussi mythique que clivant dans les comics DC. « Ce que j’ai vu, c’est pas bien », extorque Vince, de la chaîne YouTube Plot Time, dans sa critique vidéo de plus de 40 minutes sur l’œuvre. « C’est un film comique, c’est destiné aux enfants », insiste le vidéaste : « Plus le film avance, plus le visuel est difficile à apprécier, franchement j’avais du mal à m’y faire ». Cette réaction est partagée par une grande partie des fans. Les critiques récurrentes pointent du doigt un Superman jugé (trop) fébrile, un humour omniprésent et un nombre excessif de personnages secondaires, peu développés et sans réel impact narratif.  Des débuts prometteurs Et pourtant… c’est la surprise au box-office. Si une large partie de la communauté a été déçue par le travail du réalisateur américain, le grand public semble apprécier cette nouvelle interprétation du personnage.Les chiffres ne mentent pas. Il dépasse les attentes pour son premier week-end au box-office mondial, récoltant plus de 217 millions de dollars. Il fait mieux que son prédécesseur Man Of Steel, sorti en 2013, qu’il dépasse de 20 millions de dollars. Il se hisse parmi les meilleurs démarrages de l’année 2025, derrière Jurassic World : Renaissance, Minecraft et Lilo et Stitch. Une première semaine positive et optimiste pour ce long-métrage, qui ne fait pas l’unanimité.

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Thierry Ardisson, l’Homme en Noir s’est éteint

Ce lundi 14 juillet 2025, tandis que la France célébrait sa fête nationale, un autre empire s’effondrait dans le silence feutré d’un lit d’hôpital parisien. Thierry Ardisson laisse derrière lui un héritage audiovisuel immense.  « Et sucer c’est tromper ? » La question résonne encore dans les couloirs de France Télévisions, quinze ans après avoir été posée. Ce soir-là, dans les studios de Tout le monde en parle, face à un Michel Rocard médusé mais bon joueur, Thierry Ardisson venait de franchir une ligne invisible. Une ligne que lui seul savait où placer, avec cette audace qui faisait trembler les attachés de presse et palpiter les téléspectateurs du samedi soir. C’était cela, le génie d’Ardisson : transformer l’ordinaire en extraordinaire, l’anecdotique en historique. Ce lundi 14 juillet 2025, à l’âge de 76 ans, l’homme en noir s’est éteint des suites d’un cancer du foie. Avec lui disparaît une figure tutélaire de la télévision française, celui qui aura accompagné trois générations de téléspectateurs dans leur découverte du petit écran, de Bains de minuit aux Terriens du samedi. Un alchimiste de l’impertinence Thierry Ardisson, c’était d’abord un regard. Celui d’un ancien publicitaire qui avait compris que la télévision était avant tout affaire de formules percutantes et d’images marquantes. « Quand c’est trop, c’est Tropico » « Chausséééé aux Moines » et enfin « Lapeyre, y’en a pas deux » : le slogan qu’il avait conçu dans son bain, « complètement défoncé » selon ses propres mots, préfigurait déjà sa capacité à créer des moments inoubliables. C’est d’abord sur les plateaux de télévision que ce natif de Bourganeuf révéla son véritable talent. D’abord avec Bains de minuit sur La Cinq en 1987, émission révolutionnaire tournée dans la mythique discothèque Les Bains Douches. Puis avec Lunettes noires pour nuits blanches sur Antenne 2, où il imposait déjà ce style si particulier : questions directes, silences calculés, et cette façon unique de faire parler ses invités. Le roi du samedi soir Mais c’est avec Tout le monde en parle que Thierry Ardisson entre dans la légende télévisuelle française. De 1998 à 2006, chaque samedi soir, France 2 vibrait au rythme de ses interviews déjantées. « Magneto Serge », « On ne bouge pas pendant le jingle », « Orlando exige le clip » : ces formules scandaient les soirées de millions de Français.  Pour une génération d’enfants et d’adolescents, Ardisson était le rendez-vous du week-end. Ses interviews formatées « Alerte rose », « Dernier coup », « Tête de mioche » constituaient un véritable apprentissage de la transgression télévisuelle. Combien de familles se sont-elles retrouvées devant leur poste, entre fascination et embarras, quand Milla Jovovich jetait son verre d’eau au visage de l’animateur ou que Simon Liberati débarquait sur le plateau dans un état second ? Une marque indélébile sur le petit écran  L’homme en noir aura marqué France Télévisions bien au-delà de ses seules émissions. Il incarnait cette époque bénie où le service public osait encore surprendre, où France 2 pouvait accueillir en prime time des émissions inclassables mêlant politique, culture et divertissement. Une liberté de ton qui semble aujourd’hui d’un autre âge. Son départ vers Canal+ en 2006 marquait déjà la fin d’une époque. Avec Salut les Terriens !, il continuait d’inventer de nouveaux codes, mais sur une chaîne moins fédératrice. Les enfants qui avaient grandi avec Tout le monde en parle devenaient adultes, et découvraient un paysage audiovisuel de plus en plus formaté. Car Ardisson était aussi cela : un passeur entre les générations. Ses émissions constituaient un pont entre la France d’avant et celle d’après, entre la télévision familiale et l’ère du tout-numérique. Il savait parler aux adolescents comme aux quinquagénaires, aux intellos comme aux beaufs, avec cette même impertinence bienveillante qui caractérisait son approche. Le Grand Œuvre d’Ardisson ne serait pas complet sans son alter ego, Laurent Baffie. Pendant près de quinze ans, l’humoriste en veste de cuir, juché sur le « tabouret du sniper », incarne l’ombre portée d’Ardisson : un tandem d’escrimeurs où la lame de Baffie ponctue l’estocade verbale du maître de cérémonie. Hors plateau, la complicité est bien réelle ; « On s’aime toujours beaucoup », confiait Baffie en 2015, étonné lui-même de la persistance d’une amitié si « rare à la télé ». Leur duo signe des pages de télévision qu’on ne reverra plus : Double Jeu, Tout le monde en parle, puis Salut les Terriens ! où, à la manière d’un vieux couple, ils règlent en direct leurs petits différends et leurs grandes tendresses. Même lorsque des désaccords publics surgissent en 2025, Ardisson ne renie jamais « la rencontre formidable » qu’a représenté Baffie dans sa vie. Cette alchimie créait une tension quasi dramatique : aux saillies cinglantes du « sniper » répondait le flegme carnassier de l’animateur, fusion instable mais inoubliable. Avant-gardiste numérique : le parrain des youtubeurs Visionnaire, Ardisson pressent très tôt que l’avenir du rire et de l’entertainment se joue sur Internet. Dès 2014, il ouvre son plateau à Cyprien, alors tout juste trentenaire, pour confronter la culture YouTube aux codes du talk traditionnel. L’année suivante, Norman l’imite ; Ardisson le taquine sur les « vidéos à la con », mais lui offre un baptême du feu télévisuel en prime. Natoo et Mister V, stars d’un public « qui ne savait plus ce qu’était la télé », électrisent Salut les Terriens ! en 2017. Même la tornade Squeezie passe par la case Ardisson en 2017, symbole d’un choc de générations aussi railleur que bienveillant. Surtout, l’homme en noir ne se contente pas d’inviter : il accepte volontiers de jouer dans leurs formats, de décrocher sa « punchline » sur leurs chaînes ou de prêter sa voix grave à un sketch absurde. Cette porosité inédite fait de lui un passerelle entre écran plat et écrans mobiles, un oncle rock’n’roll adoubant les figures d’une nouvelle comédie française dématérialisée. Un géant de la télévision française Aujourd’hui, alors que la télévision française peine à renouveler ses codes, la disparition de Thierry Ardisson sonne comme

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PORTRAIT : Irène Gayraud, littérature, écopoétique et Chili

Irène Gayraud est autrice, traductrice et maîtresse de conférences en littérature comparée à la Sorbonne. Née à Sète en 1984, Irène Gayraud écrit depuis son enfance et publie depuis 2014. Entre romans et recueils de poèmes, elle traduit aussi les œuvres de la poétesse chilienne Gabriela Mistral, la dernière en date étant Poème du Chili, sorti en mai 2025. Le vent fouette les feuillages alentours, l’eau de la proche fontaine s’écoule tout le long de la place de la Sorbonne. Les terrasses attenantes accueillent les étudiantes et étudiants, les professeurs parfois et le personnel des bureaux jouxtant le cœur du quartier latin. Mais aujourd’hui, une nouveauté. Au-delà de la maîtresse de conférences en littérature comparée, c’est l’autrice et traductrice Irène Gayraud qui est assise au Patio, une touche de vie dans ce monde monochrome, un appel à la raison dans Passer l’été, une passerelle vers la terre chilienne dans ses traductions de Gabriela Mistral.  La littérature comme chemin  « Quand j’étais enfant, je lisais tout le temps. Le seul moment où je posais mon livre, c’était à table pour manger. » La littérature comme compagne du quotidien, voilà tout un pan de la vie d’Irène Gayraud. Avide lectrice dès son plus jeune âge, la native de Sète n’a, depuis, plus lâché la plume et le livre. L’écriture n’a pas non plus tardé à faire son apparition dans sa vie. Déjà à cette période de la vie, elle écrivait quelques petites histoires et récits, des poèmes aussi. Arrivée à l’adolescence, plusieurs voies s’ouvrent à elle : la littérature, les sciences ou la musique. C’est finalement avec les lettres qu’elle décide d’avancer en reprenant la rédaction à l’approche de la majorité. Elle fait alors publier quelques poèmes dans une revue étudiante et découvre par la même occasion la traduction littéraire à travers quelques poètes allemands. « Ayant suivi un cursus littéraire, l’écriture a toujours été là, en parallèle de mes études. » C’est en 2014 que paraît son premier ouvrage À distance de souffle, l’air aux éditions du Petit Pois. À partir de là, le rapport de l’humain avec son environnement, qu’il soit naturel, numérique ou affectif, devient une sorte de leitmotiv poétique dans chacune de ses œuvres, poétiques ou romanesques. C’est le cas dans Téphra (2019) qui explore les secrets de la pierre gisant à et sous nos pieds, dans Les gens qui sextent (2022) où l’on s’intéresse aux nouvelles façons de rencontrer l’amour et de sociabiliser en ligne, et dans Passer l’été (2024), dernière oeuvre en date parlant des souffrances climatiques de l’été 2022. Passer l’été « Une grande partie de mon travail consiste à être attentive à ce que je vois et comprends de la nature ou des gens. » On retrouve l’expression de cette attention dans Passer l’été, paru en mai 2024 aux éditions de La Contre Allée. Dans ce recueil de poèmes, le lecteur est plongé dans l’enfer terrestre de l’été 2022, dans le Sud de la France. Dans une commune, dont le nom n’est jamais cité, les rayons du soleil s’abattent sur tout ce qui bouge : arbres, humains, animaux, plantes en tous genres et cours d’eau. Pire qu’une dystopie, c’est un constat, celui d’une planète qui se meurt, d’une humanité mise face aux problèmes qu’elle a créés. « L’écriture de ce livre n’a en aucun cas été préméditée. Je travaillais à ce moment-là sur un roman qui parle, lui aussi, de la question écologique et de ses luttes, mais ce recueil s’est complètement imposé à moi. C’est en voyant des lieux qui me sont chers ravagés et en souffrance à tous les niveaux que l’écriture s’est précipitée. Je pouvais avoir trois à quatre textes qui me venaient par jour, ce qui n’est pas habituel, je suis plutôt quelqu’un qui met du temps à écrire » On comprend alors la brutalité transcrite dans ce livre. La poésie fait effet de rapport, le monde brûle et les coeurs s’assèchent, les joies de l’été, la fraîcheur des fruits, le doux son du petit cours d’eau qui parcourt la vallée, toutes ces choses disparaissent pour ne laisser que des cendres, des pierres et de l’herbe cramée. Pendant une dizaine de mois la France a vu 35% de ses sols frappés par la sécheresse avec un mois de juillet qui tient presque de l’aride puisque le ciel n’a laissé tomber que neuf petits millimètres de pluie, dix fois moins que l’année précédente. « On se souvient d’une phrase qui décrit / la première goutte de pluie tapant au carreau / comme un caillou / on se souvient / de la fin de cette longue phrase / longue comme une chute d’eau / de cette fin toute simple qui dit / “c’est la pluie” / et cela nous semble d’un autre monde. » (extrait de Passer l’été) Ce recueil, pour son propos écologique et pour sa qualité littéraire, a été retenu dans les nominés du prix Lire pour agir 2025, un prix organisé par la Maison de l’Environnement de la métropole lyonnaise. Le recueil continue à vivre, à apparaître dans les librairies grâce aux rencontres et à ce prix invitant à l’action dépassant le cadre purement littéraire. « Ce livre ne va pas empêcher le dérèglement climatique ou l’effondrement de la biodiversité, mais il peut changer la façon dont les gens perçoivent ces changements, il peut aider à prendre conscience de l’urgence et de la gravité de la situation. » Incarner le discours scientifique Si le recueil est déjà particulièrement intéressant par son écriture, le mouvement dans lequel s’inscrit son autrice l’est au moins tout autant. « Je pense qu’on est beaucoup plus attentif au discours scientifique si l’on connaît un lieu qui nous est cher affecté par la catastrophe écologique en cours. Cela vient toucher l’affectif, la mémoire, l’expérience personnelle et c’est à travers cela que peut se jouer la prise de conscience. Il faut continuer à le marteler, ce discours scientifique, mais il peut parfois sembler froid et distant. » Cette idée rappelle celles de l’écopoétique. Ce terme

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« La musique classique, c’est cool ! » Rencontre avec Esther Abrami

Violoniste prodige, Esther Abrami brise les codes du classique avec une modernité décomplexée. À 28 ans, elle redonne vie à des compositrices oubliées et inspire une génération connectée.  Elle débarque à la rédac, son violon à la main comme une extension d’elle-même. Esther Abrami s’assied, et dès qu’elle parle, ses doigts dansent dans l’air, traçant des mélodies invisibles. Elle connaît son sujet si bien qu’on jurerait l’entendre jouer, même sans archet. À seulement 28 ans, cette virtuose, passée par le Royal College of Music et sacrée première musicienne classique « Social Media Superstar » en 2019, n’a pas fini de faire vibrer les codes. Entre son héritage juif ashkénaze qui pulse dans ses notes et son ambition de rendre le classique accessible à tous, Esther est bien plus qu’une violoniste : elle est une passeuse d’histoires, un pont entre passé et futur. Rencontre avec une artiste qui fait chanter les silences. Tu as reçu ton premier violon à 3 ans de ta grand-mère, une violoniste qui avait dû mettre sa passion de côté : comment son histoire a-t-elle influencé ta détermination à percer dans ce milieu ? Esther Abrami : Je n’ai jamais vu ma grand-mère jouer du violon, elle a arrêté de jouer du violon avant ma naissance. Elle m’a parlé quelques fois de ses morceaux préférés, mais nos échanges sur la musique étaient plutôt rares. Ce que j’ai pu percevoir de son histoire, c’est surtout un sentiment de regret. Elle avait débuté une carrière de violoniste à Paris, mais après son mariage, elle a quitté la capitale pour le nord de la France et a mis son violon de côté. Je pense que ce regret m’a marquée et a renforcé ma détermination à suivre ma propre voie musicale. Tu as l’impression de reprendre le flambeau ? Oui, je pense que je reprends le flambeau, mais je suis certaine qu’elle ne s’y attendait pas. Étant sa seule petite-fille, je crois qu’elle ne s’imaginait pas que ça viendrait de moi. Quand j’ai joué pour elle, surtout à l’adolescence, j’avais déjà un bon niveau au violon, j’ai senti qu’il y avait quelque chose. D’un côté, je sais qu’elle était très fière et qu’elle en parlait à tout le monde avec bonheur. Mais d’un autre côté, je pouvais aussi percevoir un léger regret, sans aller jusqu’à parler d’amertume. Ma grand-mère était Juive ashkénaze et c’est vrai que la musique fait partie intégrante de notre héritage. Dans Cinéma, tu rends hommage à ton histoire juive avec des morceaux comme La Vie est belle : c’était important pour toi de glisser cette part intime dans un projet grand public ? C’est toujours essentiel pour moi d’inclure une part intime dans ma musique, et je le fais de plus en plus. Avec chaque album, j’ai l’impression de mieux exprimer qui je suis et le message que je veux transmettre. Au fil des années, on gagne en confiance, on apprend à mieux se connaître et on ose davantage affirmer ses choix artistiques. Rendre hommage à mon histoire juive avec La Vie est belle, c’était une évidence. C’est une partie importante de mon héritage, et il me semblait essentiel de la partager à travers ma musique. D’ailleurs, j’ai aussi exploré cette thématique dans un autre morceau de mon nouvel album. Pour moi, la musique est un moyen de raconter des histoires et celle-ci fait partie de la mienne. Tu dis que film et classique partagent une « profondeur émotionnelle » : quel film t’as marqué dans ta vie ? Un film qui m’a particulièrement marqué est Et maintenant on va où ?, réalisé par la productrice libanaise Nadine Labaki, qui a également réalisé Capharnaüm. Ce sont des films incroyables, et la musique m’a profondément touchée. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles j’ai décidé de la reprendre. Les thèmes qu’elle aborde sont très forts, notamment dans Et maintenant on va où ?, où la guerre est au centre de l’histoire. Mais ce qui est fascinant, c’est la façon dont elle traite ce sujet lourd avec une certaine légèreté, de l’humour et une grande beauté. J’aime beaucoup les films qui, tout en traitant de sujets graves, réussissent à garder une touche de légèreté, à nous faire sourire et à offrir un côté positif. La positivité, pour moi, est essentielle. Je n’aime pas sortir d’un film en me sentant déprimée. Entre Manchester, le yoga et le mannequinat (finaliste de Podium 2016), tu jongles avec beaucoup : c’est quoi ton refuge quand tout va trop vite ? Je suis très proche de ma famille, donc mon refuge, c’est souvent de repartir à la campagne. Je suis aussi proche de mes animaux, notamment mes chats, et j’aime beaucoup monter à cheval. Ces moments-là me permettent de me ressourcer. La lecture fait aussi partie de mes refuges, c’est un moyen de m’évader. Et bien sûr, quand ça devient trop, je coupe complètement avec mon téléphone. Parfois la campagne de syrah me manque un peu j’avoue… mais j’adore Paris et je m’y sens bien. J’ai toujours vécu dans différentes villes, donc je m’adapte. L’essentiel, c’est que je trouve des moments pour me reconnecter à la nature, à ma famille, à mes animaux et à la lecture. Passer du Conservatoire d’Aix-en-Provence à 13 ans au Royal College of Music de Londres, c’est un sacré saut, qu’est-ce qui t’a poussé à viser aussi haut si jeune ? J’ai effectivement été diplômée du conservatoire d’Aix-en-Provence à 14 ans. Avant d’intégrer le Royal College of Music à Londres, j’ai d’abord fréquenté la Chetham’s School of Music, une école internationale de musique en Angleterre, un peu comme un sport-études, mais dédié à la musique. C’était un véritable défi, car je suis partie à 14 ans sans mes parents, ne parlant pas anglais, dans un autre pays où je devais suivre des cours en anglais. Je faisais des matières comme la littérature anglaise, avec un niveau d’anglais équivalent à celui d’un collégien de 14 ans. Mais je savais pourquoi je partais : c’était pour la musique. J’ai passé quatre années incroyables là-bas, de

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« Anthologie de la poésie palestinienne d’aujourd’hui », quand l’art palestinien donne de la voix

En 2022, Abdellatif Laâbi et Yassin Adnan publient une anthologie de poèmes palestiniens contemporains. Entre hymnes à la vie, détresse psychologique et désir d’émancipation, ce sont les voix de vingt-sept femmes et d’hommes que l’on entend s’exprimer sur leur quotidien et la menace apatride constante qui pèse sur leur destin. Dans une petite librairie du XVe, dans la section « Poésie », se trouve un petit bouquin à la tranche rouge. Coincé entre l’étagère et une édition Gallimard des poèmes d’Anna Akhmatova, il ne demande qu’à être délogé, à être lu. La couverture est on ne peut plus claire : le drapeau palestinien, le titre Poésie Palestinienne et le nom des traducteurs des textes en tout petit. Cette première de couverture n’est que le reflet de tout ce livre, l’honneur est laissé aux voix de ces femmes, de ces hommes meurtris. Toutes les personnes présentes dans ce recueil ont été actives dans les années 2000 et ont vécu la misère, la faim, la soif. Certains ont réussi à partir en Europe, en Amérique ou dans des pays frontaliers. Ces exilés se sont munis de leurs plumes pour laisser entendre leur voix, pour faire sortir de l’enclave les cris d’un peuple qui, aujourd’hui, est plus que jamais menacé dans son existence même. Voici le soubresaut d’une culture meurtrie, piétinée, ignorée mais vivante. Maternité, culpabilité et souvenir « Sur la découverte de la terre et la vérité de sa rotondité ». Voilà l’ouverture du recueil. Rajaa Ghanim fait entrer le lecteur dans le livre par une exploration, une découverte, celle de son corps. La femme est ici dépeinte comme Gaïa, la Terre, la nourricière, l’allégorie de la natalité et de la Vie elle-même. Le corps comme univers, les veines sont des fleuves, les organes des forêts, le ventre la terre. Dans un lexique rappelant aux lecteurs l’agriculture, l’homme devient le cultivateur du nouveau-né pendant que la femme, elle, explore des sensations jusque-là inconnues, des sentiments fantasmés mais jamais ressentis, elle découvre la sexualité. La Femme étant Terre, l’homme devient celui qui blesse, abîme voire détruit l’être. Il plante, mais assèche, sème et détruit. Devenue mère, elle assume le rôle de guide, l’enfant se retrouve au milieu des points cardinaux, attendant sa direction, la main maternelle : « Tes mains effleurent mes seins / et le monde entier gémit / Le lait des mères s’écoule / J’entends les cris de mille enfants / Sortant sur-le-champ de l’utérus / Tes mains, là, sur mon ventre / où se retrouvent les signes de la terre / et ses quatre directions » Plus loin dans le recueil, à force de tourner les pages, un autre poème vient attirer l’attention du lecteur. Le titre est un peu étrange, à défaut d’être explicite. « Mon triple nom », de Joumana Mustafa, est une autre manière de présenter la question de la maternité. Telle une légende, la poétesse nous transmet l’histoire de sa grand-mère paternelle. Cette dernière nous raconte comment les femmes de sa génération donnaient naissance aux enfants. Ils naissaient dans les champs, le sang déversé et le cordon ombilical servant de fertilisants pour la terre. Elle nous raconte aussi le déracinement des générations suivantes qui sont parties suivre leur chemin hors des exploitations familiales, voire hors du pays. Plus que la maternité, le poème traite de l’exil, de la fuite, de la mort. Les enfants meurent partout ailleurs, loin des cellules familiales. Le père de la poétesse, par exemple, est parti vivre au Koweït une fois devenu adulte : « Nous avons accouché d’eux / dans un petit champ / et ils sont morts / partout dans le pays ». Le récit est d’autant plus touchant que c’est une histoire de culpabilité. La grand-mère se blâme des morts des générations futures, de cette malédiction qui s’abat sur la Palestine : « Oh ! grand-mère / nous sommes celles qui ont initié la terre / au goût du sang / C’est nous les pécheresses / Ainsi disait ma grand-mère / ainsi se racontait l’histoire ». Le triple nom de la poétesse, c’est d’abord celui de sa grand-mère, d’une tradition perdue, du poids d’être le fruit de cette malédiction. C’est ensuite celui de son père, celui de l’homme qui s’est affranchi de ses racines, qui a quitté sa terre pour une autre pour une raison que l’on suppose être la sécurité. C’est enfin le sien, celui de celle qui doit encore trouver sa place, qui doit créer et transmettre son histoire à travers sa plume. Puisque l’on parle de mémoire, il nous faut parler de nostalgie. C’est donc sur le poème « La mère qui fut » d’Anas Alaili que l’œil du lecteur se pose. Le poète ici replonge dans sa mémoire, prend ses yeux d’enfants pour raconter le souvenir qu’il a de sa mère en train de coudre un ourlet sur un pantalon. De cet événement apparemment anecdotique, le poète nous fait un récit empli de nostalgie et de naïveté ; il fait de cet ourlet une madeleine de Proust et déploie tout autour un éventail de sensations, de bruits, d’odeur, de sentiments qui viennent se rassembler autour de la figure de la mère, calme, sage. Au-delà de l’amour qu’il porte à sa mère, c’est un récit sur le rapport au temps qu’il développe. Fouillant dans sa mémoire, l’adulte reprend son corps d’enfant pour observer sa mère coudre, prolonger la vie d’un jean usé. Ce moment semble suspendu dans l’esprit de l’homme. Le pantalon, lui, prend en quelque sorte vie, il palpite hors d’atteinte de l’enfant d’alors, condamné à rester en haut d’une étagère dans la mémoire du poème. Peu importe finalement que cet ourlet soit grossièrement cousu de fil blanc, ce dernier est immortel, ne disparaîtra jamais et sera la marque, l’héritage laissé par la mère : « Un vieux souvenir / palpitant dans un tissu élimé / plié avec soin / sur l’étagère de l’armoire / hors de portée ! ». Désespoir Hors de portée… À l’instar de l’ourlet, l’espoir semble lui aussi en haut

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Victor Hugo, le romantique de la cathédrale

Il y a 140 ans jour pour jour (le 22 mai au moment où sont écrites ces lignes), Victor Hugo disparaît et laisse la littérature française orpheline de l’un de ses auteurs les plus connus. De lui nous reste un héritage conséquent, aussi bien littéraire que politique. Parmi ce leg, un va retenir notre attention ici, La Légende des siècles, véritable cosmogonie et l’une de ses dernières œuvres travaillées de son vivant. Si la littérature était un monument, La Légende des siècles serait Notre-Dame de Paris. Au-delà de l’association logique entre la Vieille Dame et l’exilé, ce livre est une masse de granit à lui tout seul. Le simple fait de le tenir entre ses mains donne la sensation de porter le monde, l’Histoire, le Mythe sur le bout de ses doigts. Plus que le poids de l’Univers, c’est la Beauté que l’on parcourt de ses yeux. C’en est lourd tant c’est beau, ce n’est que Victor Hugo. Le résumer est impossible, il raconte l’histoire de la France sans se préoccuper de l’exhaustivité, c’est un recueil de légendes aux figures parfois inventées, certes, mais faisant office de symboles d’une époque.  Dieu, l’Univers, le Monde Histoire d’alourdir un peu plus son livre, Hugo a décidé de distiller plus ou moins subtilement le sacré, la puissance du Dieu créateur tout au long de l’épopée. Là sans l’être, son ombre plane sur tout le récit, représenté à la fois par les institutions religieuses (chrétiennes ou musulmanes), les héros des récits ou encore par ses subalternes de la liturgie (saint Pierre notamment). Victor Hugo établit une sorte de hiérarchie cosmogonique en faisant entrer le panthéon romain dans la marche du monde, les dieux se situant sous le Créateur. Les rois humains se trouvent en dessous des divinités et le commun des mortels est tout en bas de la chaîne. Cette notion du sacré traverse les âges et les continents, allant d’Adam et Ève aux temps modernes. D’abord ressenti comme une puissance supérieure, le sacré, le religieux devient monnayable, dégradé de tout son prestige face à l’anti-cléricalisme de la fin du XIXe siècle, comme en témoigne le poème « Dénoncé à celui qui chassa les vendeurs du temple ». L’auteur profite aussi de l’occasion pour mettre à l’honneur chacune des Sept Merveilles du monde. Personnifiées, elles deviennent les incarnations des prouesses humaines, qu’elles soient architecturales ou militaires ; elles deviennent les conséquences, les produits des succès humains, des succès bien relatifs lorsque l’on décide d’élargir notre point de vue. L’on retrouve d’ailleurs cet organigramme à la toute fin du livre, dans la dernière section intitulée « L’Abîme ». De l’Homme, Le poète remonte les corps célestes en entonnoir inversé pour finalement atteindre Dieu et montrer toute la puissance qu’il représente dans l’ordre des choses avec ces quelques vers : « Les Nébuleuses […] Laisse-nous luire en paix, nous, blancheurs des ténèbres, Mondes spectres éclos dans les chaos funèbres, N’ayant ni pôle austral ni pôle boréal ;  Nous, les réalités vivant dans l’idéal, Les univers, d’où sort l’immense essaim des rêves, Dispersé dans l’éther, cet océan sans grèves Dont le flot à son bord n’est jamais revenu ;  Nous les créations, îles de l’inconnu ! L’infini L’être multiple vit dans mon unité sombre. Dieu Je n’aurais qu’à souffler, et tout serait de l’ombre. » Dieu, par ces mots, affiche avec dédain son omnipotence. Il est à la fois le début et la fin de tout, créateur magnanime et destructeur autoritaire. Il est père de la vie, de la lumière, patriarche de la mort, des ténèbres. Les héros du peuple Victor Hugo, emprunt de l’idéal romantique, révolutionnaire et populaire, montre le roi ou la personne dépositaire de l’autorité comme avide, cruel, moqueur, fourbe, méchant. Ces rois sont notamment l’objet d’une partie, la sixième, intitulée « Après les dieux, les rois » où il oppose le roi Sanche, jeune, fringant, railleur et couard, au vieux Cid, fort de toutes ses victoires et de sa modestie. Pendant toute cette narration, le Cid s’adresse à son roi qui le craint et qui souhaite simplement vivre libéré des rumeurs que fait courir son roi sur lui. Tout en lui assurant sa loyauté, il lui expose avec force tous ses défauts :  « Tu n’es qu’un méchant, en somme. Mais je te sers, c’est la loi ; La difformité de l’homme  N’étant pas comptée au roi. » Le poète montre les multiples facettes de l’humain. À la fois modeste, honorable, fort, avenant et charitable, il est aussi capable de cumuler tous les vices. Ces personnages sont très souvent mis dans des positions de pouvoir, ils exercent, abusent, font tuer pour de futiles conquêtes territoriales, dans l’unique but de prouver leur force et leur magnificence. Ces hommes se montrent en fait dans leurs aspects les plus bestiaux, hors de la capacité de réflexion, de résilience que l’on peut attribuer aux héros désignés par le poète. Bien souvent ils ne prononcent quasiment rien, ils n’ont aucun vers qui leur est destiné, le point de vue est double, à la fois en contre-plongée, le roi est vu d’en bas, de son peuple, mais aussi vu de haut par l’auteur et Dieu, les deux jugent sévèrement ces hommes, l’un par la punition post-mortem, l’autre en le confrontant à la réalité de son pouvoir, à son peuple comme dans « Les quatre jours d’Elciis » :  « […] C’est de l’histoire. On peut régner par l’épouvante Et la fraude, assisté de tel prêtre moqueur Et fourbe, à qui les vers mangent déjà le coeur, On peut courber les grands, fouler la basse classe ;  Mais à la fin quelqu’un dans la foule se lasse, Et l’ombre soudain s’ouvre, et de quelque manteau, Sort un poing qui se crispe et qui tient un couteau. » L’épopée de Victor Hugo, c’est le récit des siècles traversés par les corps sociaux du monde, c’est un jugement porté sur les cruelles mécaniques du pouvoir à travers la vue subjective du peuple et celle plus globale du Poète.  Ce recueil est

Culture

Le naturalisme pictural, Christian Krohg à Orsay

Depuis le 25 mars, le musée d’Orsay accueille, au sein de son havre, le raz-de-marée norvégien du XIXe siècle du nom de Christian Krohg, peintre, auteur et journaliste qui se revendique du naturalisme et du progrès social pour tous. Les remous des mers nordiques… Des bâteaux de pêche naviguent dans ces eaux tumultueuses. Un marin, vêtu de son ciré jaune usé par les années, crie : « Bâbord ! » à son capitaine. Le bâtiment chavire violemment à droite, soulevé par les vagues, par un temps particulièrement mauvais, le ciel gris nous mettant sur la piste de l’orage. Tout, de l’ancre noire posée au sol, aux plis du manteau du marin en passant par son expression s’apprêtant à crier le titre du tableau, montre un grand souci du détail. Le cadrage est rapproché, il implique presque physiquement l’observateur, c’est à se demander si Krohg n’était pas sur l’embarcation à ce moment-là. La mine du personnage montre une certaine sérénité face à cette situation, ses yeux laissent passer une forme d’éclair, de scintillement, une lueur qui vient contraster avec la face ridée, rugueuse du pêcheur qui indique l’expérience, le temps venu tailler le visage de cet homme. Dans La barre sous le vent, Krohg peint un marin, en ciré jaune, sortant de cabine pour prendre la barre et diriger sa voile. Son regard est un mélange de concentration et d’inquiétude, il semble indiquer un danger imminent, une collision ou une vague. Les flots sont agités, le bateau tangue violemment vers la droite pendant que l’homme tient fermement la barre de son voilier et la corde. Son visage est rougi par l’effort et le froid, il fait de son mieux pour se sortir de cette situation. Une vision élargie de ce tableau montre qu’un autre bateau s’approche dangereusement de la coque du premier. Le cadre rapproché rétrécit notre compréhension de l’événement, il laisse l’observateur dans l’attente, dans la panique presque. Cette prise de vue exacerbe une tension, tension qui laisse en suspens la vie de ce marin. Le tableau montre le danger, le fait ressentir et prépare presque la scène ci-dessous. Pour terminer cette section, Un homme à la mer. Le plan est encore une fois très rapproché, un marin tout de brun vêtu s’apprête à jeter une bouée à la mer. L’action est dessinée de telle sorte qu’on a l’impression de donner directement l’objet au sauveteur. La posture de ce dernier le présente à contresens du mouvement naturel, il lutte contre les éléments pour préserver la vie qu’ils s’apprêtent à prendre. L’eau est sombre, presque noire, elle est la Mort qui guette sa prochaine victime. Le bateau, lui, semble encore une fois soulevé par les flots, le pont fait vaciller le marin, le forçant à s’accrocher à la rambarde. Ce tableau, en plus des autres, vient décrire toute la difficulté du métier de pêcheur, cette soumission de l’homme à la Nature, à la mer. Et c’est là tout le propos du naturalisme, qu’il soit littéraire ou pictural : montrer, décrire l’homme dans toutes ses difficultés, à chaque instant de sa vie. La Bohème de Kristiania, le naturalisme au service de la société La Norvège voit, à la fin du XIXe siècle, un mouvement se créer autour des grandes personnalités culturelles du pays. Ce mouvement se veut anticonformiste, contre la bourgeoisie norvégienne hypocrite. Il ramène dans le débat les questions jusque-là inexistantes que sont la pauvreté urbaine, la prostitution, le droit des femmes et la religion. Certains allaient même jusqu’à défendre l’idée de la liberté sexuelle des femmes. Christian Krohg représentera certaines des grandes figures du mouvement, à commencer par sa femme Oda Krohg, qu’il représente dans une tenue colorée (un haut rouge et une jupe longue bleue), légère, chatoyante, au moins autant que le sourire de la jeune femme. Sa posture la dépeint comme une femme énergique, dynamique, libre et affirmée. Elle est, elle aussi peintre, elle s’exprime elle aussi à travers l’image et les couleurs dans un milieu largement dominé par des figures masculines. Le peintre a également travaillé sur le portrait du rédacteur en chef Ola Thommessen. Il nous montre un jeune homme, en costume qui rappelle les dandys de l’époque avec son costume noir, sa longue redingote et son haut-de-forme. Il est dans une posture active, déterminée, droite. Cet homme s’est notamment illustré par sa défense d’Albertine, le roman de Christian Krohg. L’œuvre, une fois parue, est immédiatement saisie et censurée. Ola Thommessen s’emploie alors à republier, dans les colonnes de son journal, les passages retirés par le ministère de la Justice norvégien. Le roman d’ailleurs fait l’objet d’une de ses peintures les plus fameuses et ratifie son engagement pour les sujets sociaux. Cette nouvelle section, l’avant-dernière, aborde la société dans sa réalité la plus basse, la plus vraie, la plus personnelle parfois. Elle commence par un tableau édifiant, celui de la Jeune fille malade. On y voit une fillette, pâle de peau, d’une pâleur presque cadavérique. Elle est assise dans une grande chaise rembourrée, ses jambes sont couvertes par une couverture blanche en laine. Les mains pâles, bleuies par la maladie, traduisent la gravité de l’état de santé, la rose fanée nous fait penser que l’enfant est déjà aux portes de la mort.  Ce tableau sans concessions sert à introduire le sujet social de son art. La peinture qui suit montre La lutte pour l’existence. Massée à la gauche du tableau, une foule quémandant un morceau de pain tendu par une main à la fenêtre. Des femmes et des enfants constituent cette foule, la société norvégienne n’est plus capable de subvenir aux besoins de ses membres les plus vulnérables. Un enfant est coincé entre le mur et la foule, pressé par les autres tant le besoin, le manque est palpable, son regard direct vers le spectateur semble appeler ce dernier à l’aide pour sortir de cette masse. Les derniers des plaignants semblent tous regarder vers le ciel, peut-être en quête d’espoir. Cette densification au premier plan à gauche vient contraster avec le reste du décor qui

Culture

Mon premier lac des cygnes, un ballet pour sensibiliser les plus jeunes

Le Lac des cygnes, chef-d’œuvre intemporel de Piotr Ilitch Tchaïkovski, est sans doute l’un des ballets les plus célèbres de tous les temps. Aujourd’hui, cette œuvre monumentale fait l’objet d’une adaptation ambitieuse pensée spécialement pour initier les plus jeunes au monde de l’opéra et de la danse classique. Après avoir revisité Casse-Noisette, Karl Paquette et son équipe s’attaquent à ce monument du répertoire. Mis en scène et chorégraphié par Fabrice Bourgeois, cette nouvelle version du Lac des cygnes, présentée au théâtre Mogador à Paris, connaît un vif succès depuis deux saisons déjà. Le projet est né d’une constatation simple : ancien danseur étoile, Karl Paquette voyait ses propres enfants s’endormir durant les représentations classiques. Il lui est alors apparu essentiel de repenser la forme du spectacle pour mieux capter l’attention des plus jeunes. La première étape de cette adaptation a été de réduire la durée du ballet. De trois heures dans sa version originale, Le Lac des cygnes passe ainsi à un format d’1h30, scindé en quatre actes, avec un entracte au bout de 40 minutes. Une manière de rendre l’œuvre plus accessible aux enfants, sans leur demander un effort d’attention trop soutenu. Le format du spectacle a également été repensé. 12 danseurs composent désormais le corps de ballet, accompagnés de trois solistes, là où les représentations traditionnelles peuvent réunir jusqu’à 60 artistes sur scène. Ce choix a imposé une sélection rigoureuse des passages musicaux et chorégraphiques à conserver pour l’équipe du Lac des cygnes. On y retrouve, bien sûr, les séquences emblématiques telles que la célèbre « Danse des petits cygnes » ou encore le saisissant « Pas de deux du cygne noir ». Pour faciliter la compréhension de l’histoire, une narration a été intégrée au spectacle. Un fil rouge oral qui permet aux jeunes spectateurs de suivre les aventures d’Odette et du prince Siegfried avec plus de facilité, sans jamais trahir l’essence du ballet. La mise en scène, soignée et respectueuse des codes classiques, réussit à conjuguer fidélité à l’œuvre originale et adaptation à l’âge du public. Joué les week-ends au théâtre Mogador, entre deux représentations du Roi Lion, ce Lac des cygnes trouve naturellement sa place dans un lieu emblématique du spectacle vivant parisien. Karl Paquette a tenu à maintenir des tarifs accessibles, avec des places proposées à partir de 25 euros, pour permettre au plus grand nombre de découvrir cette expérience dans une salle historique, datant des Années folles, où chaque siège offre une bonne visibilité sur scène. Fier de ce succès et animé par la volonté de rendre l’opéra et le ballet accessibles aux jeunes générations, Karl Paquette ne compte pas s’arrêter là. Son équipe prépare déjà une nouvelle adaptation : La Belle au bois dormant, autre grand classique de Tchaïkovski, bientôt revisité à son tour pour émerveiller petits et grands. Avec ces projets, c’est une véritable passerelle entre les chefs-d’œuvre du patrimoine classique et le jeune public qui est en train de se construire, portée par une ambition forte : faire aimer la danse et l’opéra dès le plus jeune âge, sans jamais renier l’exigence artistique.

Culture, Société

Hausse des tarifs des sites touristiques : en Grèce, le prix de la culture

Les autorités helléniques ont amorcé ces dernières années un plan de rehaussement tarifaire des sites archéologiques et musées les plus fréquentés de Grèce, pour lutter, entre autres, contre le surtourisme. Depuis le début de ce mois d’avril 2025, les dernières augmentations sont effectives, et risquent de ne pas être sans conséquences pour les visiteurs les moins aisés. Depuis le 1er avril, les visiteurs de l’Acropole doivent désormais payer 30 euros pour accéder à l’un des sites les plus emblématiques de Grèce. Ce tarif unique remplace l’ancien système saisonnier (10 € en basse saison, 20 € en haute saison). L’augmentation s’inscrit dans une stratégie engagée depuis 2023 par le ministère grec de la Culture et l’Organisation hellénique pour le développement des ressources culturelles (ODAP) qui touche près de 350 sites à travers le pays. Avec la préservation, la modernisation des structures, la signalétique et la sécurité, un des objectifs principaux est de freiner le surtourisme : la Grèce a accueilli 32 millions de touristes en 2023, soit trois fois sa population. Cet afflux massif impacte la vie des locaux et met en péril l’intégrité physique des sites archéologiques. La hausse des tarifs, un outil de régulation efficace ? Augmenter le prix d’entrée d’un site culturel peut, en théorie, contribuer à limiter la fréquentation en instaurant une barrière financière dissuasive. Les visiteurs les plus sensibles au prix peuvent renoncer à une visite devenue trop coûteuse. Mais cette logique montre des limites. À Venise, l’instauration récente d’un droit d’entrée de 5 euros, en vigueur depuis le 25 avril 2024 pour les visiteurs à la journée, vise précisément à contenir les pics d’affluence — qui dépassaient les 80 000 personnes par jour en haute saison. Or, les premiers retours montrent une fréquentation toujours très élevée, et une efficacité limitée sur les flux réels, même si la mesure pourrait porter ses fruits sur le long terme. Aux États-Unis, certains parcs nationaux comme Yosemite ou Arches ont expérimenté des systèmes de réservation obligatoire ou de permis payants, avec des hausses de tarifs jusqu’à 35 dollars par véhicule. Ces dispositifs ont permis d’éviter la saturation à l’intérieur des parcs, mais ont aussi déplacé les flux vers d’autres zones moins préparées à accueillir de tels volumes. C’est l’effet de report : si un site devient trop cher, les flux peuvent se déverser sur des lieux voisins, aggravant les déséquilibres territoriaux.  Au Pérou, le site du Machu Picchu a vu son prix d’entrée passer de 47 à 62 dollars ces dernières années, et des horaires stricts de visite sont imposés, avec un quota quotidien de 4 500 visiteurs (contre 5 000 auparavant), pour préserver l’intégrité du site. Là aussi, la fréquentation reste forte ; la seule hausse des prix ne suffit pas à elle seule à maîtriser l’afflux touristique. Les visiteurs les plus fortunés ou les plus motivés ne sont que peu affectés par les augmentations. Les voyagistes intègrent aussi souvent les billets dans des forfaits, neutralisant l’effet de la hausse pour les groupes. De la protection à l’exclusion Si la hausse des tarifs peut sembler légitime, elle soulève tout de même une interrogation centrale : au nom de la lutte contre la surfréquentation, la culture doit-elle devenir un produit de luxe ? En particulier pour les publics jeunes, les familles nombreuses ou les voyageurs au budget modeste, la Grèce reste une destination abordable, les coûts des billets d’avion et de la vie sur place n’étant pas, et de loin, parmi les plus chers d’Europe. L’augmentation du prix d’accès au site, même si elle n’est que d’une dizaine d’euros, peut impacter ce public et l’écarter des sites touristiques majeurs. La question éthique se pose : l’universalité de l’accès à un patrimoine essentiel dans l’histoire de nombreuses civilisations est un enjeu culturel majeur. Des exemptions de droits d’entrée continuent heureusement d’exister. Pour les étudiants de l’Union européenne, les enfants, ou les seniors, des tarifs réduits ou une gratuité totale s’appliquent. Le développement d’offres combinées et de billets dématérialisés à prix réduits sur des plateformes touristiques permet à certains visiteurs de mieux maîtriser leur budget. Des solutions complémentaires – dont certaines sont déjà mises en place à plus ou moins grande échelle – pourraient venir compléter une simple hausse tarifaire. Par exemple l’introduction de jauges plus strictes, la fermeture ponctuelle de certains sites pour soulager la pression, ou encore des pratiques de « démarketing » ciblées visant à rediriger les flux vers des destinations moins saturées. Parallèlement à la hausse des tarifs standards, une offre touristique premium se développe. L’on peut désormais profiter d’une visite privée de l’Acropole, en dehors des heures d’ouverture – au lever ou au coucher du soleil – pour la modique somme de 5000 €. Ce type de prestation, destiné à une clientèle internationale aisée, interroge sur une possible volonté des autorités grecque de transformer le pays en une destination plus exclusive, en ralentissant la fréquentation des sites sans baisser les recettes. Le tourisme, pilier de l’économie grecque Selon l’Autorité statistique hellénique (ELSTAT), les musées et sites archéologiques grecs ont accueilli plus de 18 millions de visiteurs en 2023, soit une hausse de 23 % par rapport à 2022. L’Acropole d’Athènes arrive en tête avec 4,2 millions de visiteurs, suivie par le musée national archéologique et le sanctuaire de Delphes. L’enjeu est donc de taille pour un pays où le tourisme pèse près de 19 % du PIB, selon les données du World Travel & Tourism Council. Entre valorisation et protection, trouver l’équilibre est un art.

Société, Culture

La santé mentale au cinéma, une révolution avant l’heure ?

La santé mentale est un thème qui s’est rapidement imposé sur les écrans de cinéma. Donnie Darko, Requiem For A Dream, Fight Club, les réalisateurs ont vu en ces représentations un moyen de sensibiliser le grand public, bien avant que le sujet ne devienne un enjeu sociétal. « La santé mentale est la grande cause nationale de 2025 » clame Michel Barnier, ancien Premier ministre, quelques semaines avant d’être censuré. De son côté, Statista a récemment révélé qu’environ 50 % des Français déclarent avoir souffert d’un trouble de santé mentale au cours de leur vie. Dans la foulée, le label de sensibilisation aux maladies mentales est lancé pour mieux prévenir ces pathologies. Mais cette démarche s’inscrit-elle réellement dans une nouveauté ? Si les médias n’ont que récemment inondé la toile sur ce sujet, il se pourrait bien que le cinéma, lui, ait déjà exploré ces troubles, aussi délicats soient-ils. Du stéréotype à la sensibilisation Fini l’époque des métrages qui dépeignent ces maladies uniquement sous le prisme de la folie, à l’image de Shining et d’autres productions avant lui. À la fin des années 90, l’idée est différente. Prendre le temps de comprendre, varier les pathologies représentées… Bref, ce nouvel élan est une aubaine pour les studios de cinéma : aborder un sujet sous-exploité tout en laissant une forte impression auprès du public.  Mais le succès n’est pas instantané. Peu de réalisateurs parviennent à trouver leur public, malgré quelques exceptions telles que Gus Van Sant pour Good Will Hunting en 1997, un film qui, en plus de cela, n’est pas réellement centré sur la maladie mentale. Avec l’essor des blogs et des réseaux sociaux, il faut attendre les années 2010 pour évaluer le point de bascule de la réussite concernant la santé mentale au cinéma. La liste est longue : l’adaptation du livre The Silver Linings Playbook, dit Happiness Therapy en 2012, qui évoque la bipolarité, ou encore Joker en 2019, qui montre les symptômes de la dépression dans l’ensemble de l’œuvre. Désormais, le cinéma aide à comprendre ces pathologies et à prendre conscience de ces problèmes pour n’importe qui. Fight Club ou le long-métrage qui marque un tournant Ce n’est ni le premier à explorer ce thème, ni même le plus réaliste, mais il fait figure de référence. Pourtant, il fait partie des échecs commerciaux lors de sa sortie, en 1999. La désillusion en salles n’empêche pas à l’œuvre de David Fincher de devenir un incontournable lors de son arrivée en DVD.  Dans Fight Club, le personnage principal est atteint de psychopathologie, et précisément de trouble dissociatif de l’identité (TDI). Une maladie qui fragmente la personnalité en plusieurs identités. Certes, il s’agit d’une condition rare, mais le film nous en offre une certaine compréhension, sur grand écran, malgré une dramatisation poussée à l’extrême. Cependant, la force du film réside dans l’inconscience de ce trouble tout au long de l’histoire, semé d’indices, que le spectateur comme le protagoniste ne perçoit qu’au twist final : suscitant la fameuse question « Et si moi aussi j’en étais atteint ? ». Fight Club ouvre alors une brèche. D’autres œuvres sur la santé mentale rencontrent enfin le succès, comme Memento ou A Beautiful Mind, quelques années après. Ironie du sort, le film dont la règle numéro un est de ne jamais parler… est finalement devenu un sujet de société.   Une prise de conscience plus large Loin d’être un simple effet de mode, le cinéma s’est emparé d’un sujet longtemps resté tabou, à une époque où l’intime n’était que très peu abordé. Aujourd’hui, les long-métrages traitant de santé mentale se multiplient, avec des approches plus nuancées, réalistes, et surtout, davantage documentés. Le septième art a sans doute posé les premières pierres, mais la médiatisation du sujet, elle, ne fait que commencer à s’étendre à d’autres formats, comme les jeux vidéo. 

Culture

La saison 7 de Black Mirror débarque sur Netflix

Disponible depuis le 10 avril 2025 sur Netflix, la saison 7 de Black Mirror signe un retour très attendu pour l’anthologie dystopique imaginée par Charlie Brooker. Depuis ses débuts en 2011, la série s’est imposée comme une référence en matière de critique sociale et de spéculation technologique. Après une saison 6 qui s’éloignait de son ADN pour explorer davantage le registre horrifique, cette nouvelle saison revient à l’essence de Black Mirror, avec six épisodes qui renouent avec les thèmes fondateurs de la série : l’obsession technologique, la virtualisation de nos existences, la mémoire, le libre arbitre et les dérives du capitalisme numérique. Ce qui frappe d’emblée avec cette saison 7, c’est sa volonté de créer du lien, non seulement avec l’actualité technologique et sociale, mais aussi avec l’univers narratif de la série elle-même. Pour la première fois, Black Mirror propose une suite directe à l’un de ses épisodes passés. Intitulé USS Callister: Into Infinity, l’épisode final reprend les aventures des personnages de USS Callister, initialement introduits dans la saison 4. On y retrouve l’équipage numérique coincé dans une simulation de jeu vidéo inspirée des séries de science-fiction à la Star Trek. Après la mort du créateur tyrannique Robert Daly, les avatars numériques doivent apprendre à exister dans un monde sans leur oppresseur, tout en affrontant de nouveaux défis moraux et technologiques. Le retour de Cristin Milioti dans le rôle de Nanette Cole, désormais capitaine, donne une dimension plus affirmée et résolument féministe à cette suite, tandis que le ton mêle critique du culte du héros masculin geek, humour noir et suspense existentiel. L’équipage de l’USS Calister Autre événement notable de cette saison : l’apparition de Colin Ritman, personnage culte de Bandersnatch (le film interactif sorti en 2018). Interprété par Will Poulter, il fait son retour dans l’épisode Plaything, qui s’aventure dans l’univers des développeurs de jeux vidéo des années 1990. L’épisode fonctionne comme un écho aux obsessions de Bandersnatch : la perte de contrôle, les effets délétères des choix narratifs imposés, et le vertige de la conscience numérique. Même s’il ne s’agit pas d’une suite directe, les références sont nombreuses, et les thématiques abordées sont plus actuelles que jamais. Les autres épisodes n’ont rien à envier à ces deux blockbusters narratifs. Le casting cinq étoiles (avec Paul Giamatti, Rashida Jones, Emma Corrin, Peter Capaldi, Chris O’Dowd ou encore Awkwafina) donne vie à des histoires toujours plus ancrées dans notre réalité : un système de santé entièrement automatisé qui broie les individus (Common People), un monde où le deuil est géré par des intelligences artificielles capables de ressusciter les morts virtuellement (Eulogy), une reconstitution numérique de Hollywood dans les années 1940 qui interroge la nostalgie et le fantasme de perfection (Hotel Reverie), ou encore une fable contemporaine sur la manipulation de la mémoire et la revanche numérique (Bête Noire). Episode De simples jouets Cette saison 7 démontre que Black Mirror n’a rien perdu de sa pertinence. Mieux encore : en intégrant des personnages issus de précédents épisodes et en assumant une certaine forme de continuité narrative, la série amorce une nouvelle étape dans sa construction. Si chaque épisode reste indépendant, l’ensemble esquisse désormais un monde partagé, cohérent, dans lequel l’humain est confronté aux conséquences toujours plus déshumanisantes de ses propres créations. Avec une écriture plus affûtée que jamais, une réalisation soignée et des acteurs brillants, Black Mirror reste l’un des rares objets audiovisuels capables de nous faire rire jaune, frissonner, et réfléchir à la place qu’on laisse à la technologie dans nos vies. Une série miroir de notre époque, plus sombre et plus lucide que jamais, nous prouvant une fois de plus la justesse de son titre.

Culture

« Parthenope », La belle, la mort et la mère

Présentée le 21 mai 2024 au festival de Cannes et sortie dans les salles françaises le 12 mars 2025, Parthenope est la dernière production du réalisateur cisalpin Paolo Sorrentino. Il y met en scène la vie de Parthenope, femme de la petite bourgeoisie napolitaine, de sa naissance en 1950 à nos jours en 2023. Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage, ou comme celui-là qui conquit le cœur de Parthenope. La sirène, éprise de lui, tente alors de le faire venir à elle par sa douce voix. Le héros, ne voulant pas risquer la vie de son équipage sur les récifs, leur ordonne de se boucher les oreilles et de s’attacher quelque part sur le navire, il se sort de cette péripétie. Dévastée, la douce décide de se jeter à l’eau pour se noyer, et s’échoue près de Naples. Elle renaît en 1950, sous les traits d’une fillette née les pieds dans l’eau, hurlant à la vie pour le plus grand plaisir de ses parents. L’enfant devient femme et le film occulte les premières années de vie pour arriver directement aux 18 ans de la jeune femme. Les amours naissent, ambigus, indicibles, sans lendemain, vrais parfois, impossibles souvent, la seule fidèle étant la liberté. Naissance et vie de la Parthénope vénusienne Le film est particulièrement retors à l’interprétation, notamment à cause de ses dialogues brillants mais bien souvent abstraits. En revanche, l’imagerie dégage une symbolique forte, elle s’arme d’un arsenal référentiel conséquent qui apporte une profondeur, une signification à certains personnages, notamment Parthenope et son grand frère Raimondo. La principale étant, à mon sens, le célèbre tableau de Botticelli : La naissance de Vénus. À travers cette peinture, on remarque tout de suite l’amalgame fait entre la sirène Parthenope et Vénus, déesse romaine de l’amour, de la séduction et de la beauté féminine. Notre protagoniste naît de la mer, sort presque de l’écume, elle pousse ses premiers cris dans l’eau salée de l’amère mer. Plutôt que de s’échouer sur les plages napolitaines, elle en prend possession, elle en fait sa demeure, son domaine. C’est de cette eau que la Vénus moderne sort d’ailleurs la première fois qu’on la voit à ses 18 ans. La Vénus jouit des mêmes attributs que la déesse, elle attire les regards de toutes et tous, elle n’est pas que belle, elle est la Beauté. Cette perfection s’accompagne d’une forme de nonchalance qui lui fait oublier sa propre apparence, elle ne comprend pas ou ne veut pas comprendre que sa silhouette est devenue le centre de l’attention des Napolitains. Au-delà de son apparence physique, Parthenope fait montre d’une qualité intellectuelle rare chez les êtres humains ; elle se révèle être une remarquable anthropologue et dispose d’une répartie absolument sans failles, qualité qui la rapproche de certains personnages mais qui l’éloigne de beaucoup d’autres, notamment certains de ses plus proches.  Du tableau, l’on retire aussi une signification pour le souffle de Raimondo. On aperçoit plusieurs plans de ce dernier pousser un long souffle sans trop savoir pourquoi. Il le fait d’abord pendant que sa mère est enceinte de Parthenope et quelques autres fois à Capri pendant leurs vacances. Plus que de simples gamineries, ce souffle est un clin d’œil subtil au tableau du Florentin, avec la représentation de Zéphyr, le dieu du vent de l’ouest qui incarne aussi les vents doux. Sur le tableau et dans la mythologie, c’est lui qui a guidé le coquillage de Vénus sur les côtes de l’île de Cythère puis de Chypre. Raimondo s’improvise ici guide, vent porteur de Parthenope vers l’âge adulte. Malgré tout, son souffle ne la portera pas vers lui et, confondant la passion passagère à l’amour définitif avec un autre, il décide, après un dernier souffle, de se jeter à l’eau. Son corps est battu par les vagues et les rochers, il finit par être ramené vers sa Naples natale.  Fuite en avant Parthenope c’est aussi l’histoire d’une fuite, fuite de Parthenope pour échapper à la maternité, maternité qui viendrait entraver la jeune femme dans une illusion de stabilité, de bonheur et d’amour familial. Après la disparition tragique de Raimondo, les parents de la Vénus de Naples se détachent progressivement d’elle, rejetant la culpabilité du suicide du jeune homme sur elle, et elle seule. Son père sombre petit à petit dans une léthargie destructrice, merveilleusement illustrée par la décrépitude progressive du logement de la famille. Il lui somme alors de faire un petit-fils qu’il présente comme la seule solution pour Parthenope de se racheter. Elle décide alors de s’enfermer dans une tentative désespérée de devenir actrice. Elle prend des cours et rencontre une des comédiennes les plus en vogue en Italie à cette époque, Greta Cool, qui lui ferme définitivement la porte du cinéma au nez. La raison : ses yeux sont vides, morts, ils n’ont pas une trace de joie ou d’espoir, et ce depuis le décès de son frère et l’abandon de ses parents. Elle finit par tomber enceinte d’un homme rencontré pendant le gala tenu par Greta. Malgré cette “heureuse” nouvelle pour le père, ce dernier reste hagard, s’enfonçant dans l’éternelle perdition du deuil. Elle décide d’avorter, ne souhaitant pas avoir un enfant dont elle ne veut pas vraiment et qui pourrait constituer une chaîne qui l’empêcherait de vivre librement. Elle prend alors la décision de prendre l’opportunité que lui tend son directeur de thèse : partir à Trente lui succéder dans chaire de recherche d’anthropologie. Elle fuit donc tout, Naples, sa famille, tout ce qui pourrait la rattacher à cette idée de la maternité. Cette ville qu’elle a personnifiée dans ses joies, ses amours, sa liberté, ses peines, ses malheurs, cette ville qui l’a vue naître, cette ville enfin pour qui elle symbolise la virginité, le chant et la mort ; c’est cette ville qu’elle fuit, n’y ayant trouvé que la mort de son frère, de ses liens familiaux, de son insouciance. Finalement Parthenope c’est l’histoire d’une femme qui a tout perdu à Naples, qui n’a jamais eu de retour de bâton

Culture

Wes Anderson débarque à la Cinémathèque

Depuis le 19 mars 2025, la Cinémathèque française consacre une exposition exceptionnelle à Wes Anderson, cinéaste au style reconnaissable entre mille. Jusqu’au 27 juillet prochain, les visiteurs pourront plonger dans l’univers singulier du réalisateur américain à travers une rétrospective qui retrace son parcours, de ses premiers films indépendants aux plus grands succès internationaux. Adoptant une approche chronologique, l’exposition met en lumière l’évolution de l’artiste, qui s’est imposé dans le paysage cinématographique avec un langage visuel qui a fait son succès. Les amateurs de son esthétique reconnaîtront ses palettes de couleurs pastel, ses compositions symétriques et ses mouvements de caméra fluides qui participent à l’identité de ses films. L’exposition propose un accès privilégié à des objets provenant en grande partie de la collection personnelle du réalisateur. Parmi eux, des costumes emblématiques, des accessoires de tournage, des maquettes de décors ainsi que des documents inédits de production. Les visiteurs pourront ainsi découvrir les uniformes des scouts de Moonrise Kingdom, les costumes excentriques de The Grand Budapest Hotel, ou encore les marionnettes animées des films en stop-motion Fantastic Mr. Fox et L’Île aux chiens. Personnages du film Fantastic Mr Fox Un espace est également consacré à la méthode de travail minutieuse de Wes Anderson. Des carnets de notes manuscrites, des storyboards ultra-détaillés et des animatiques permettent de nous plonger dans les coulisses de sa création. Ces documents illustrent son souci du détail et son processus de mise en scène précisément chorégraphié. Les maquettes de certains décors phares figurent aussi parmi les pièces maîtresses de l’exposition. On retrouve ainsi une reproduction du Grand Budapest Hotel, avec son architecture Art déco flamboyante, ou encore la locomotive du Darjeeling Limited, dans lequel nous avons le périple de trois frères à travers l’Inde, dans le film éponyme. Ces éléments permettent de mieux comprendre la façon dont Wes Anderson conçoit ses univers, souvent inspirés de ses voyages et de références littéraires et artistiques précises. Décor du film Grand Budapest Hotel Cette exposition est une invitation à explorer l’imaginaire foisonnant d’un cinéaste qui ne cesse de surprendre et d’innover. Pour les amateurs de son travail comme pour les curieux, cette rétrospective est une occasion rare de découvrir l’envers du décor et d’approcher la vision artistique de l’un des réalisateurs les plus influents de notre époque. L’exposition, présentée à la Cinémathèque Française, voyagera ensuite au Design Museum de Londres du 21 novembre 2025 au 26 juillet 2026, confirmant la popularité internationale de l’univers de Wes Anderson. En attendant la sortie de son prochain film, The Phoenician Scheme, le 28 mai prochain, les passionnés de cinéma peuvent dès à présent réserver leurs billets et se laisser transporter dans un monde où la fantaisie et la rigueur esthétique se rencontrent en parfaite harmonie.

Culture

Taedium vitae bis repetita, « Discours sur le colonialisme », A. Césaire

Il y a de cela une dizaine de jours, Jean-Michel Apathie rappelait les crimes français commis en Algérie pendant près d’un siècle de colonisation, déclenchant immédiatement la stupeur de ses interlocuteurs de RTL, un étonnement à la hauteur de leur ignorance de l’histoire ou de leur hypocrisie coloniale. « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». Article fondateur qui souffle un vent de liberté pour un peuple qui a su se lever contre son roi, entité presque divine aux origines bien trop humaines et prosaïques pour être traité différemment du manouvrier du champ d’à côté. C’est pourtant cette même phrase qui vient sonner le glas des pays que l’on a pillé, ravagé, massacré sous cet écran de fumée que l’on appelle civilisation et qui n’a pour seul égal d’hypocrisie qu’un député RN antiraciste. La France s’est construite sur la notion d’égalité, mais elle est capable de créer le concept de « races » pour justifier la supériorité d’un être sur le reste du monde, c’est fascinant tant c’est absurde.  Le plus étonnant dans cette histoire, c’est que personne ne s’est vraiment indigné de ce que l’on faisait subir aux peuples, de ces pratiques barbares que l’on exerçait sur les innocents. Personne ne s’est dit que les récits des soldats étaient absolument ignobles, personne n’a voulu ouvrir les yeux sur la réalité, et ce encore aujourd’hui. Nous ne sommes pas capables d’admettre que le vrai ensauvagé, le vrai barbare, c’était le colonisateur. C’est lui qui coupait les têtes, allumait les brasiers, tirait sur les maisons, torturait, violait les femmes. C’est lui toujours qui spoliait les terres au nom de Dieu, ou de l’argent, si tant est qu’il y ait une différence entre les deux. « L’Europe est moralement, spirituellement indéfendable » nous disait Aimé Césaire dans son Discours. Comment peut-on ignorer les enfumades du massif de Dahra le 18 juin 1845 et son millier de victimes, femmes, enfants et vieillards compris ? Comment peut-on oublier que les déportations, les famines, les spoliations, les répressions ont causé la mort de près de 500 000 personnes ? Comment peut-on parler d’une « insulte aux Français » quand nous avons passé près d’un siècle à piétiner des civilisations entières ? « La barbarie suprême, celle qui couronne, celle qui résume la quotidienneté des barbaries ; que c’est du nazisme, oui, mais qu’avant d’en être la victime, on en a été le complice ; que ce nazisme-là, on l’a supporté avant de le subir, on l’a absous, on a fermé l’œil là-dessus, on l’a légitimé, parce que, jusque-là, il ne s’était appliqué qu’à des peuples non européens ; que ce nazisme-là, on l’a cultivé, on en est responsable, et qu’il est sourd, qu’il perce, qu’il goutte, avant de l’engloutir dans ses eaux rougies, de toutes les fissures de la civilisation occidentale et chrétienne. » Posture présente Les ignorants de RTL semblent s’être enfermés dans leur tour obscurantiste. Ces piètres défenseurs du « roman national » chassent l’idée d’un battement d’oreille, « l’idée, la mouche importune ». Ils sont les produits d’une bourgeoisie qui n’a même pas l’avantage du capital culturel, les œillères ressemblant surtout à des verres occultant teintés de brun. Ils se couvrent les oreilles de la douce excuse civilisationnelle et sanitaire, du fardeau de l’homme blanc, pour justifier l’inadmissible. Les contredire, c’est haïr la France, c’est faire preuve de mauvaise foi, c’est trahir cette valeur si chère à leur cœur, cette valeur si belle sur le fronton de leur mairie : la liberté. Concept vague s’il en est et qui ne saurait excuser le pédantisme dont ils se parent si facilement pour parader devant la représentation nationale.  Rappelons tout de même que notre tumeur bleu marine nationale s’est permis d’affirmer que « dire que la colonisation a été un drame pour l’Algérie, ça n’est pas vrai. » J’aimerais bien connaître sa source, si tant est qu’elle existe. Au-delà du préjudice évident de cette déclaration, j’aimerais attirer l’attention sur l’absence ou presque de réactions des gens face à cela. L’audience est tellement léthargique que les racistes et les négationnistes ne prennent même plus la peine de se cacher, d’avoir honte de leur position historiquement et factuellement fausse. C’est a minima de l’ignorance, au pire une tentative de faire admettre cette idée à ses électeurs, une manière d’instrumentaliser les tensions actuelles entre la France et l’Algérie et une volonté de voir abroger les accords entre les deux pays. Tel le littéraire mystérieux et parfaitement incapable de faire une conclusion que je suis, je vous laisse sur ces mots savants d’Aimé Césaire. « C’est que l’entendement bourgeois est de plus en plus rebelle à la finasserie et que leurs maîtres sont condamnés à se détourner d’eux de plus en plus pour applaudir de plus en plus d’autres moins subtils et plus brutaux. »

Culture

Retour sur les Oscars 2025

Le 2 mars 2025, la 97e cérémonie des Oscars s’est tenue au Dolby Theatre de Los Angeles. Ce rendez-vous incontournable pour l’industrie du septième art, que l’on ne présente plus, est sans doute le plus important de l’année. Cependant, cette édition a bien failli ne pas avoir lieu en raison des incendies qui ont ravagé la Californie en début d’année. Certains membres influents de l’Académie, à l’image de l’écrivain Stephen King, avaient même suggéré d’annuler la cérémonie, estimant que l’ampleur de la catastrophe ne permettait pas de maintenir un événement festif. Finalement, l’Académie des arts et des sciences du cinéma a pris la décision de maintenir la célébration, avec une ouverture solennelle en hommage aux victimes des incendies. L’animation de la soirée a été confiée à Conan O’Brien, humoriste et présentateur chevronné, qui a fait ses débuts en tant que maître de cérémonie des Oscars. Fidèle à son style pince-sans-rire, il a su insuffler une énergie nouvelle à cette édition en alternant humour et moments d’émotion. Parmi les films en compétition, Anora a été le grand vainqueur de la soirée, remportant cinq Oscars, dont celui du Meilleur film. Le long-métrage de Sean Baker a également raflé les prix de la Meilleure réalisation, du Meilleur scénario original, du Meilleur montage, ainsi que celui de la Meilleure actrice pour Mikey Madison. Un triomphe qui a marqué cette soirée et qui a été perçu comme une consécration pour Baker. Le film nous plonge dans l’histoire d’amour entre une strip-teaseuse et le fils d’un oligarque russe. Un film qui ne partait pourtant pas gagnant, malgré sa palme d’or au festival de Cannes. Recevant un accueil mitigé, aussi bien de la part de la critique que du public, avec des retours tantôt élogieux, tantôt défavorables, Anora aura toutefois su conquérir le coeur du Jury. En face, The Brutalist n’a pas été en reste, cumulant trois statuettes, dont celle du Meilleur acteur pour Adrien Brody, qui décroche ainsi son deuxième Oscar, près de 22 ans après son premier sacre pour Le Pianiste. Cette victoire a d’ailleurs été l’un des moments les plus applaudis de la soirée. Autre fait marquant : Emilia Pérez, réalisé par Jacques Audiard, est entré dans l’histoire des Oscars en obtenant 13 nominations, le plus grand nombre jamais atteint pour une production non anglophone. Malgré ces nombreuses citations, le film est réparti avec seulement deux statuettes. Karla Sofía Gascón, première comédienne trans à être nommée dans la catégorie Meilleure actrice, n’a malheureusement pas remporté la distinction, mais son parcours reste un symbole fort pour l’évolution de la représentation dans le cinéma. Enfin, la cérémonie a rendu un hommage poignant aux figures du cinéma disparues en 2024. Un segment In Memoriam, présenté par Morgan Freeman, a salué la mémoire des acteurs qui nous ont quittés dernièrement ; Gene Hackman, James Earl Jones, Maggie Smith et Donald Sutherland, provoquant une intense émotion dans la salle. Malgré les imprévus et un contexte difficile, cette 97e édition des Oscars a su être à la hauteur des attentes, célébrant avec panache le cinéma et ses talents les plus brillants.

Culture

« Mickey 17 » ou la valeur de la vie

5 mars 2025. Dans les salles françaises sort le nouveau film de Bong Joon-ho, Mickey 17. Le personnage principal, Mickey Barnes, est incarné par Robert Pattinson. Vous êtes-vous déjà demandé ce que vous valiez vraiment ? Pourquoi vous teniez tant à la vie ? Non ? Et bien ce film ne vous donne pas les réponses mais vous jette ces questions au visage, histoire de vous rappeler que la vie se chérie, que toutes les existences de la planète sont sur le même pied d’égalité, que vous soyez riche, naïf, fort, malade ou banal.  La mort, nouvelle ressource des vivants Dans ce film, vous suivez l’histoire de Mickey Barnes, jeune homme un peu naïf et esseulé qui s’inscrit au programme spatial d’un politicien foireux ayant perdu deux fois les élections de son pays. Mickey est en fait poursuivi par des usuriers peu scrupuleux qui veulent sa peau pour rembourser les dettes qu’il a contracté pour monter une affaire de macarons avec un « ami ». Sans diplôme ou savoir-faire particulier, il décide de devenir un « Remplaçable ». Ce poste si particulier fait usage d’une technologie de clonage très avancée permettant aux humains, dont les souvenirs et données biométriques sont sauvegardées, d’être imprimés à l’identique en cas de mort. Évidemment le problème éthique est soulevé mais le politicard décide de faire usage de cette révolution scientifique pour s’occuper des tâches ingrates, servir de sujet de test humain pour mener à bien son entreprise de colonisation de la planète Niflheim.  Barnes devient alors l’esclave de toute une colonie humaine, il est éboueur, explorateur, technicien de surface, pionnier et accessoirement souffre-douleur des laborantins du vaisseau. Le film rassemble tant de messages qu’il serait long de tous les énumérer, les expliquer, il me faudrait quelques articles de plus pour explorer chacune des pistes qu’il ouvre. Je vais m’attarder ici sur l’un deux, le plus important, le rapport à la vie et surtout à la mort. Désacraliser le décès Pourquoi vit-on ? Pourquoi travaille-t-on ? Pourquoi cherche-t-on à aimer, à ressentir, compatir, manger, boire, visiter, contempler, lire, écrire ou dénoncer ? Parce qu’il y a une fin, un compte à rebours invisible, imprévisible, il est là et personne ne sait quand il va s’arrêter. Mais attacherait-on une valeur à tout cela si cette épée de Damoclès disparaissait ? Après tout, à quoi bon se lever lorsque nous pourrions le faire demain sans autre conséquence que l’ennui ? Plus personne ne perdrait son temps puisque cette notion serait désormais caduque. Dirions-nous toujours que la vie à une valeur si celle-ci ne s’arrêtait pas ou du moins pourrait recommencer à la moindre vilaine grippe ? Eh bien c’est là tout le propos de ce film. Mickey Barnes est celui qui s’est affranchi de cette limite qu’est la Nature pour s’agenouiller devant le cynisme d’une société qui le considère comme une page blanche que l’on peut réécrire à volonté. Nul besoin de se préoccuper du bien-être d’une personne puisque celle-ci a, de toute façon, le luxe de pouvoir se dire que ce sera mieux à sa prochaine copie. Et c’est là que l’on rentre petit à petit sur ce que la notion de vie signifie pour le capitalisme et la politique. Qu’est-ce qu’une vie qui peut être reproduite à l’identique et à l’infini ? Un produit en série, un objet sur une chaîne de montage qui n’a pour seule utilité que la servitude absolue aux ordres de celui qui peut mourir, qui mérite donc de vivre et de profiter du temps qui lui reste. D’ici découle un propos sur l’esclavage et la colonisation. L’objectif de cette colonie humaine n’est pas de révolutionner la science mais simplement de recommencer l’histoire de l’humanité, reproduire et se reproduire, exploiter, vendre, tirer encore et toujours plus, faire fi de ce que l’on appelle l’humanité. Je vous laisse, chers lecteurs, sur ces quelques vers de Victor Hugo dans La Légende des siècles. Ils sont tirés du poème “Un voleur à un roi”. “Tu ne te mets en frais d’aucun effort d’esprit ; Tu fais assassiner tout avec nonchalance, À coups d’obus, à coups de sabre, à coups de lance. C’est simple. Eh bien, tu viens prendre une nation,  Voilà tout. N’es-tu pas l’extermination, Le droit divin, l’élu qu’un fakir, un flamine, Un bonze, a frotté d’huile et mis dans de l’hermine ! Va, prends. Les hommes sont ta chose. Alors cités, Fleuves, monts, bois tremblants d’un vent sombre agités, Les plaines, les hameaux, tant pis s’ils sont en flammes, Les berceaux, les foyers sacrés, l’honneur des femmes, Tu mets sur tout cela tes ongles monstrueux ; Et l’église te brûle un encens tortueux, Et le doux tedeum éclaire avec des cierges  Le meurtre des enfants et le viol des vierges ;  Et tout ce qui n’est pas gisant est à genoux. Moi, pendant ce temps-là je rôde, calme et doux. Telle est notre nuance, ô le meilleur des princes, Je conquiers des liards, tu voles des provinces.”

Culture

« La Fabrique du mensonge » ou la propagande du sentiment

Le 19 février dernier est sorti le biopic historique La Fabrique du mensonge, un film réalisé par Joachim Lang et retraçant le parcours du propagandiste le plus connu de l’histoire contemporaine, Joseph Goebbels. En l’espace de quelques années, il aura construit l’illusion la plus sophistiquée de la politique et permis aux générations actuelles de réfléchir à la communication politique sous toutes ses couleurs. Le long-métrage commence par plusieurs panneaux textuels nous avertissant de ce que le réalisateur veut proposer : l’étude des plus grands criminels de l’histoire pour la compréhension des démagogues d’aujourd’hui. Succède à cela une prolepse de la fin du film et de la vie de notre protagoniste, mort avec sa femme et ses enfants pendant que les rues de Berlin étaient libérées par les soldats américains et russes. De 1938 au 1er mai 1945, Goebbels s’est fait garant de la propagande nationale-socialiste et a fini par devenir le plénipotentiaire du IIIe Reich en lieu et place d’un Hitler faiblissant.  L’un des partis pris de ce film, c’est de montrer le ministre de la Propagande dans sa vie privée. On y voit la relation à la fois conflictuelle et nécessaire entre Goebbels et sa femme, Magda. L’éminence grise du régime dictatorial est connue pour ses rapports à la gent féminine. Des écarts qui sont censés ne pas être tolérés dans cette idéologie qui prône la pureté et la stabilité de la vie de famille. Le chancelier force lui-même le couple Joseph-Magda à rester ensemble, à éviter le divorce pour ne pas entacher l’image du régime. À partir de ce point, la relation devient contractuelle, on ne les voit jamais dans leur intimité sentimentale, ils ne sont qu’ensemble lorsqu’ils reçoivent des invités ou se rendent à des événements. Par ce biais, le film montre à quel point l’idéologie, l’image prime sur le sentiment, un paradoxe lorsque l’on sait que c’est précisément ce dernier que Goebbels cherche dans ses actes de propagande. Le sensationnalisme, clé du coeur des foules J’aimerais revenir sur deux éléments du film qui me semblent tout à fait intéressants à montrer. Ce sont deux événements qui vont faire de Goebbels le propagandiste le plus tristement célèbre de l’histoire mondiale. Le biopic expose d’abord l’élaboration de la “Nuit de Cristal”, une nuit de pogroms perpétrée contre les Juifs allemands dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938. À ce moment de l’histoire, Goebbels est en disgrâce auprès du chancelier, il ne parvient pas à enrager un peuple qui refuse l’idée de la guerre. Il est alors informé, dans la journée du 7 novembre, que le secrétaire de l’ambassade allemande à Paris a été attaqué dans un attentat mené par un juif polonais souhaitant se venger des maltraitances qu’ont subies les membres de sa famille en Pologne. Dans le biopic, la scène le montre dans son bureau, l’œil vif, conscient de l’opportunité que le malheureux vient de lui créer. Il mobilise alors tous les canaux disponibles de l’époque, radio, presse écrite, affiches, etc. Il organise aussi en secret la nuit du 9 novembre, en informant les organismes de répression. Ces derniers lancent les hostilités et le peuple se joint à ce déchaînement de violence. Prémisse de la Shoah, cette nuit cause la mort de près de 2500 personnes, la déportation de 70 000 autres, le saccage de 7 500 commerces tenus par des Juifs et l’incendie de 277 synagogues à travers le pays.  L’autre moment clé de son histoire intervient bien plus tard, après la débâcle de Stalingrad le 2 février 1943. Deux semaines plus tard, le 18 février, Goebbels prononce son discours le plus célèbre dans le palais du Sport de Berlin. Conscient que l’Allemagne perd du terrain aussi bien à l’Est qu’à l’Ouest, il se prononce et fait approuver par 15 000 délégués la guerre totale, c’est-à-dire la mutation de tous les pans de la société vers la guerre, de l’industrie à l’agriculture. La séquence est une alternance d’images d’archives de l’époque et de scènes tournées où le ministre répète son texte devant le miroir. Dans ce discours, il évoque les thèmes classiques de la communication martiale, à savoir la patrie en danger, la force cachée du peuple ou pour le Reich, la menace juive qui toque à la porte. Une phrase restera célèbre, la dernière : “Et maintenant peuple, lève-toi, et toi, tempête, déchaîne-toi”. Cet engagement et ce discours lui vaudront, l’année suivante, d’être nommé plénipotentiaire du Reich par un décret signé par Adolf Hitler.  Réflexion sur la communication de nos jours Si, bien sûr, le journalisme n’est pas encore complètement de la propagande, force est de constater que certains médias reprennent quelques codes de cette façon si… particulière de communiquer. Prendre un fait divers pour le généraliser et le politiser, c’est aujourd’hui monnaie courante. Il n’y a qu’à prendre l’exemple de cette attaque au couteau à Mulhouse le samedi 22 février. Immédiatement après le tragique événement, l’affaire est reprise à droite à gauche, on rappelle les actes de l’année 2023, son allégeance supposée à l’islamisme politique, mais on oublie bien vite le profil schizophrène du personnage et l’absence de suivi psychiatrique de l’assaillant qui était simplement assigné à résidence. Le locataire de Beauvau a préféré mettre en cause l’Algérie, les accords de 1968 et “l’immigration de masse” causée par ces accords, un fait facilement contré par le fait que la part des Algériens dans l’immigration en France est de 12,7%. Par comparaison, celle des Marocains, qui ne disposent pas d’un tel accord, est de 11,7% selon Hocine Zeghbib dans une tribune pour Le Monde. Voilà un artefact de propagande, c’est une politique de l’opinion, du sentiment qui dirige désormais l’Intérieur et le Premier ministre, on se souvient des propos, démentis depuis, de François Bayrou au micro de LCI sur la “submersion migratoire”. Ce thème, récurrent dans les discussions publiques et politiques, est certainement l’un de ceux qui polarise le plus ; il met en lumière la complicité tacite et inquiétante entre un gouvernement macroniste de droite et l’extrême-droite.  

Culture

Henri Rivière : un photographe exposé à Orsay

Depuis le 29 octobre dernier et jusqu’au 2 mars prochain, le musée d’Orsay propose une plongée inédite dans l’univers photographique d’Henri Rivière à travers l’exposition « Henri Rivière : L’homme à la caméra ». Une rétrospective qui met en lumière une facette de cet artiste aux multiples talents. Né en 1864 à Paris, Henri Rivière est un artiste très polyvalent : dessinateur, illustrateur, peintre-graveur, décorateur de théâtre et collectionneur d’art extrême-oriental. Il s’intéresse aux innovations tant techniques qu’esthétiques dans le domaine de l’image. Il expérimente et perfectionne le théâtre d’ombres au cabaret du Chat Noir à Paris, réinvente la gravure sur bois polychrome, diffuse largement ses séries d’estampes et pratique en amateur la photographie avec un regard pionnier d’une grande audace. La naissance d’une fascination Parmi ses nombreuses passions, la photographie occupe une place particulière. Dès 1887, il s’approprie cette technique émergente pour capturer des scènes de la vie quotidienne, des paysages bretons et des moments intimes, notamment des portraits de sa compagne Eugénie. L’exposition « Henri Rivière : L’homme à la caméra » s’articule autour de cette passion photographique. À seulement 23 ans, Rivière s’intéresse à la photographie, d’abord pour photographier sa femme, Eugénie, à travers des cyanotypes, un procédé photographique monochrome offrant des clichés couleur cyan. Accompagné d’une chambre à main, facilitant le développement de ses clichés, il témoigne de la vie au tournant du XXe siècle. Photographiant beaucoup Paris, il n’hésite pas non plus à aller en Bretagne, dans sa maison, à Loguivy. Mais ce qui a beaucoup intéressé Rivière, c’est la tour Eiffel. Dès l’automne 1887, il réalise plusieurs xylographies (Moyen de reproduction d’une image)du chantier. Mais c’est en mars 1889 qu’il réalise son reportage le plus mémorable, peu avant la fin du chantier. Faisant fi du danger, il grimpe sur la tour pour saisir l’aspect grandiose du monument, qui fait alors beaucoup parler. Cette fascination pour le monument le motive a publié, en 1902, Trente-six vues de la tour Eiffel, une série de lithographies, directement influencée des œuvres d’Hokusai. L’une de ses photos les plus impressionnantes, peintre sur une corde à noeud dans la tour Eiffel, est particulièrement représentative de la passion qu’avait Rivière pour le monument, alors en plein chantier. Un ouvrier, photographié en contre-plongée, est suspendu à la tour. En plein travail, suspendu à sa corde à nœud, sans harnais ni aucune sécurité, c’est une tension presque dramatique. Henri Rivière présente autant sa fascination pour la tour que les conditions de travail difficiles des employés. Alors en pleine révolution industrielle, le paysage comme la société se transforme. Une évolution qui se fait ressentir dans cette photographie. Par cette photo, l’artiste devient journaliste, et son œuvre a une portée documentaire, en plus d’être esthétique. Le cliché traverse le temps pour nous faire réfléchir sur le progrès, et sur la place toujours grandissante qu’on lui donne. L’exposition offre une occasion unique de découvrir ces photographies, témoins d’une époque en pleine mutation, au croisement entre deux siècles. Le musée d’Orsay propose également des visites guidées et des ateliers pour approfondir la compréhension de l’œuvre de Rivière. Ne manquez pas cette immersion dans l’univers d’Henri Rivière, un artiste qui a su allier tradition et modernité, et dont le regard photographique offre une perspective unique sur la France de la fin du XIXe siècle.

Culture

Counter Strike : Historique, Katowice dans la poche de Vitality

3-0. Un score de rêve pour une finale encore plus belle contre la meilleure équipe du monde de Counter Strike 2, la Team Spirit. Il aura fallu attendre 11 ans pour le capitaine de l’équipe, Apex. 11 ans de disette avec une édition 2024 catastrophique, Vitality ayant été éliminé après seulement deux matchs de qualification. 11 ans pendant lesquels l’équipe tricolore n’a jamais gagné de matchs sur la scène des play-offs. Et c’est en 2025 que les Français se sont réveillés avec un scénario de rêve : retour sur ce parcours. Un matchmaking onirique La compétition a commencé le 1er février pour Vitality, et hasard du calendrier, l’équipe tombe contre la seule autre équipe française du tournoi, 3DMAX. Sur le papier, l’abeille est grande favorite, 3DMAX étant toute nouvelle sur la scène. Pourtant la première carte, Inferno, se révèle plus complexe que prévu. Vita gagne mais après 35 rounds sur un score de 19-16. La deuxième, Nuke, la map favorite de Vitality, se passe un peu mieux et les vétérans remportent la victoire sur un score – serré tout de même – de 13-9. Le match suivant s’annonce plus difficile. Vitality doit se frotter à Faze Clan, vainqueur de 2022. Et le match a été à la hauteur des enjeux, les trois cartes ont été jouées et Vitality s’est imposé 2-1 après un 1er round maîtrisé (13-3) et un dernier arraché dans la douleur (19-16). À ce moment-là, les jeux sont faits, Vitality a remporté sa qualification pour les play-offs. Ils jouent un dernier match, celui-ci avec pour seul enjeu une qualification directe pour les demi-finales. Ce sera chose faite contre VirtusPro, un bonne équipe mais qui reste jouable. L’équipe française remporte sa rencontre 2-0 et part en demi. Des play-offs de folie Au début des demi-finales, l’histoire est déjà faite, Vitality n’a jamais été aussi loin. Ils tombent sur une belle équipe prometteuse mais qui reste le meilleur tirage à ce stade de la compétition, The Mongols. Les deux cartes choisies sont Mirage et Nuke, les choix respectifs de The Mongols et Vitality. Le dernier match en BO3 est là aussi maîtrisé, il se termine sur un beau 2-0, 13-7 et 13-9, avec quelques jolies actions du joueur mongol 910 (c’est son pseudo). L’autre demi-finale se joue juste après, elle oppose NAVI aux Russes de la Team Spirit. Le match est serré, mais Spirit se qualifie en final sur un 2-0 avec un Donk de feu, qui s’illustre sur chacun de ses matchs et sort avec la meilleure moyenne du tournoi, 1.70 sur deux.  Tous les pronostics affichent une victoire de Spirit, la seule question étant de savoir si cela va se finir sur un 3-0 ou si la finale sera plus disputée. La grande finale se joue en BO5, les cartes choisies sont Dust 2, Nuke, Mirage, Train et Anubis. D2 est la première carte jouée, c’est le pick de Spirit. Ils n’ont perdu aucun de leurs dix derniers matchs sur la carte. Et pourtant, l’équipe menée par Apex créée l’exploit et remporte la première manche 13-6, Spirit n’a pas réussi à s’exprimer. La deuxième manche se joue sur Nuke et comme la manche précédente, Vitality bloque les remontées de leurs adversaires et s’impose 13-5. La dernière manche se lance et Vita fait un bon match côté CT (anti-terroriste) en prenant l’avantage (8-4). Vitality prend trois nouveaux rounds et assiste à un gros comeback de Spirit qui revient à égalité. Finalement Vitality réussit à créer l’exploit en prenant les deux dernières manches avec un ropz des grands soirs et un Zywoo qui affirme ses prétentions de meilleur joueur du monde et repart avec le titre de MVP.  La prochaine échéance pour Vitality se situe à Stockholm pour l’ESL Pro League, le 3 mars prochain.

Culture

50e ode au cinéma français 

Ce mercredi dernier sont tombées les 111 nominations pour la cinquantième édition des Césars pour récompenser et en quelque sorte clôturer l’exercice 2024, une année prolifique pour les productions made in France. On pouvait s’y attendre. Les grosses productions de 2024 font une razzia, trois films dépassent les 10 nominations. On y trouve Le Comte de Monte Cristo, L’Amour ouf et Emilia Pérez avec respectivement 14, 13 et 12 nominations pour le dernier. Ils sont dans presque toutes les catégories principales, individuelles ou globales sauf quelques exceptions, notamment pour l’adaptation du roman d’Alexandre Dumas qui ne figure pas dans les révélations masculines et féminines de l’année. L’on aurait pu s’attendre à une plus grande reconnaissance du film d’Artus étant donné le retentissement que le long-métrage a eu. Aussi L’Amour ouf, qui affiche un nombre conséquent de nominations, ne figure pas dans la liste des meilleurs films. Il est éclipsé par Emilia Pérez (Jacques Audiard), Le Comte de Monte Cristo (Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière), En fanfare (Emmanuel Courcol), L’Histoire de Souleymane (Boris Lojkine) et Miséricorde (Alain Guiraudie). En dehors de cela, le trio de tête s’est fait sa place dans presque chacune des récompenses techniques (décors, son, musique, etc.). Une concurrence rude D’autres productions tout aussi intéressantes sont nommées, notamment La plus précieuses des marchandises de Michel Hazanavicius qui se place dans les meilleures adaptations et les les meilleurs films d’animations ; La Belle de Gaza (Yolande Zauberman), un film documentaire qui, par le prétexte de la recherche d’une jeune fille ayant fui la bande de Gaza à cause de sa transidentité, présente la communauté queer israélienne à travers plusieurs portraits poignants. On trouve aussi beaucoup de nouveautés dans les meilleurs scénarios originaux comme Borgo de Stéphane Demoustier. Ce film nous conte l’histoire d’une surveillante pénitentiaire déménageant en Corse et se faisant embarquer dans les combines d’un détenu libéré qui l’avait placé sous sa protection à son arrivée. Vingt Dieux fait aussi partie des nominés. Totone est un jeune homme de 18 ans. Habitué des bars et des bals, il doit pourtant trouver un moyen de se faire de l’argent pour s’occuper de sa petite sœur de 7 ans. C’est alors qu’il se met en tête de fabriquer le meilleur comté de la région pour gagner le prix et l’enveloppe de 30 000€ qui va avec. Nous aurions pu parler plus en longueur de L’Histoire de Souleymane, qui est resté près de 15 semaines dans nos salles pour nous exposer l’histoire de Souleymane, travailleur illégal pour une plateforme de livraison de repas qui, parallèlement à ce travail, doit se procurer les documents nécessaire pour sa demande d’asile, un parcours du combattant sachant que ce dernier fait face aux impératifs temporels que sont les bus qui le ramènent vers son logement. Le film permet de mettre un visage sur toute une partie de la société parisienne qui jusque-là n’était pas représentée. Le film dirige les yeux du spectateur vers cette injustice qu’est l’exploitation des immigrés mais aussi vers la profonde humanité de Souleymane. Il est nommé dans 8 catégories différentes, huit chances donc de tirer son épingle du jeu parmi une concurrence féroce. Il serait difficile et indigeste de mentionner toutes les autres nominations, c’est pourquoi l’article se termine maintenant sur une date : les lauréats seront désignés le 28 février prochain, très certainement sur les planches de l’Olympia.

Culture, Politique

« Personne n’y comprend rien », quelques clés pour comprendre

Le 6 janvier, un documentaire est sorti dans nos salles. Réalisé en collaboration avec Mediapart, Personne n’y comprend rien vient mettre la lumière sur l’affaire Sarkozy-Kadhafi, un formidable imbroglio politique et l’un, si ce n’est le plus gros scandale de notre république. Le film prend ses racines dans une longue enquête menée par Mediapart et ses journalistes Fabrice Arfi et Karl Laske. L’investigation aura duré 14 ans, entre 2011 et 2025. Le film sort deux jours avant le début du procès de l’ancien président de la République pour cette affaire. De quoi est accusé Nicolas Sarkozy ?  Pour bien commencer, il faut remonter en 2005. À cette époque, Nicolas Sarkozy est ministre de l’Intérieur sous le deuxième mandat de Jacques Chirac. À la tête de son cabinet se trouve Claude Guéant. Les ambitions politiques de Sarkozy se font déjà sentir, nous ne sommes qu’à 2 ans des élections de 2007. C’est lors de cette année que les premiers contacts sont faits entre les proches de Sarkozy et les hauts dignitaires du régime libyen au moyen de visites pour la plupart tenues secrètes. Claude Guéant, directeur du cabinet du ministre de l’Intérieur, et Brice Hortefeux, ministre délégué de l’Aménagement des territoires, s’y rendent. Là-bas, ils discuteront d’une transaction particulière. En échange du financement de la campagne de Nicolas Sarkozy, le ministre doit s’arranger pour faire sauter le mandat d’arrêt international émis à l’encontre d’Abdallah Senoussi, beau-frère de Kadhafi et responsable de l’attentat contre l’avion DC-10 d’UTA ayant causé la mort de tous les passagers dont 54 français. C’est pour cela que l’avocat du ministre, Thierry Herzog, a aussi visité la Libye plusieurs fois pour tenter de lui obtenir l’amnistie. Voilà la raison de ce procès, le financement d’une campagne présidentielle par le régime dictatorial libyen en 2007. Qui est impliqué ?  Cette affaire est profonde et complexe et comprend énormément d’éléments et d’acteurs. Voici les principaux :  Qu’est-ce qui pousse Kadhafi et Sarkozy à s’empêtrer dans un tel bourbier ? Les raisons de cette affaire sont purement diplomatiques. Il faut se dire qu’à la fin des années 90, Kadhafi est à la tête d’un régime banni du concert des nations à cause de l’attentat de Lockerbie commandité par son beau-frère Abdallah Senoussi, responsable des services secrets libyens. La France l’a d’ailleurs condamné à la réclusion criminelle à perpétuité par contumace en 1999 pour un autre attentat ayant causé la mort de 54 français. Kadhafi a donc deux objectifs : faire sauter le mandat d’arrêt à l’encontre de Senoussi et réintégrer le concert des nations. La France, pays des droits de l’homme, est une magnifique porte de sortie pour le régime. Il y aurait eu aussi d’autres justifications, notamment des contrats d’exploitation pétrolière avec Total, des engagements sur le nucléaire civil et du matériel de surveillance. Il finit par obtenir son retour dans la communauté internationale grâce à sa promesse de désarmement nucléaire et son soutien à la guerre contre le terrorisme menée par les États-Unis. Il parvient aussi à être reçu dans la capitale française par le nouveau président Nicolas Sarkozy le 10 décembre 2007. Le président tenait en effet à remercier son bienfaiteur pour le financement de sa campagne présidentielle, elle aurait officiellement coûté 20 millions d’euros. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Après les premières rencontres de 2005 et le premier versement de 440 000 euros à travers une société du nom de Rossfield Limited, appartenant à Z. Takieddine, et un compte secret appartenant à Thierry Gaubert, ami historique du locataire de la place Beauvau, une note secrète est rédigée et signée le 10 décembre 2006 par Moussa Koussa, l’ancien chef des services secrets libyen. Cette note fait état d’une promesse de financement de la campagne de Nicolas Sarkozy à hauteur de 50 millions d’euros. On ne sait si cette promesse a été tenue, le fait est que la note est bel et bien officielle, elle a été authentifiée et montrée comme telle devant la Justice qui n’a pas pu prouver qu’elle était fausse comme le clamait N. Sarkozy. Le 6 mai 2007, Sarkozy accède à la plus haute fonction de l’État et s’empresse de remercier le dictateur en lui accordant sa première visite officielle. Il le reçoit en grande pompe six mois plus tard pour le réhabiliter, le tout au mépris des familles des victimes du DC-10 UTA, un attentat commandité par le beau-frère de Kadhafi pour rappel. Pour faire amende honorable, il reçoit les familles à l’Élysée. Vient en 2008 le fameux achat d’appartement par Claude Guéant avec l’argent libyen. Après cela 3 ans passent. Les relations se dégradent petit à petit, le fils de Mouammar Kadhafi commence à se faire entendre et à déclarer que de l’argent libyen a été injecté dans la campagne du président. Sarkozy commence à se faire de plus en plus véhément et va jusqu’à présenter à l’ONU une résolution pour intervenir militairement en Libye pour anticiper un massacre à Benghazi contre le peuple en révolte. C’est ainsi qu’une guerre est déclenchée le 19 mars 2011 contre le régime libyen. Pendant ce temps, Mediapart sort le premier article d’une longue série sur les soupçons de financement le 28 juillet 2011. Le 20 octobre de la même année, Mouammar Kadhafi est retrouvé et capturé par le peuple en colère. Il est tué et le peuple est enfin libre. Depuis 2 mois le pays est passé sous le contrôle du Conseil Nationale de Transition (CNT), les avions français en ont profité pour détruire les résidences de Kadhafi et certains de ses proches, pour effacer certaines preuves. Seulement, le 29 avril 2012, un nouveau rebondissement fait sursauter le président alors qu’il est en pleine période d’élections et qu’il est en lice pour un second mandat. En plus de perdre, un carnet est retrouvé sur le corps de Choukri Ghanem, ancien ministre du pétrole sous Kadhafi retrouvé mort flottant sur le Danube. Ce journal intime porte les traces des versements libyen en direction du cabinet de N. Sarkozy. Quelques jours plus tard, Alexandre Djouhri, l’autre intermédiaire

Culture

Stream for Humanity, quand Twitch vient en aide à Médecins sans frontières

3 jours. C’est le temps qu’il aura fallu aux 26 streamers réunis à Paris lors de Stream for Humanity pour lever plus de 3 millions d’euros pour soutenir les actions de Médecins sans frontières au Soudan, en Palestine, au Liban et en République démocratique de Congo. Retour sur cet élan de générosité autour de Stream for Humanity. On se sent toujours un peu étrange lorsque l’on participe à un événement caritatif depuis son lit. Partagé entre la joie, la fierté de voir ceux que l’on suit se donner et donner pour des causes importantes et bien souvent trop secondaires aux yeux des institutions, et la tristesse de se dire que c’est fini et que l’on a forcément loupé quelque chose, qu’on aurait voulu y être pour s’imprégner de l’ambiance, être actif, donner de sa sueur pour cautériser des plaies à plusieurs centaines, milliers de kilomètres d’ici. D’autant plus que l’événement n’avait pas le calendrier de son côté, les fêtes de fin d’année ayant organisé les pillages des portefeuilles quelques semaines auparavant.  Autre chose de tout à fait remarquable et particulière dans ce genre de combat, c’est cet esprit de « compétition » saine, existant entre tous les participants. Qui va réussir à mobiliser le plus de gens, qui va donner plus, qui va participer à quoi ? Et tout un tas d’autres questions qui apportent une perspective singulière, presque hors de temps, de l’actualité, une bulle où plus de 500 000 personnes se sont enfermées avec plaisir et générosité.  Un événement haut en couleur Pourtant Amine, Billy et la vingtaine de streamers qui les ont accompagnés ont réussi à rendre ce moment magique, à la manière d’un ZEvent. Sur les trois jours qu’ont duré l’événement, du 17 au 19 janvier, les influenceurs ont récolté 3 488 615 d’euros pour Médecins sans frontières et quatre des pays dans lesquels ils interviennent à savoir la Palestine, le Liban, la République Démocratique du Congo et le Soudan. Parsemé d’activités, le pub Gallia du Stade français a pu accueillir du mini-kart, des jeux de fête foraine, un Rap Contenders, une chasse au trésor, un karaoké, des DJ set ou encore du stand-up joué par Amine mais écrit par le reste de la salle.  Le tout s’est conclu sur un match de foot entre les personnalités sous les capitanats d’Amine et d’Inoxtag, un match dont le temps réglementaire s’est fini sur un score de 5 partout, entrecoupé de performances musicales de Doigby et Kameto et ponctué par une belle séance de tirs au but ou Adil Rami a montré ses talent de buteur quand JL Tomy, lui, s’est révélé être un portier formidable. 

Culture

Le romantisme ou le coeur mis à nu

Le XIXe siècle est, définitivement, une période de l’histoire que l’on pourrait qualifier de chargée. Six régimes politiques différents, le Printemps des peuples mais surtout une envolée artistique et culturelle majeure. Et parmi tous ces battements, un s’est montré plus sanguin, plus vigoureux : le romantisme. En décembre 2024, Arte sort L’Armée des Romantiques, un documentaire entièrement animé à la manière d’un tableau vivant. Il retrace l’arrivée, l’explosion et l’évanouissement du romantisme (entre 1827 et 1874) à travers les Grands que sont Victor Hugo, Alexandre Dumas, Eugène Delacroix ou encore Hector Berlioz (pour ne citer qu’eux). Un bon prétexte pour revenir sur des volontés artistiques devenues historiques. Place à la nouveauté Par rapport au mouvement romantique allemand ou britannique, le français est arrivé beaucoup plus tardivement dans l’Hexagone, notamment parce que le pays tenait l’histoire politique et sociale européenne dans ses mains. Il finit tout de même par arriver et s’illustre par la rupture violente, brutale que les artistes souhaitent avec les préceptes classiques de ce début de siècle. L’œuvre théâtrale du jeune Victor Hugo illustre à merveille cette fracture. Hernani, manifeste esthétique, défend une révolution de l’art dramatique s’affranchissant des carcans tragiques classiques en passant les unités de temps et de lieu au second plan et rejetant l’alexandrin, préférant un vers libre. Deux années avant la bataille d’Hernani, un jeune peintre expose son tableau au salon de 1827-1828. Eugène Delacroix se tient, fier, devant La mort de Sardanapale. Sûr de lui, il attend le retour des critiques. “Le Sardanapale est une erreur de peintre” affirme Etienne-Jean Delécluze dans le Journal des débats. Coup de tonnerre pour Delacroix, la critique s’abat sur lui et ses proches ne le défendent presque pas. Face à lui, L’Apothéose d’Homère, de son désormais rival Jean-Auguste-Dominique Ingres, récolte tous les éloges. Le dessin et l’effacement de l’artiste derrière son œuvre contre la couleur et l’expression de la touche individuelle de l’homme. Sans le savoir, Delacroix vient de marquer l’art, de créer un précédent, de formuler un acte de naissance, le romantisme pictural est né. Au milieu, sur un grand lit, Sardanapale, roi légendaire de Ninive en Assyrie. Vêtu de son bel habit blanc, il est affalé sur sa couche rouge pendant que le chaos règne autour. À ses pieds, une femme, à moitié nue, complètement morte ; un peu plus loin, un serpent vert rampe sur la couverture. Autour, la garde du roi massacre sans autre forme de procès femmes et animaux. Le tout est peint dans des couleurs chaudes, rouge, jaune, orange ; le spectateur prend une vague de chaleur pendant que les corps refroidissent. Voilà comment naît le romantisme, dans le sang, l’action et le soleil ardent des plaines assyriennes. Retour en 1830. Hector Berlioz assiste à la représentation de Roméo et Juliette et s’éprend de l’actrice irlandaise Harriet Smithson. Il envoie des lettres mais ne reçoit aucune réponse. C’est alors qu’il se met à composer, il met son cœur dans chacune des notes qui sortent et finit par mettre en musique la Symphonie fantastique. Il révolutionne le genre par le biais de la symphonie à programme, c’est-à-dire une symphonie qui annonce en quelque sorte sa narration par des titres évocateurs : Rêveries – Passions, Un bal, Scène aux champs, Marche au supplice et Songe d’une nuit de Sabbat pour l’œuvre de Berlioz. Chaque mouvement figure un paysage, peint une pleine, un soleil, un nuage dans l’imaginaire de l’auditeur.  Art et politique  La particularité de cette passion, c’est qu’elle est très ancrée dans son temps, dans l’histoire sociale et politique du XIXe siècle. Le mouvement naît pendant la Restauration de Charles X et s’exprime, dans toute sa puissance, à l’avènement de la monarchie de Juillet (1830) et à la résurrection de la République (1848). Notamment parce que Victor Hugo siège au gouvernement de Louis-Philippe Ier (1830-1848) et manifeste ses préférences politiques dans certains de ses écrits avant de passer républicain à partir de 1848. Évidemment, Hugo ressort tout particulièrement pour ce qui est de la politique. Il est un enragé qui n’hésite pas à exprimer sa pensée politique dans ses textes. Claude Gueux contre la peine de mort, le Discours contre la misère et bien sûr sa croisade contre Napoléon III dans son pamphlet Napoléon le Petit et son recueil de poèmes Les Châtiments. D’un autre côté, il y a Alphonse de Lamartine, célèbre poète de son temps, qui proclame la IIe République en février 1848 et qui instaure le suffrage universel (masculin uniquement certes) et abolit l’esclavage.  Enfin, comment ne pas parler de la politique en art sans mentionner La Liberté guidant le peuple de Delacroix. L’allégorie de la Liberté brandissant le tricolore en plein milieu de la toile, entourée de combattants de toutes les classes, un bourgeois à gauche habillé de son costume noir et coiffé d’un haut-de-forme tenant un fusil, un jeune garçon coiffé d’un béret et portant une giberne (sacoche) ramassée sur un soldat et équipé de deux pistolets. Au sol, des cadavres de soldats et de révolutionnaires devant les débris d’une barricade. Au fond à droite, Notre-Dame de Paris derrière des volutes de fumée blanche et sur toute la partie gauche du tableau figure les contestataires, sabres au vent, en l’air dans une liesse générale. Réalisé pour célébrer les Trois Glorieuses de 1830 qui ont porté Louis-Philippe sur le trône de France. Eugène Delacroix reçoit pour travail remarquable une décoration et son tableau est acheté par l’État.  Le romantisme poursuit son chemin pendant quelques années encore. D’autres  grands noms s’illustrent, à l’image de Sand, Baudelaire, Balzac, Nervale, Gautier ou Manet, mais le mouvement déliquescent dans les années 1870 s’évanouit dans le paysage artistique. Il aura été l’exacerbation des passions humaines dans un siècle où la société est devenue politique, où les déchirements se sont faits de plus en plus violents, où l’espoir d’un monde meilleur a embrasé les cœurs et les bâtisses, où, comme le dit Musset dans Les confessions d’un enfant du siècle, « s’assit sur un monde en ruine une jeunesse soucieuse ».

Culture

« On veut prêter attention à ceux qu’on ignore », avec Naïlia Harzoune

En 2024, Naïlia Harzoune a marqué les esprits avec deux projets diamétralement opposés : un tournage international pour Sud-Est Babylon et une collaboration intime sur Bonjour Tristesse. De ces expériences, elle tire des leçons de liberté, d’humilité et de collectif. L’actrice affirme son envie de promouvoir un cinéma marginal, libéré des logiques de marché. Rencontre avec une actrice et productrice qui réinvente les codes. Deux projets, deux univers Pour Naïlia Harzoune, 2024 fut une année intense, rythmée par deux expériences artistiques contrastées. Sud-Est Babylon, une série tournée sur cinq mois, dont un mois en Thaïlande et à Singapour, représente une véritable aventure collective. « Ce que j’ai retenu de cette expérience, c’est l’importance du collectif. Du chef-opérateur aux régisseurs, tout le monde a travaillé ensemble sur ce projet. La série ne serait pas née sans cet esprit d’équipe », confie-t-elle. À l’opposé, Bonjour Tristesse offrait une approche plus intime et horizontale. « C’était une collaboration fondée sur l’amour et le partage. C’est assez rare dans ce métier. Contrairement aux réalisateurs plus « control freak », ici, la hiérarchie était plus horizontale. Cela a été une vraie bouffée d’air frais », explique-t-elle. Ces expériences, bien que radicalement différentes, lui ont permis de réaffirmer ses valeurs dans son métier. Un cinéma marginal, mais essentiel Co-fondatrice de la société de production Vivement la Nuit avec Marguerite Thiam, Naïlia Harzoune nourrit des ambitions audacieuses : redonner une place au cinéma marginal. « On veut s’intéresser à des projets qui ne semblent pas populaires de prime abord, mais qui méritent d’être vus. C’est comme cet adage « On ne prête qu’aux riches », mais nous, on veut prêter attention à ceux qu’on ignore », affirme-t-elle avec conviction. Elle évoque des inspirations comme Cassavetes ou les premiers films d’Almodóvar, marqués par une production indépendante et une approche artistique sans concession. « Ce qui rend ce travail fort, c’est que ces réalisateurs créaient ce qu’ils aimaient, sans se soucier des tendances. J’aimerais qu’on retrouve cette approche, partir d’une pure envie, même au risque d’échouer », déclare-t-elle. Humilité et prise de risque Pour Naïlia Harzoune, l’avenir du cinéma passe aussi par une éthique renouvelée. Les témoignages post-#MeToo révèlent des abus sur les plateaux de tournage et incitent à repenser les méthodes de travail. « En tant que spectatrice, je n’ai plus envie de voir des personnes condamnées au cinéma. Ce que j’aspire à voir, ce sont des prises de risques, des films portés par l’humilité, où le réalisateur se met en retrait derrière son sujet. C’est ce que j’ai aimé chez Cassavetes ou Justine Triet », confie-t-elle.L’un des projets qui lui tient à coeur est Chemcha, un film centré sur la relation d’un frère et d’une sœur confrontés à la perte de leur mère. « Ce film m’a attiré parce qu’il est marginal, difficile à produire, très écrit et centré sur le jeu des acteurs. J’aime que mon cerveau soit actif devant un film. C’est une histoire sur la résilience face au drame, un thème universel », explique-t-elle. Regard vers 2025 Avec deux films prévus pour l’année 2025, dont un projet avec David Dufresne qui explore l’univers des influenceurs, Naïlia Harzoune reste fidèle à sa volonté de bousculer les codes. Si elle reste discrète sur ses projets à venir, elle laisse entrevoir un avenir riche en créativité et en engagement. Naïlia Harzoune incarne une génération d’artistes qui rêvent d’un cinéma audacieux, libéré des pressions commerciales et tourné vers l’essentiel : l’humain.

Culture

Retour vers le futur : pourquoi les années 2000 font encore vibrer les jeunes ?

Les années 2000 sont de retour, et pas seulement sur TikTok. Entre musique, mode et cinéma, cette décennie ressuscite comme une bouée de sauvetage. Mais au-delà d’un effet de mode, se cache un malaise générationnel plus profond…  Ah, les années 2000. Britney Spears, les Black Eyed Peas, Missy Elliott, et les premières playlists sur LimeWire. Une époque où tout semblait possible, encore. Mais voilà, vingt ans plus tard, on est face à un monde un peu plus chaotique, entre crises économiques, tensions géopolitiques et catastrophes climatiques. Les jeunes générations semblent se tourner vers le passé pour trouver un peu de réconfort. Et la musique des années 2000, omniprésente sur TikTok et dans les clubs, fait office de bande-son pour une époque où l’insouciance semblait reine. Mais, est-ce vraiment juste une mode passagère ou y a-t-il un malaise sous-jacent qui pousse à revisiter ce passé récent ? La simplicité du début du millénaire : une époque d’insouciance avant la tempête Les années 2000, c’était l’ère des disques à l’hôpital, des MP3 téléchargés illégalement et des premiers SMS envoyés avec des T9. Une époque où les préoccupations mondiales semblaient loin, presque irréelles. On écoutait Avril Lavigne à fond sur notre Nokia, ou bien on se déhanchait sur les derniers tubes de Beyoncé. L’atmosphère ? Un mélange d’optimisme, de découvertes technologiques et d’expérimentations stylistiques. Et puis… 2008. La crise économique éclate, suivie des bouleversements climatiques, de la montée des populismes et d’une pandémie mondiale. Il n’a pas fallu longtemps pour que cette époque d’espoir se transforme en une ère de désenchantement. C’est là que la nostalgie entre en scène. Revenir aux années 2000, c’est comme un retour à un moment où tout semblait plus simple, même si, en réalité, les jeunes de l’époque étaient eux aussi pris dans une tourmente silencieuse. La musique de ces années-là, avec ses rythmes endiablés et ses paroles souvent légères, offre une échappatoire bienvenue aux jeunes d’aujourd’hui, qui naviguent dans un monde plus compliqué. Alors, pourquoi les jeunes d’aujourd’hui, souvent nés après cette période, se retrouvent-ils à chanter les paroles de Toxic ou à s’ambiancer sur du Daft Punk ? Parce que la musique de cette époque, même avec ses aspects parfois kitsch, a le pouvoir unique de provoquer des souvenirs d’une époque où les choses semblaient moins complexes. Mais au-delà de la nostalgie, la musique des années 2000 offre aussi une forme d’ancrage dans un monde devenu anxiogène. Des sonorités simples, accompagnées d’un style visuel authentique, loin des productions excessivement travaillées et ultra-polies d’aujourd’hui. Une manière de se reconnecter à l’époque où les choses étaient encore plus directes, sans filtres. C’est ce mélange d’insouciance et de puissance émotionnelle qui explique pourquoi ces morceaux sont aussi populaires. Les jeunes d’aujourd’hui, avec leur angoisse de l’avenir, cherchent dans la musique des années 2000 un espace de légèreté. Que ce soit pour danser sur des beats électro-pop ou se retrouver dans des lyrics simples mais pleines de sens, ces chansons sont des sortes de refuges. Revival, symptôme de crise ou les deux à la fois ? Le concept de revival n’est pas nouveau. Les décennies se suivent et se ressemblent : les années 80 ont fasciné les années 2000, les années 60 avaient leur moment de gloire dans les années 80. C’est un cycle qui se répète sans fin. Pourtant, le retour en force des années 2000 aujourd’hui s’accompagne d’une particularité : celui-ci semble davantage s’enraciner dans une époque d’incertitude que dans un simple désir esthétique. Y2K et mode : quand les codes d’hier deviennent les armes de demain Côté mode, ce revival des années 2000, c’est l’avènement du Y2K. Casquettes trucker, jeans taille basse, t-shirts Ed Hardy : autant de pièces devenues iconiques, aujourd’hui remises au goût du jour. Et là encore, la génération Z joue un rôle clé. Sur TikTok, Instagram et Depop, ces jeunes adultes revisitent et réinventent les tendances d’antan, tout en y ajoutant leur propre twist. Ce n’est pas juste une mode qui fait son retour, c’est une manière pour eux de se reconnecter à une époque de liberté d’expression, où les codes étaient moins figés et où l’extravagance était encore autorisée. Mais au-delà du style, il y a une véritable revendication. Les jeunes ne se contentent pas de recycler des looks : ils les réintègrent dans une démarche plus consciente, notamment avec le boom du vintage. Acheter d’occasion devient une manière de consommer différemment, d’adopter une attitude plus responsable face à la fast-fashion et à la surconsommation. Le #Y2K devient alors une manière de revendiquer son identité tout en développant une certaine éthique. 

Culture

Game Awards 2024 : un anniversaire bien modeste

Cette nuit Geoff Keighley a présenté sur Twitch et Youtube la dixième édition des Game Awards pour récompenser les meilleures productions de l’année et montrer quelques trailers. Malgré quelques invités surprenants, la cérémonie n’a pas transcendé les spectateurs, en voici les raisons. La cérémonie a pourtant commencé sur les chapeaux de roues avec la révélation des premières images de The Witcher 4 de CD Projekt Red. On y voit une scène cinématique en plan séquence nous présentant un monde toujours aussi hostile aux sorceleurs mais en proie aux monstres et autres atrocités dont regorge le monde fantaisiste de la saga. Autre bonne surprise, le jeu semble désigner Ciri, la fille adoptive du légendaire Géralt de Riv, comme le personnage jouable de cet opus avec un gameplay qui devrait être différent puisqu’elle n’est pas sorceleuse. La bande-annonce n’a pas montré de gameplay donc tout est encore à découvrir, mais le projet semble bien avancé. Avec cela on compte d’autres annonces intéressantes comme Onimusha (2026), Dying Light : The Beast (été 2025), Mafia : The Old Country (été 2025) et pour finir en grande pompe : une nouvelle franchise de Naughty Dog, créateurs de Crash Bandicoot, Uncharted et The Last of Us, qui prend le titre sobre de Intergalactic : The Heretic Prophet, qui est une très belle surprise.  Mais l’ambiance va assez vite retomber, les annonces vont se succéder sans pour autant être incroyables, certaines se permettent même de prendre beaucoup de place, je pense notamment aux trailers des jeux Hoyoverse (Genshin Impact et consort) qui étaient plus longs que d’autres encarts (c.f. The Witcher 4). Le show était aussi truffé de publicités aussi répétitives que celles proposées par les algorithmes de Youtube (AMD Ryzen, Xbox, etc.) et plusieurs des interventions des invités étaient soit trop longues, soit inintéressantes, parfois à la limite de l’insupportable.  Remise de prix  Mais qu’en est-il du cœur de l’événement, ce qui lui donne son nom, les récompenses ? Eh bien là non plus pas énormément de surprises mais pas de déception non plus (ce qui est un avantage si l’on compare à la partie publicitaire). Pour le prix du meilleur jeu d’action, c’est Black Myth Wukong qui a été désigné, on incarne dans ce Souls-like Sun Wukong, le personnage de l’immense œuvre qu’est La Pérégrination vers l’Ouest. Le jeu a connu un grand succès auprès des joueurs avec près de 10 millions de copies vendues grâce à un gamedesign et une jouabilité particulièrement réussis. Pour ce qui est de la meilleure direction, c’est le studio Asobi (Astrobot) qui rafle la mise pour un jeu qui a chamboulé le paysage vidéoludique de 2024.  Helldivers 2 a aussi été récompensé dans la catégorie des meilleurs jeux à services avec Snoop Dogg pour annoncer les vainqueurs. Et la première surprise de cette remise, c’est l’annonce de la meilleure adaptation. Parmi les nommés, on retrouve Arcane bien sûr, Fallout, Like a Dragon, Knuckles et Tomb Raider. Vous vous attendez peut-être à ce qu’Arcane remporte ce trophée. Et vous auriez raison si le monde fonctionnait correctement. Ce n’est nulle autre que Fallout qui remporte le prix. Sans être mauvaise (la série est d’ailleurs plutôt bonne), je ne crois pas que la série dépasse Arcane, tant en termes de qualité que d’approbation populaire. Mais poursuivons. Final Fantasy VII : Rebirth était aussi de la partie, mais ne repart qu’avec le prix de la meilleure bande-son. C’est Astrobot qui sort grand vainqueur de cette cérémonie avec quatre trophées, celui de la meilleure réalisation, meilleur jeu en famille, meilleur jeu d’action/aventure et jeu de l’année 2024. Il succède donc à Baldur’s Gate 3, c’est d’ailleurs le directeur de Larian Studios qui est venu remettre le prix en personne.  Une cérémonie qui aura été assez mitigée et ce malgré les invités, des bonnes et des mauvaises surprises, de grandes annonces et des publicités insupportables, voilà en quelques mots le résumé de cette 10e édition des Game Awards, un bon 12/20 si l’on doit mettre une note.

Culture

« Taedium vitae » ou le dégoût de la vie, À Rebours, Joris-Karl Huysmans

Nous sommes le 4 décembre au moment où ces lignes apparaissent, le gouvernement vient de tomber sous les coups de la motion de censure, la France, elle, pâlit, l’avenir s’écrasant sur son visage. Parfois la littérature se revêt du costume de la réalité, devenant un reflet de l’esprit de son lecteur. Aujourd’hui c’est à rebours que je m’exprime, hors du temps et de la société qui m’entoure. À la manière d’un Jean des Esseintes je me réfugie dans mon appartement certes bien peu décoré mais suffisamment isolé de l’extérieur. Le temps d’une soirée j’écris, presque par déplaisir, casque sur les oreilles, yeux rivés sur mon écran d’ordinateur. Le pays pourrait s’effondrer, il a de toute façon bien entamé son déclin, que je resterais assis sur ma chaise de bois noir, les doigts sur le clavier, les livres dans mon champ de vision. À droite Huysmans, à gauche Wilde, l’un isolé, l’autre perverti.  Faillite La nostalgie… Un sentiment bien étrange quand on y réfléchit deux secondes. “Le regret d’une chose que l’on n’a pas connue” me dit le TLFi. Il est vrai qu’aujourd’hui je repense tout particulièrement à mes cours d’histoire, ceux portant sur le siècle de Vienne. Il fut un temps où la France était le meilleur soliste du concert des nations. Avant-gardiste aussi bien en politique que dans les arts elle servait de référence, les Françaises et les Français se faisaient apôtres des libertés, brandissant fièrement le progrès social comme un glaive. Bien que très romancée, cette période constitue toujours pour moi quelque chose de presque enviable. Maintenant je ne me sens plus en phase avec rien. Les politiques sont les piètres comédiens d’une troupe d’amateurs, les journalistes sont aussi dignes de confiance qu’un arracheur de dents et les milieux culturels sont gangrénés par des individualités aussi méprisables que le pire des larrons. Tableau fort pessimiste j’en conviens mais il est difficile de trouver quelqu’un, de nos jours, qui soit pleinement satisfait de la tournure que prend le monde. Guerres, massacres, faillite politique et banqueroute… les joies les plus simples de la vie sont englouties par une vague d’inquiétude qui se transforme peu à peu en raz-de-marée. Retourner dans le passé ? A quoi bon ! Fuir ? Pour aller où ? Se battre ? Vague illusion piétinée par les bottes d’un CRS. Que nous reste-t-il finalement, alors que la Nature semble reprendre le contrôle des instincts les plus primaires des grands de ce monde. Quoi de plus naturel que la société actuelle ? L’envie pour moteur, l’avarice et la cupidité pour carburants. Le liquide de refroidissement qu’est la Raison semble en rupture de stock. Le concert des nations est orchestré par un maître ivre de pouvoir, l’harmonie rêvée n’est en fait qu’une succession de bruit. L’analogie est en peu forcée je vous l’accorde. Taedium vitae, vous traduirez chez vous Les mots viennent difficilement tant je peine à penser. J’écris à chaud début décembre, je ne veux plus rien entendre jusqu’à demain matin. Le journaliste que je suis m’implore de rester éveillé, à l’écoute des informations les plus fraîches, il a faim de nouveauté. Le rédacteur, lui, ne demande rien de plus que du temps pour lui (temps qu’il est en train de prendre d’ailleurs) et force le journaliste à l’ascèse. Le paragraphe précédent me montre à quel point je suis fatigué de voir mon pays natal se décomposer lentement, les charognards autour n’attendant que le dernier soupir pour se sustenter d’une chair fraîche. Les muscles sont atrophiés, les tendons sectionnés, il ne reste plus que quelques organes exposés sous un soleil de plomb, mutilés par la tumeur attachée au cerveau. Le corps se meurt recouvert par un drapeau troué, traîné dans la boue par une politique brusque, rustre et idéaliste. Voyant cela je crois être prêt à signer pour l’existence d’un monde qui s’étendrait de ma fenêtre à ma porte d’entrée, mon lit au milieu, mes livres et mes jeux autour. Ce que j’écris n’est pas un article c’est encore un billet d’humeur dans lequel je ne fais qu’exprimer un désir bien moindre par rapport à celui des autres. Ce sera peut-être le dernier sous cette forme, je n’ai pas envie de réécrire quelque chose de cet acabit, il n’analyse rien, il ne montre rien, il fait autant de bruit qu’un pétard noyé et dénonce aussi bien qu’un auteur selon des lycéens en manque d’inspiration. Je me rends compte d’ailleurs que je ne suis peut-être pas si “à rebours” que cela finalement.

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« L’affaire Nevenka » ou les prémices de #Metoo en Espagne 

Iciar Bollaìn revient sur l’histoire du premier homme politique condamné pour harcèlement sexuel en Espagne, à travers le récit de sa victime, Nevenka Fernandez. Ils n’étaient déjà plus nombreux dans les salles de cinéma pour la troisième semaine du film biopic réalisé par Iciar Bollaín. Sorti le 6 novembre dernier en France, ce drame espagnol raconte la véritable histoire de Nevenka Fernandez, qui, à 25 ans, est choisie par Ismael Alvarez, maire de la commune de Ponferrada, pour être à la tête du département des finances du conseil municipal. Malgré les mises en garde, elle commence une relation intense mais de courte durée avec son supérieur, qui, incapable d’accepter cette rupture, commence un harcèlement sexuel constant, passé sous silence par le reste des employés de la ville. Après quelques mois à subir cet enfer, Nevenka fuit à Madrid, en arrêt maladie pour dépression, avant de revenir à Ponferrada pour dénoncer les actions d’Ismael Alvarez à la presse et annoncer qu’elle porterait plainte pour harcèlement sexuel. Un an plus tard, il est reconnu coupable et condamné à neuf mois de prison, 6480 € d’amende et 12 000€ d’indemnités à verser à la victime. Nevenka Fernández, malgré sa victoire judiciaire, a été abandonnée par ses collègues, qui ont témoigné en faveur de son agresseur, et peine à trouver un travail en Espagne. Elle s’exile au Royaume-Uni, puis en Irlande, où elle réside toujours.  Un film immersif et des interprétations marquantes Le récit raconté ici par Bollain, toujours porté à travers les yeux de Nevenka, interprété par Mireia Oriol, se veut volontairement non fiable. La ville de Ponferrada est presque exclusivement plongée dans un manichéisme inévitable, à l’exception de la conseillère de l’opposition, Charo Velasco, que l’on rencontre comme adversaire politique redoutable, avant d’être un précieux soutien pour Nevenka. Mireia Oriol incarne à la perfection ce rôle de femme jeune, forte et sûre d’elle, dans un premier temps, avant de sombrer dans une dépression aiguë, en sursaut à chaque appel, et au bord du gouffre où son harceleur l’a précipité. Urko Olazabal, dans ce rôle d’un homme puissant et mauvais, prêt à tout pour parvenir à ses fins, brille tout autant dans un registre radicalement différent. Le jeu de plans, de lumières et de sons, pour faire ressentir cette détresse, fonctionne de pair avec les dialogues : justes.  Un combat individuel qui préfigure un mouvement global Et cette justesse est avant tout portée par le message qu’elle veut faire parvenir à son auditoire : cette histoire vraie s’est déroulée au début des années 2000, à l’heure où la parole des femmes se libérait difficilement. Nevenka Fernandez est la première femme espagnole à avoir obtenu la condamnation d’un homme politique, et ce, malgré des témoignages en sa défaveur, de la part de collègues prêts à mentir. Ses collègues, la ville entière de Ponferrada et la presse, autant d’acteurs qui l’auront peu à peu abandonnée. Quatre ans avant l’apparition du terme « me too » pour qualifier les actes d’agressions sexuelles, physiques et morales et 15 ans avant le désormais tristement célèbre hashtag, la réalisatrice du film souligne d’ailleurs que Nevenka « est ce qu’on appelle une pionnière. #MeToo est un mouvement de solidarité et un cri pour que les femmes se rassemblent, alors que personne ne s’est mobilisé pour Nevenka à l’époque. » En Espagne, comme ailleurs, la situation évolue, mais doucement. Jusqu’en 2022, la charge de la preuve incombait aux victimes. Ce n’est désormais plus le cas, les potentiels agresseurs doivent démontrer qu’ils ont bien reçu le consentement de leurs partenaires. Une loi critiquée, notamment par la droite et l’extrême droite, représentée par le parti Vox, lui-même représenté par Jordan Bardella au Parlement Européen. Mais, l’Espagne a récemment défrayé la chronique en 2023, alors que Luis Rubiales, président de la fédération espagnole de football, a embrassé de force une des joueuses, Jennifer Hermoso, au moment de la remise des médailles : un signe que malgré les avancées, le chemin reste encore long.

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« From Zero » ou le retour triomphal de Linkin Park

20 juillet 2017 : une date anodine au premier abord. Elle marque cependant le décès de Chester Bennington, chanteur du groupe Linkin Park, fondé en 1996. Depuis 7 ans, aucun album n’est sorti et c’est le 15 novembre dernier que le groupe américain fait son retour accompagné d’une nouvelle tête.  On ne peut imaginer la pression qui a dû peser sur les épaules d’Emily Armstrong  au moment de remplacer son prédécesseur dans un groupe qui a laissé une empreinte de géant dans l’industrie musicale. Au même titre qu’AC/DC, Linkin Park a alimenté les passions les plus vives de toute une génération d’adolescents et de jeunes adultes en recherche de réponses à leurs questions. C’est ainsi que 7 ans plus tard un premier single sort sur les plateformes d’écoute, suivi de trois autres les mois d’après. Dans l’ordre, The Emptiness Machine, Heavy Is the Crown, Over Each Other et Two Faced (à deux jours de la sortie de l’album pour le dernier). Puis le reste de l’album sort.  Une lourde couronne qui sied le nouveau visage Reprendre cet héritage n’a certainement pas été aisé mais Emily Armstrong est parvenue à convoquer la nostalgie mais aussi la curiosité des fans de toutes les générations. Cette nouvelle voix se révèle capable de chanter la douceur et la mélancolie d’un couplet aussi bien que les refrains exprimant la colère ou la peur. On ne peut s’empêcher d’entendre parfois quelques réminiscences de Chester, notamment au tout début de Two Faced, pour ne citer que lui. L’autre voix de ce groupe, Mike Shinoda, vient porter lui aussi les paroles avec son habituelle partie un peu plus parlée. Cette association avec Emily Armstrong met un plus en valeur le fait que nos deux interprètes sont les faces d’une même pièce, les voix se combinent bien et viennent ajouter une plus-value aux textes. Comme la voix les autres instruments expriment tout aussi bien ces aspects de la musique de Linkin Park. D’ailleurs, pour parler un peu de chiffres, les premiers singles mentionnés plus tôt font partie des plus populaires du groupe avec plus de 275 millions d’écoutes pour l’un et 124 millions pour l’autre (sur Spotify avec toutes les réserves du monde). La Défense Arena a fait salle comble pour le concert du groupe le 3 novembre dernier et les spectateurs ont réservé un très bel accueil pour le retour du groupe sur le Vieux Continent.  Du neuf avec du vieux En termes de texte, les chansons restent globalement dans le même registre que ce qu’a pu écrire le groupe auparavant. De l’anxiété, du pessimisme, de la tristesse, de la colère parfois, voilà les sujets sur lesquels le groupe s’exprime dans cet album, qui comme son nom l’indique, marque un nouveau départ pour un nouveau groupe. Certains titres ressortent comme étant un reliquat de la peur que peut susciter l’inconnu. Heavy Is the Crown illustre parfaitement ce sujet, tout en se devant de répondre aux attentes d’un public qui n’a jamais diminué, le groupe a dû presque se faire violence pour essayer de reprendre une couronne devenue lourde avec le temps mais surtout avec la valeur symbolique que le décès du précédent porteur a donné à la relique. Mais il reste neuf autres titres sur cet album et ils méritent tous le détour. Mention spéciale a Cut the Bridge qui est celle qui se rapproche le plus de certaines productions précédentes du groupe comme Bleed it Out et Papercut, aussi bien au niveau de la mélodie que des paroles et des thèmes abordés, sans pour autant tomber dans la bête copie. Je ne rends peut-être pas beaucoup justice à l’album qui est, de toute évidence, de très grande qualité mais il est plus difficile de parler de quelque chose qu’on aime que le contraire, les défauts étant difficiles à trouver. 

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« Gladiator 2 », une maison de paille sur des fondations de béton

Il aura fallu attendre 24 ans pour que Ridley Scott donne une suite au péplum le plus célèbre du XXIe siècle. Mercredi dernier Gladiator 2 a fait son apparition dans nos salles… en oubliant la dose de frissons de son grand frère. Cet article ne sera pas très long. On commence par une bataille pour défendre une ville de Numibie de l’invasion romaine 20 ans après les événements du premier film. Hannoh est appelé à défendre ses murs accompagné de sa femme Arishat, une brillante archère. Cette dernière se fait cependant tuer par les soldats romains qui défendent alors leur général Marcus Acacius. La ville est alors perdue, Hannoh et ses camarades sont faits prisonniers et emmenés à Rome pour devenir gladiateurs. Notre protagoniste est alors remarqué et acheté par Macrinus, maître des gladiateurs et prétendant à un siège au Sénat. Sur fond de complots et de révélations identitaires, la trajectoire de Hannoh se voit profondément altérée alors que son destin semble s’étendre bien au-delà de sa vie de gladiateur. Le petit copie le grand Si le premier volet s’est hissé au rang de classique du cinéma par le renouvellement d’un genre à bout de souffle, c’est grâce à son histoire et ses personnages attachants. Maximus Desimus Meridius a su marquer les esprits par son aura, son charisme, son parcours et les souffrances qu’il a endurées. La preuve, Russel Crowe est reparti avec l’Oscar du meilleur acteur et Ridley Scott celui du meilleur film. La suite, elle, ne nous présente qu’une pâle copie du prédécesseur. Hannoh suit exactement les traces de Maximus, la vengeance est fade. Les jeux d’intrigue dans la politique romaine montrent malgré tout un profil plus avantageux sans pour autant transcender le film, ils viennent lui ajouter quelques longueurs. Le pire dans cette histoire c’est que Gladiator 2 se permet de reproduire certaines scènes iconiques du premier (voire de réutiliser certains plans), comme s’il avait besoin d’une béquille nostalgique pour se tenir debout sans faire d’autres véritables propositions visuelles. Ce qui est sûr c’est qu’il donne envie de revoir le premier. Le film n’est en lui-même pas catastrophique, il n’est que décevant, il surabuse des clins d’œil vers le spectateur, surlignant au passage un certain aveu de faiblesse comparé au monstre qu’est son grand frère.  En revanche, les images restent belles. 

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Les 40 ans d’une « Légende », David Gemmel, grand nom de l’heroic fantasy

Il y a 40 ans, un livre a fait son apparition dans les rayons des libraires britanniques. David Gemmel publie à ce moment son premier best-seller ainsi que le premier volet d’une longue saga littéraire à succès ; le titre est simple : Légende. Cet automne la maison d’édition Bragelonne a tenu à rendre hommage au géant de l’heroic fantasy qu’est David Gemmel en publiant, dans une superbe édition, le premier ouvrage de l’auteur paru en 1984.  Une intrigue simple mais intéressante Ce livre est le récit d’une bataille pour la survie d’un peuple, les Drénaï, face à un ennemi colossal et belliqueux, les Nadir. Tout commence par une tentative infructueuse de traité entre les deux empires, une tentative qui se solde par la mort de Bartellus, l’ambassadeur Drénaï envoyé chez l’empereur Ulric pour éviter la guerre. Le contexte étant posé, on découvre notre personnage principal, Rek, un trentenaire ayant arrêté sa carrière d’officier par peur de la mort plus que par son manque de capacité. Il est dans une taverne possédée par son père adoptif. La nuit passe et l’homme part en route pour s’éloigner du conflit à venir. Il rencontre alors sur la route une jeune guerrière aux prises avec des brigands. Il la sauve non sans mal et prend la route avec elle en attendant de trouver un abri pour la nuit. Très vite une relation se noue entre eux, malgré la difficulté qu’ils ont à l’exprimer. Rek décide alors de suivre la jeune femme vers Dros Delnoch, immense forteresse réputée imprenable et surtout lieu supposée d’une future grande bataille entre les empires rivaux. On fait en parallèle la connaissance de notre autre protagoniste, Druss, véritable héros de guerre et légende vivante. Il vit reclus sur sa montagne attendant la mort du haut de ses 60 ans. Seulement, terrifié par l’idée de mourir sénile et faible, il décide de se rendre à Dros Delnoch pour combattre une dernière fois son ennemi le plus redoutable : la mort. Impressions sur le livre de David Gemmel Le livre jouit d’une qualité narrative indéniable. L’un des risques de ce genre d’univers est celui de la surexposition, c’est-à-dire le besoin exprimé par l’auteur de tout expliquer dans un long bloc de texte pour donner au lecteur toutes les clés de l’histoire. Ici cet écueil est évité, les enjeux ne sont pas extravagants et les dialogues sont suffisamment bien écrits pour que l’exposition des personnages soit naturelle. De plus les personnages en question sont attachants, ils ne sont pas parfaits, ils sont couverts de failles qui font ressortir certaines de leurs qualités. Ils sont en fait humains, ni trop complexes ni trop simplistes, alternant les passages existentiels et les expressions les plus primaires de leurs besoins dans un langage familier. Le lecteur peut ainsi s’identifier plus facilement et apprécier l’histoire qui lui est racontée.  Le livre n’est pas exempt de défauts bien sûr, nous pouvons ici mentionner la problématique des récits enchâssés, surtout au tout début de l’histoire. Certains passages, importants dans le récit, interviennent en plein milieu de l’intrigue que l’on suit ce qui vient brouiller un peu la compréhension des événements. Aussi la relation amoureuse entre Rek et Virael évolue très vite, il leur suffit globalement d’une journée et d’une nuit pour entamer cette relation et éprouver des sentiments aussi profonds qu’un amour vieux de plusieurs années. Certains dialogues souffrent aussi d’une mode des années 80. Certaines lignes sont dopées à la testostérone tandis que d’autres sont empreintes d’une naïveté presque hallucinante. Ce n’est pas le cas dans tout le livre et le tout gagne en qualité quand les choses s’accélèrent mais c’est un des défauts qui peuvent se remarquer.  Mais dans l’ensemble cette ouverture est d’une très grande qualité et elle permet de donner un joli point de départ au cycle Drénaï pour les 20 années ayant suivies la parution du premier volet. De plus, l’édition Bragelonne met dans les mains du lecteur un formidable objet illustré par Didier Graffet. Vos yeux vous en remercieront.

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Peindre les hommes, le projet de Caillebotte

Depuis le 14 octobre le musée d’Orsay expose un parcours consacré à l’impressionniste Gustave Caillebotte. Le rez-de-chaussée de l’ancienne gare montre une collection d’une centaine de peintures avec pour sujet l’homme et son occupation des espaces publiques, sa pratique des loisirs et son intimité. L’homme dans son intimité, appartements et famille Gustave Caillebotte s’est très tôt questionné sur son statut, celui de sa famille. Il vient de la bourgeoisie aisée, très aisée, son père Martial est un riche commerçant de tissus qui finit par obtenir un poste de juge au tribunal de Commerce. Gustave se met donc à peindre sa vie de famille. C’est la cas notamment avec Déjeuner (1876). L’originalité de ce tableau c’est que le spectateur se retrouve à observer à travers les yeux du peintre assis à table le repas. En face on voit Céleste Caillebotte, sa mère et à sa droite un des frères de l’artiste. On distingue à peine les yeux des personnages, ils se regardent à peine, laissant soupçonner une certaine retenue. La pièce n’est éclairée que par la lumière du jour passant par la baie vitrée en fond. Cet éclairage vient se refléter sur une table cirée et très réfléchissante ainsi que sur des couverts et des assiettes finement ouvragés, indiquant un niveau de vie assez élevé. Le maître d’hôtel servant les plats vient un peu plus renforcer ce côté bourgeois.  Ce statut social particulier ressort encore dans le tableau d’à côté, celui d’un Jeune homme face à sa fenêtre. Gustave peint encore un de ses frères alors qu’il regarde une rue parisienne depuis sa fenêtre. Cette position vient tout de suite installer une certaine rupture entre l’extérieur et l’intérieur, une rupture sociale et donc environnementale. Le personnage en premier plan est dos au peintre, nous n’observons que sa silhouette à cause du contre-jour, sa pose, (droite, jambes écartées, les mains dans les poches) montre une certaine assurance ce qui vient ajouter quelque chose à la question sociale sous-entendue dans ce tableau. Cette figure peut d’ailleurs servir à Gustave d’alter ego tandis que le spectateur y trouve plutôt un sujet d’identification.  Le lien entre Caillebotte et la classe laborieuse Parmi les œuvres majeures de Caillebotte, on trouve bien sûr les Raboteurs de parquets (1875). Ce chef-d’œuvre nous met en face de raboteurs de parquets en pleine action alors qu’ils s’occupent du parquet de l’atelier du peintre. Pour faire ressortir un peu plus la difficulté de la tâche, ils sont peints à demi-nus. La lumière du jour se reflète sur le vernis du parquet ce qui permet de faire ressortir la progression des raboteurs alors qu’il leur reste encore beaucoup de travail. En se faisant le peintre des laborieux il nous donne du grain à moudre, le spectateur est alors libre de prêter des intentions politiques à Caillebotte, à savoir une volonté de mettre sur un pied d’égalité le bourgeois et le travailleur.Un autre tableau intéressant de cette section serait celui intitulé Peintre en bâtiment (1877). On y voit un peintre en bâtiment et son équipe en train de peindre la façade de l’hôtel parisien des Caillebotte, la scène est observée directement depuis la rue. Le tableau, blanc-gris dans son ensemble (du ciel aux pavés de la route) permet aux couleurs de la façade de tout de suite attirer le regard du spectateur. Ce travail prend ici un sens assez spécial, il unifie le peintre artisan et le peintre artiste, l’utile et l’esthétique pour aller questionner directement le statut de l’artiste, Caillebotte revendique peut-être ici une fonction de travailleur, son œuvre pourrait alors rejoindre le rang de la peinture utile, un outil pour représenter la réalité de la fin du XIXe siècle. Modernité haussmannienne et originalité sentimentale Comment parler de Caillebotte et de Paris sans évoquer sa Rue de Paris, temps de pluie (1877). Cette sublime représentation du Paris moderne est la pièce maîtresse de cette partie. La complexité architecturale, la géométrie des rues parisiennes nous plongent bien dans cette époque de modernisation du pays, chaque rue est une découverte pour les habitants. Malgré le temps pluvieux les hommes sont de sortis, ils occupent la rue, un espace qui est, à l’époque, un lieu masculin par excellence. Les paletots et les parapluies sont, eux aussi, dans l’espace public, on y voit une forme de conformité dans la société de l’époque sauf pour un personnage du premier plan. Il avance d’un pas sûr, paletot ouvert, le regard au loin. Une femme se tient à son bras et regarde dans la même direction. On peut y voir ici une représentation de ce que serait selon le peintre la masculinité accomplie, l’homme idéal, c’est une sorte de rappel à son père, décédé 3 ans plus tôt. Pourtant Gustave était connu pour être un célibataire invétéré. On le voit dans son tableau montrant une Partie de Bézigue, un jeu populaire de l’époque. Plusieurs hommes sont rassemblés dans ce salon, ils sont tous célibataires, aucune femme n’est présente. Ici c’est un esprit de franche camaraderie qui ressort plus que celle d’un sentimentalisme romantique. Les visages affichent une grande concentration sur la partie en cours, seul un est assoupi au fond. Ce rassemblement montre le caractère marginal de ces messieurs, préférant le jeu aux femmes, le célibat plutôt que la vie de famille. Loisirs et retraite à la campagne Pour clôturer l’exposition, les commissaires nous emmènent à la campagne et sur les fleuves pour nous montrer toute l’importance que prennent les loisirs et les sports dans cette société de la fin du siècle de Vienne. Alors que la France prend connaissance de son potentiel touristique via les loisirs en pleine nature, Caillebotte décide de nous montrer un visage plus virile, plus sportif des parties de campagne. Dans Partie de bateau (vers 1877-1878), le peintre montre le canotier comme s’il était en face de nous dans la barque. Le dandy, habillé de son costume de ville et coiffé d’un haut-de-forme en soie, montre une véritable présence physique, les vêtements près du corps dessinant sa silhouette. On ressent alors une forme

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Parce que « bien » n’est pas suffisant : « L’Amour ouf » de Gilles Lellouche

Le dernier film de Gilles Lellouche est sorti dans nos salles le mercredi 16 octobre. A l’affiche, Adèle Exarchopoulos, François Civil, Alain Chabat ou encore Benoît Poelvoorde. Au programme un film poignant, puissant et émouvant, qui cumule déjà plus de 140 000 entrées pour sa première journée d’exploitation. Difficile de ne pas parler à cœur ouvert, d’être journaliste face à ce film qu’est L’Amour ouf. Les mots viennent difficilement, l’émotion prend le dessus, c’est de cela que je vais essayer de vous parler dans ce que l’on pourrait considérer comme un billet d’humeur, plus qu’un article. Tentative de résumé Le film plante le décor dès les premières scènes, le premier rôle revient aux émotions, elles poussent à l’action, parfois à la bêtise, ses conséquences peuvent être désastreuses. Seulement on ne peut pas passer à côté. On entre dans l’enfance des personnages pour découvrir deux parcours, deux souffrances. L’une est conditionnelle, l’autre mortuaire. Deux destinées somme toute différentes mais amenées à se croiser. Clotaire et Jacqueline, Cloclo et Jackie, le zonard et celle qui a toujours raison. Ils atterrissent dans le même lycée et d’une joute verbale devant l’entrée de l’établissement se noue une relation amoureuse mais surtout passionnelle. Les deux ados se cherchent, se découvrent, s’influencent, s’aiment, et ce au mépris du regard des autres. En parallèle de tout cela Clotaire entre, presque par mégarde, dans la vie criminelle en tentant de revendre, avec un ami, de la drogue, une substance qui appartient à quelqu’un d’autre. Les gros bras du propriétaire les passent à tabac et les obligent à se charger d’une commission à leur place. Les coups pleuvent une nouvelle fois sur Cloclo et son ami. Mais Clotaire se laisse aller à sa rage et se munit d’une barre de fer pour se venger de ses agresseurs. Il gagne le respect du patron, La Brosse, et entre dans sa bande. Jackie est inquiète bien sûr mais elle ne parvient pas à stopper son amour, qui finit par être impliqué dans un meurtre qu’il n’a pas commis.  Ressenti personnel Donner un ressenti détaillé serait un peu trop long tant ce film m’a fait passer par toutes les émotions. Joie, tristesse, stress et peur ; voilà le chemin désordonné et loin d’être exhaustif de mon état en sortant de la salle. La joie de voir une belle relation progresser pour des personnages auxquels on s’attache très vite comme à des amis, la tristesse d’un gâchis dû à un désir de reconnaissance, de pouvoir, de richesse qui apporte son lot de danger, stress face au sentiment d’insatisfaction qui hante ce film, peur de voir nos compagnons au bord de la mort ou à la merci d’un ravisseur. Très sincèrement j’ai rarement senti les battements de mon cœur devant un film au cinéma. Le film donne un propos puissant et facilement identifiable tant il peut être commun, les acteurs sont entraînants, le cœur me serre encore.  L’œuvre dispose d’une qualité réflexive indéniable, cette maxime utilisée dans le titre de l’article sert de leitmotiv au film et elle m’a poussé à me poser des questions quant à mon propre rapport à l’amour. Cette qualité est poussée par la question de l’expression de ses émotions et de ses sentiments. Le langage est puissant mais pas omnipotent, le dictionnaire aide mais l’acte montre. C’est avec lui que l’on se soulage de la solitude, du poids des choses, il conforte parfois. C’est lui qui vient frapper Jackie dans la seconde partie du film. Il y a tout un jeu sur le non-dit, souvent dû à l’incapacité du personnage à mettre des mots sur ce qu’il ressent et voit chez l’autre. Il est aussi parfois supplanté par l’acte du côté de Clotaire. Il s’exprime dans la violence et la colère, il tabasse ses adversaires, tue si besoin. La violence devient ainsi tout aussi légitime que la parole, elle est peut-être même parfois beaucoup plus claire et efficace.  Bien sûr le film dispose d’un aspect assez comique parfois avec la présence de Jean-Pascal Zadi, il permet d’alléger un peu l’ambiance, qui à la longue est très pesante. On pourrait encore parler des qualités techniques du long métrage, du jeu des acteurs qui est très bon ou encore de la qualité du fond. Je pourrais encore continuer pendant quelques milliers de caractères mais tout ce que je sais c’est que, pour ce film, “bien” est loin d’être suffisant.

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Lee Miller, reporter des massacres de la guerre

“Le poids des mots, le choc des images”, voilà le slogan qu’utilise Paris Match pour mettre en avant son contenu. Mais sur le coup ils n’ont pas été très innovants puisque c’est une maxime que la journaliste du Vogue britannique, Lee Miller, avait compris bien avant eux. Mercredi 9 octobre, un nouveau film apparaît dans nos salles obscures. A l’affiche : Cate Blanchett dans le rôle de la reporter de guerre Lee Miller, correspondante pour Vogue pendant la Seconde Guerre mondiale à partir de 1944, de Saint-Malo à la Hongrie, en passant par Colmar, l’Allemagne et l’Autriche. Ses images sont les premières à montrer toutes les atrocités commises par le régime nazi. Le récit d’une femme dévouée Le film commence après que la vie de mannequin de Lee Miller est terminée. On est en 1938, dans le sud de la France, la vie est belle, légère, ensoleillée, Lee Miller passe du temps avec ses amies. Elle rencontre un certain Roland, galeriste anglais et artiste lui-même qui connaît déjà Miller grâce à sa carrière dans le mannequinat. Elle trouve l’amour et le suit à Londres, cependant l’ascension d’un certain dictateur allemand est sous-estimée par le monde entier. On la retrouve quelque temps plus tard alors qu’elle a commencé sa carrière au sein de Vogue en tant que photographe et journaliste. Les événements de la guerre parviennent jusqu’à la capitale britannique, son mari est réquisitionné pour confectionner les camouflages des tanks de l’armée britannique. Elle rencontre David Sherman, photographe pour Life Magazine, fait face aux obstacles auxquels les femmes sont confrontées à l’époque et se voit refuser l’accès à une base aérienne, l’empêchant de faire son reportage. Une certaine frustration se fait sentir chez elle et à raison. Son mari est finalement envoyé en France pour rejoindre le front et travailler sur le camouflage optique des équipements alliés. C’en est fini de l’inaction, elle parvient à se faire intégrer dans la 83e division de l’armée de libération. Là commence son immersion dans cette guerre, elle y voit les mutilés d’abord et est prise dans la bataille de Saint-Malo. Elle assiste, impuissante, au traitement réservé aux femmes ayant eu des relations avec les officiers allemands, volontairement ou non, et poursuit jusqu’à Paris, les vers de Liberté dans la tête. Elle continue son périple vers l’est, atteint l’appartement du chancelier allemand, et passe devant des trains de déportés remplis de cadavres pour enfin terminer par une dernière vision d’horreur, les camps de concentration. Impressions En sortant de la salle, la première impression que l’on ressent, c’est un sentiment de frustration. On part sans avoir réellement vu les travaux de Lee Miller. Bien sûr le film est un biopic, c’est bien normal d’être en face d’un tel récit. Seulement l’aspect photographique, les images n’ont pas autant d’importance que ce à quoi on aurait pu s’attendre. Mais ce n’est qu’un sentiment à chaud. D’autant plus que c’est une volonté scénaristique de faire ressortir le parcours de cette femme si importante dans l’histoire du photojournalisme, du reportage de guerre et bien sûr du travail de mémoire. Seulement, en y réfléchissant un peu plus, cette “absence” de photo est utile à quelque chose, partager cette frustration, celle qu’a pu ressentir Lee Miller en apprenant que ses images sont trop choquantes pour le lectorat européen et qu’elles ne seront donc pas publiées dans la version britannique de Vogue. Certaines scènes s’attardent sur les prises les plus connues de la journaliste comme sa photo d’un wagon rempli de cadavres ou celle de Miller imitant Eva Braun, compagne de Hitler, dans la baignoire du chancelier. Il y a, en plus, assez peu de scènes “choc” pour illustrer le point de vue du monde avant les révélations au sujet des camps et de la déportation. Finalement ce film met en avant une qualité nécessaire aux journalistes, élevée au rang de vertu par Lee Miller, c’est la persévérance. Le bon journaliste, c’est celui qui trouve toujours moyen d’avoir l’information qu’il veut, si la porte est fermée il faut profiter de l’ouverture de la fenêtre. Ce film est ainsi un bel hommage au photojournalisme. C’est, au même titre que les travaux de Robert Capa, une pierre angulaire de cette discipline si bien mise en avant ici par une journaliste forte et déterminée mais qui n’a pas eu la reconnaissance qu’elle mérite largement.

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« L’Homme qui rit » et « Joker » : Todd Phillips et Victor Hugo

Mercredi 2 octobre 2024 : la suite du Joker sort dans les salles obscures françaises. Avec son dernier film, Todd Phillips montre qu’il a de la suite dans les idées mais aussi que son Joker est plus semblable à un personnage hugolien qu’au Joker des comics de DC. Le pitch est on ne peut plus clair. On est après le coup d’éclat d’Arthur Fleck en direct à la télévision, il est interné dans l’asile d’Arkham. Il y fait la rencontre de Harley Quinn, internée aussi, dont il tombe follement amoureux. Un procès est organisé pour les meurtres du Joker et la question que se pose le film est la suivante : est-ce qu’Arthur Fleck et le Joker sont la même personne ? La tragédie cynique du Joker Oui, il est possible de considérer le Joker comme un personnage promis à une grande destinée malgré le malheur qu’il porte tout au long des films, Le Joker c’est l’histoire d’un pauvre type boulotté par la vie, ses proches et ses pulsions qui, à la fin du premier volet, embrasse la partie sombre de lui-même avec pour seule revendication de se porter à la connaissance du monde. Chose qu’il réussit à merveille en tuant, en direct, Bill Murray, présentateur d’une grande émission de télévision. Il serait difficile de dire que cette fin n’est pas satisfaisante tant la mise en scène est parfaite, tant le “héros” est mis en valeur par le film mais aussi par la foule, ses fans, une sorte de vengeance sur une société corrompue qui passe son temps à broyer dans ses mâchoires la “vile multitude” de Gotham. Incarcéré à Arkham, on découvre dans la suite un Arthur Fleck fatigué, un Joker bâillonné par des traitements lourds et quotidiens et par des gardiens plus atroces les uns que les autres. Pourtant le Joker se réveille, “Enfin !” s’écrira le spectateur, “It was about time !” dira quant à lui le représentant britannique infiltré dans la salle. Seulement le spectateur est maigrement récompensé, Arthur a fait le choix de rejeter les agissements de son double maléfique sur lui, plus par contrainte que par choix, il a vu ce que son personnage provoque chez les autres et les conséquences auxquelles ils font face par sa faute. Il choisit de plaider coupable plutôt que d’accepter son autre facette.  Victor Hugo quand tu nous tiens Vous avez peut-être déjà entendu quelqu’un vous dire : “Tu savais que le Joker était inspiré d’un livre de Victor Hugo ?” certainement sur un ton voulant montrer sa culture supérieure. Si ce n’est pas le cas Sence s’en occupe, on vous épargne même la lecture. L’Homme qui rit est un roman de Victor Hugo se déroulant en Angleterre. On y suit surtout l’histoire d’un enfant abandonné et avec le visage taillé par un sourire d’ange qui lui remonte jusqu’aux oreilles, c’est du moins l’endroit où s’arrêtent ses cicatrices. Il est nommé Gwynplaine et il est recueilli par un philosophe ambulant, Ursus, accompagné de son loup domestique, Homo. Pendant une quinzaine d’années, la troupe va proposer des spectacles en utilisant la particularité de Gwynplaine pour se faire de l’argent. Ils finissent par passer à Londres et, par un concours de circonstances et des sentiments très forts à l’égard d’une noble ayant assisté à une de ses représentations, il est emmené dans une somptueuse résidence. Il y apprend être l’héritier d’une grande famille de pairs d’Angleterre. Il finit par participer à une séance de la chambre des Lords. Là-bas il prend la parole et se présente en tant que Misère, il représente le bas-peuple savamment ignoré les grands de ce monde. Malgré son éloquence il est ridiculisé à cause de sa cicatrice et de son passif en tant que comique ambulant. C’est sur cet aspect que tient notre comparaison avec Arthur Fleck. Portés au rang de représentant des bas-fonds de la société, nos héros ont senti des ailes grandir de leurs omoplates, ils ont voulu être plus ou moins que ce qu’ils n’étaient réellement. Arthur a voulu rester Arthur plutôt que d’embrasser le Joker et il en paie le prix tandis que Gwynplaine s’est vu révolutionnaire sans qu’on lui demande, il est retombé humilié à sa condition première : bête de foire. Tous les deux se sont fait trahir par la mauvaise perception qu’ils ont eu d’eux. Volontaire ou non Todd Phillips fait ressortir cet aspect des personnages, il a magnifié le Joker pour nous donner un Arthur brisé et divisé, Hugo nous a montré un personnage ambitieux ramené sur terre la tête la première à cause de ce qui le différencie des autres. Tous les deux souffrent à cause de l’homme qui rit malgré eux.

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Une adaptation de Joann Sfar pour « Le Voyage au bout de la nuit »

La littérature a toujours suscité l’intérêt du septième art. Récemment, c’est Alexandre Dumas qui a été largement mis à l’honneur avec Les Trois Mousquetaires et Le Comte de Monte-Cristo. La presse française a appris une nouvelle étonnante : le réalisateur Joann Sfar aurait obtenu les droits pour adapter le roman de Céline. Retour sur l’œuvre mais surtout son auteur. Lorsque l’on pense littérature française, les noms de Victor Hugo, Émile Zola ou Alexandre Dumas ressortent assez facilement. Mais il en est un qui fait presque office de tabou, tant la personne a pu être exécrable en son temps, c’est Louis-Ferdinand Céline, auteur du Voyage au bout de la nuit, ou la pérégrination d’un déserteur refusant catégoriquement la guerre. Pessimisme viscéral et rejet de l’autre “Ça a débuté comme ça.” Ferdinand Bardamu est un jeune parisien du début du XXe siècle. Comme tous les jeunes hommes de cette époque, il vit l’entrée en guerre de la France en 1914 et devient bon gré mal gré l’un des acteurs de cette guerre. Embrigadé comme tout le monde, presque enthousiaste à l’idée de la déculottée qu’il va infliger aux Allemands, il se retrouve embourbé dans un conflit qui n’en finit pas, où on lui ordonne de tirer sur des gens qu’il ne connaît pas, qui ne lui ont pas fait de mal, qui, comme lui, obéissent à des ordres absurdes. Il fait alors le choix, quand l’opportunité se présente, de déserter, de refuser la guerre, quand bien même “ils seraient neuf cent quatre-vingt quinze millions” contre lui. Là commence un tour du monde, en Afrique aux États-Unis puis finalement en France, qu’il parcourt du sud au nord et inversement. Il est confronté aux affres de la société humaine, cupide, malveillante, intéressée, démunie, léthargique après une guerre de quatre ans, ressentie quarante. D’officier coloniale, il passe ouvrier puis médecin et assistant dans une clinique de fou. Éprouvé, épuisé et surtout dégoûté par la société mondiale, il est sans autre repère que sa condition, ses besoins primaires et pécuniaires. Le roman se termine sur un tableau nul, il est arrivé au bout de la nuit pour voir des hommes ivres renverser un poêle par accident, non loin la Seine, sur elle un remorqueur qui avance vers le lointain, qui emporte tout histoire “qu’on n’en parle plus”.  Œuvre géniale, personnage détestable Du livre nous ne parlons plus, de l’homme il faut discuter. Il ne devrait pas être trop risqué de dire que Céline est un personnage… clivant, à minima. S’il refuse la guerre, et c’est tout à son honneur, son antisémitisme suinte pourtant. Oui ses romans ne l’expriment pas clairement mais Louis-Ferdinand est aussi (presque surtout) connu pour une assez conséquente production de pamphlets violents, affreux de préjugés sur les peuples juifs du monde. Cette haine fait froid dans le dos, surtout quand on écoute les podcasts de Philippe Collin sur France Inter, qui nous apprend que ces écrits n’ont été commandités par personne, qu’ils sont le produit pur de la pensée de l’homme qu’était Céline. Faire ce film est un défi artistique, évidemment, mais c’est surtout un défi médiatique. Joann Sfar est conscient que le fantôme de Céline plane sur cette production, que le contexte actuel rend certainement plus difficile la réalisation d’un tel projet, même si l’œuvre en elle-même n’est pas empreinte de cet aspect du personnage. Pour l’instant le film n’existe que dans son esprit, reste à savoir s’il sera aussi bien accueilli au box-office que les adaptations de Dumas.

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Joachim du Bellay ressort des abîmes de la cathédrale

Avant-hier l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) a rendu ses conclusions quant au sarcophage de plomb retrouvé en avril 2022 sous la croisée du transept. Son occupant est Joachim du Bellay, poète mort en 1560, à l’âge de 37 ans. Élégiaque, satirique puis élogieux. Ainsi sonnait les vers des Regrets, recueil de poèmes composé par Du Bellay. Lui qui revient de Rome déçu par la décadence de l’ancienne capitale impériale, lui qui est aujourd’hui extrait des cendres de la cathédrale, lui qui, mort il y a cinq siècles de cela, reparaît au cœur de l’actualité française. Défenseur des lettres françaises Sa courte vie de poète lui aura tout de même permis de graver quelques textes dans la mémoire culturelle française. Ayant œuvré de concert avec François Ier pour faire de sa langue maternelle un langage courant, il signe, avec Pierre de Ronsard et Jacques Peletier du Mans une Défense et illustration de la langue française, véritable manifeste linguistique qui acte aussi la naissance de la Pléiade, une association de poète ayant pour but de s’affranchir du latin. Pour marquer le coup, il écrit dans la foulée son tout premier recueil de sonnets, L’Olive, en imitant le style de Pétrarque. “Si notre vie est moins qu’une journée  En l’éternel, si l’an qui fait le tour Chasse nos jours sans espoir de retour, Si périssable est toute chose née ; Qu’espères-tu, mon âme emprisonnée ?” (L’Olive, 1549) Nous ne savons ce qu’elle espérait, mais il est sûr bien que chose née, Joachim du Bellay n’est pas aussi périssable que ce qu’il nous dit ici. Pérégrinations en Italie et Regrets En 1553, Joachim du Bellay part, en compagnie du cardinal Jean du Bellay, pour l’Italie. Lui qui imite le style de Pétrarque est impatient de découvrir la culture italienne, son faste, ses monuments, Rome. Mais lui qui attend la splendeur, il repart avec la déception et l’ennui. Il est accaparé par les affaires de son parent, la diplomatie entre la France et l’Italie. Il compose donc à son retour Les Regrets où il exprime tout son désir de retrouver son Anjou natal, son “Loire gaulois” plus que “le Tibre latin” (Les Regrets, XXXI). Il accompagne ce recueil d’une suite, Les Antiquités de Rome, où il prend 32 sonnets pour méditer sur les ruines de la civilisation romaine et exprimer sa mélancolie de la Rome antique. Retour et extinction Malade, souffrant d’une surdité progressive, il est renvoyé en France par son frère en août 1557. Il fait alors publier ses recueils. Il est de plus en plus en prise avec ses difficultés matérielles, il continue pourtant de se débattre pendant encore quelques années. Il finit pourtant par s’éteindre le 1er janvier 1560, d’une apoplexie (AVC) au numéro 1 de la rue Massillon, à Paris. Il a 37 ans. Il aura fallu un incendie et des fouilles minutieuses pour retrouver le sarcophage de cet homme de lettres, littéralement.

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ZEvent 2024 : Retour d’expérience d’un « viewer »

Pendant 3 jours, Montpellier est devenu le centre du stream français. Le ZEvent, événement caritatif, est lancé pour 50 heures de live continu, avec pour seul objectif de réunir des fonds pour des associations pendant ce long marathon. Voici donc mon retour d’expérience de cet événement si spécial. Vendredi 6 septembre, 18 h : Zerator ouvre officiellement la nouvelle édition du ZEvent après un an de césure. Parmi les streamers présents sur place se trouve Laink. Il a participé aux premières éditions de l’événement mais il n’y a pas posé les pieds depuis 2018. Il arrive donc sans donation goal (défis à réaliser lorsqu’un palier de don est atteint)  à l’inverse de ses confrères et consoeurs. Son expérience est particulièrement significative puisque, comme les viewers, il est plutôt extérieur à tout cela, il évolue dans son coin et n’interagit pas vraiment avec les autres. C’est au deuxième jour que tout change, il participe aux streams de trois personnes différentes (Domingo, Baghera et Trivia), il fait des karaokés, ce qui nous sort de ses habitudes, et vient répondre à des questions considérées “gênantes” par les autres. Le dernier jour il participe au quizz du Grenier et poursuit pour le rush final avant de terminer son stream dans l’émotion, après un discours émouvant sur ses absences et son anxiété, avec en fond Eurotruck Simulator. Cette expérience est représentative de l’ambiance du ZEvent pour la raison suivante : il nous invite à le suivre, à nous déplacer sur les autres streams pour le voir s’amuser avec les autres, c’est un plaisir que l’on ne peut s’offrir qu’à cette occasion. C’est une immersion assez étrange qui s’opère alors, le viewer est transporté à Montpellier comme s’il était sur place, il entend, voit et ressent l’émulsion de cet événement, il est plus sensible aux causes défendues et a la possibilité d’interagir, via le chat et les dons, avec tout le monde. Certes la POV de Laink ne présente qu’une portion de tout ce qui a pu se passer pendant ces trois jours mais c’est à peu près l’un des seuls endroits où l’on se sent chez soi tout en découvrant d’autres ambiances à travers ses yeux. Le tout se termine avec un certains sentiment d’accomplissement mais aussi de regret, j’y ai vécu tant de belles choses qu’une sorte de torpeur s’est emparée de moi juste après, le retour à la réalité a été assez brutal, je veux recommencer, cette fois-ci en tant qu’acteur, de quoi entretenir une certaine frustration pendant l’année qui va suivre.  Une institution caritative et culturelle C’est unanime, le ZEvent est devenu avec le temps une véritable institution du streaming français. Il représente un véritable carrefour culturel où chaque participant apporte sa touche à l’événement. Cette année n’a pas été une année record mais elle est tout de même spéciale. Les streamers se sont dépassés, ont littéralement mis en jeu leur santé, pour nous proposer des émotions brutes et diverses. Cet événement a été marqué par la multiplication des activités. Nous avons eu droit à du jeu vidéo, bien sûr, mais aussi à des karaokés, des travaux manuels, de la peinture et surtout de la musique avec le DJ set proposé par AvaMind, set pour lequel Vladimir Cauchemar s’est déplacé pour jouer sa musique. Les viewers ont été gâté et ils l’ont bien rendu avec 10 145 881 € récoltés sur ces trois jours au profit de cinq associations œuvrant contre la précarité : le Secours Populaire, Cop1, les Bureaux du Coeur, Solidarité Paysans, Chapitre 2 et la Fondation de France chargée de la répartition des dons. Il est difficile de croire aujourd’hui que tout est parti d’une “cave” et pourtant c’est le cas. A force d’éditions le ZEvent s’est imposé comme l’un des événements caritatifs français les plus importants dans l’Hexagone avec des causes à chaque fois différentes et dans l’air du temps. Un attachement s’est aussi développé entres les viewers et l’événement puisque le ZEvent est l’une des seuls occasions pour le spectateur d’interagir avec le streamer, il a l’impression d’y être de changer le cours du live et plus globalement de la société, il s’investit dans une cause qu’il n’aurait peut-être pas défendu en temps normal.   Diversité d’expression La spécificité du ZEvent c’est surtout sa diversité. Le viewer est libre de suivre le point de vue de celui ou celle qu’il veut, en faisant le sacrifice du reste. C’est un fort témoignage de soutien et un vrai gain de visibilité qu’offre l’événement à ceux qui y participent. Au-delà de ça c’est aussi un moyen d’innover, de proposer de nouveaux contenus, artistiques ou non, d’emmener le spectateur dans un véritable musée de l’émotion avec des avis divergents et des ressentis hétérogènes. C’est là tout l’intérêt de la chose, plus qu’un objectif de don à dépasser, c’est une occasion de découvrir et de ressentir la force que représente l’unité d’un groupe de personnes. A l’instar des Jeux de Paris, le ZEvent a su montrer encore une fois que l’on est capable de se réunir pour une cause commune qui compte et surtout que peu importe la contribution, chaque mouvement compte. Malgré les polémiques le ZEvent se réinvente à chaque fois et l’investissement de chacun est toujours grandissant.

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Normandie impressionniste, Rouen capitale

Où est né l’impressionnisme ? Certains diront à Paris, au 35 boulevard des Capucines à l’occasion du Salon des Refusés et ils auraient raison si l’on parle du mouvement. Mais qu’en est-il du style ? Impossible d’y répondre avec certitude mais ce qui est sûr c’est que les impressionnistes ont leur capitale : Rouen. L’occasion de faire un petit tour d’horizon à travers quatre représentations de la ville. La vue générale de Rouen, Claude Monet, 1892 Une lueur rosée pour signifier un lever de soleil, un édifice qui transperce le plafond des toitures au milieu de reliefs entourant la ville, voilà ce qu’est La vue générale de Rouen. Produit depuis le panorama de la côte Sainte-Catherine, le pinceau de Monet ne se pose pas la question du photoréalisme et du détail des bâtiments, il donne simplement à voir à travers les yeux de l’artiste. Quelques lignes verticales pour faire sortir de terre les habitations et au centre des motifs plus hauts que les autres pour signifier la magistrale cathédrale de Rouen, seul signe véritablement distinctif de la ville sur la représentation. Limite verticale mais aussi horizontale le bâtit ne s’étale plus après elle, il s’efface pour nous amener à regarder l’horizon, le point de rencontre entre le cieux et les sols, là où l’orange et et le rose pâle se mélange et viennent propager leurs couleurs sur le reste du tableau. Une lumière qui perd en intensité à l’approche du panorama, captée par l’édifice central. Voilà ce qui attire les peintres dans cette ville, son exposition particulière due au fait que Rouen s’est construite dans une “cuvette” autour des méandres de la Seine. Elle propose aussi une large variété de paysages, qu’ils soient industriels, résidentiels ou agricoles et parfois marins. L’île Lacroix sous la neige, Albert Lebourg, 1893 On redescend maintenant du panorama de Sainte-Catherine pour se diriger vers une petite île au milieu de la ville et de la Seine, l’île Lacroix. Imaginez-vous en hiver. Il fait froid et la neige existe encore à cette période, si bien que la ville de Rouen en est recouverte. Maintenant prenez place sur l’île Lacroix et regardez les bras de la Seine qui s’ouvrent et vous verrez le tableau d’Albert Lebourg. Les touches de bleu savamment dispersés sur la toile nous permettent de s’attarder sur chacun des détails que nous offre le peintre comme ce magnifique reflet de l’usine dans l’eau gelée du fleuve, ces bateaux amarrés et couverts de neige, le relief en fond et le brouillard que l’on suppose matinal. Un tableau froid certes mais qui nous permet de faire une pause dans toute l’agitation de l’époque, les usines sont à l’arrêt tout comme les embarcations, tout est calme, rien ne vient troubler la quiétude qu’inspire cette œuvre de l’artiste, émanation de l’École de Rouen. Le Pont Boieldieu à Rouen, temps mouillé, Camille Pissarro, 1896 Nous partons maintenant vers le centre-ville de Rouen pour aller faire quelques pas qur le pont Boieldieu. A priori plutôt ordinaire, le pont à pourtant fait l’objet d’un tableau de Camille Pissarro en 1896. Toujours dans la mouvance impressionniste, le peintre décide de nous montrer toute l’activité de la ville et de la Seine avec ce pont, point de passage obligé pour traverser le fleuve. On y voit ainsi toute la fumée crachée par les usines et les bateaux aussi bien au premier plan qu’au fond pour représenter l’industrie et la modernité qui se concentre autour du fleuve parisien, ces thèmes étant des sujets de prédilections pour nos amis impressionnistes. Mais il n’y a pas que le fleuve qui vit, le pont en lui-même est traversé par plusieurs voitures, conduisant probablement des bourgeois ou des propriétaires vers les usines. L’œuvre montre ainsi tout le dynamisme industriel de l’époque et le développement particulier de la ville avec la mise en valeur des méandres qui la traversent. Série des Cathédrales de Rouen, Claude Monet 1892-1894 Quoi de mieux pour clore cet article que la cathédrale de Rouen, véritable coeur de cette ville. De l’édifice Monet fera 30 tableaux, tous réalisés à des heures  différentes de la journée pour bien montrer le pouvoir qu’à la lumière dans la composition d’un tableau. Le Portail, élément le plus représenté de la série, expose parfaitement ce jeu constant entre ombre et lumière qui traverse la journée. Parfois coloré et clair, parfois morne, gris et triste, le portail est montré dans tous ses états. De l’aube jusqu’à la fin de l’après-midi les détails de portail, illuminés par le soleil, ressortent chacun leur tour pour se montrer à l’œil attentif du spectateur. Le seul désavantage de ce tableau, c’est que les tableaux sont tous exposés aux quatre coins du monde, empêchant le spectateur de contempler les trente versions de la cathédrale.  

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F-1 Trillion, le nouvel album country de Post Malone

Le 16 août dernier est sorti le tout nouvel album de Post Malone, un an seulement après AUSTIN. Si ce dernier est plus pop et affiche un certain changement du style de l’artiste, F-1 Trillion le fait passer sur quelque chose de totalement différent : de la country. Un an d’attente et trois singles sortis pour essayer d’étancher la soif de ses fans, c’est ce qu’il aura fallu au détenteur de huit disques de diamant pour nous faire écouter son nouveau projet musical. Avec cet album, il concrétise une transition, déjà amorcée en partie dans Hollywood’s Bleeding et affirmée dans AUSTIN, vers un tout nouveau style musical, la country. L’album, dans sa version classique, comprend 18 titres pour un peu plus de 57 minutes d’écoute. 16 de ces titres sont en featuring avec des artistes reconnus de la country comme Blake Shelton ou Morgan Wallen, avec qui il chante I Had Some Help, avec un démarrage à la première place du Billboard Hot 100, position que le single conserve pendant six semaines, il se permet aussi le luxe de placer chacune des musiques de l’album dans le top 100, la dernière étant Right About You à la 88e place. Un hommage au style Si vous cherchiez des prises de risque, un album manifeste d’un tout nouveau style musical, passez votre chemin, Post Malone ne va pas faire dans l’originalité mais plutôt tout faire pour coller aux canons de la musique country. Pendant une heure il va très humblement nous montrer son amour pour ce style. Cela se remarque évidemment avec les artistes en featuring sur cet album, qui ne sont que des noms confirmés et reconnus de la country, chacun ayant connu un grand succès outre-Atlantique. Blake Shelton, par exemple, a déjà occupé la première place des charts américains avec Nobody But You (qui dépasse les 300 millions d’écoutes sur les plateformes), il a aussi plusieurs disques de platine à son actif et quelques nominations aux Grammy Awards. C’est aussi pour cela que les artistes invités bénéficient d’une très bonne répartition du temps de parole avec du 50-50 partout à peu près. Post Malone se permet de jouer un peu plus avec sa voix en forçant un peu plus dessus pour ajouter un certain grésillement et apporter une authenticité de circonstance au regard du style choisi. Évidemment chacune des musiques est jouée à la guitare acoustique, on sait l’amour que porte Post Malone à cet instrument. Les thèmes du Texas, il le faut bien Pour ce qui est du fond et des thèmes abordés, là aussi on reste dans du classique avec la questions des relations amoureuses, de ses déceptions et de ses ruptures et quelques musiques sur l’alcool, on est au Texas il le faut bien. Le tout reste relativement léger avec des sons entraînant qui occultent l’aspect tire-larme que pourraient prendre certaines chansons. I Had Some Help garde une très bonne ambiance tout en parlant de rupture amoureuse. On sent en tout cas que les artistes ont pris du plaisir à faire cet album qui reste très ancré dans les acquis de la musique country. Ce qui est sûr c’est que ce voyage musical à Nashville a reçu un bon accueil de la part de la fanbase de Post Malone, les critiques spécialisées sont un peu plus mitigées, surtout les aficionados de la country qui trouvent que malgré la présence de nombreux artistes du milieu l’aspect country passe un peu à la trappe à cause de la création à plusieurs mains faites sur chacune des musiques proposées. Il faut aussi noter l’autotune ou les modifications apportées à certaines voix qui viennent desservir les artistes concernés, comme Dolly Parton sur Have The Heart qui perd de l’intensité dans sa voix et qui en plus de ça est victime de certains effets ratés alors que la chanteuse chante très bien sans cela. En dehors de cela l’album est bon, les fans semblent conquis si on regarde les classements, reste à savoir maintenant si Post Malone va embrasser pleinement son tournant country ou revenir aux fondamentaux de sa musique dans ses prochaines propositions.

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Gamescom 2024 : retour sur les principales annonces de l’Opening Night Live

Comme chaque année au mois d’août se tient l’une des plus grandes conférences vidéoludiques du monde à Cologne en Allemagne, la Gamescom. Et comme toujours la soirée de lancement est réservée aux trailers et aux premières images de gameplay que nous proposent les éditeurs et les studios. La soirée débute avec un visage familier du monde vidéoludique, celui de Geoff Keighley, l’host de la soirée. Après une courte introduction, le premier trailer arrive sans tarder, ce dernier commence par un logo que beaucoup reconnaissent, un phoenix déployant ses ailes dans l’espace. Après un mouvement de caméra apparaît une planète frappée par un astéroïde. Enfin dans le cratère créé on passe à la première personne, le personnage ramasse un masque et le retourne pour annoncer une suite pas très attendue, Borderlands 4 de 2K et Gearbox pour une sortie prévue en 2025. Le trailer s’arrête là, sans image du gameplay. Arrive ensuite les images du prochain opus de la franchise des Call of Duty avec Black Ops 6. On nous y montre les images de la première mission de la campagne du jeu qui se déroule après la Guerre froide alors que des forces œuvrent dans l’ombre contre les USA. Cette mission se déroule lors d’un gala politique qui vire au drame et à la fusillade, on y voit assez peu de nouveauté en terme de gameplay et l’histoire ne va certainement pas innover non plus mais les développeurs ont promis 16 cartes jouables en multijoueur et deux cartes pour le mode Zombie qui sera disponible dès la sortie du jeu en octobre 2024. Dune : Awakening se dévoile en MMORPG ambitieux, entre survie et stratégie On a eu aussi des nouvelles du prochain jeu Dune : Awakening du studio français Focus Entertainment. Il prendra la forme d’un MMORPG avec des aspects  de survie et tout un système de craft et de construction de bâtiment, l’occasion de présenter l’économie du jeu et la possibilité de vendre ses créations. On nous montre aussi la création de personnage qui semble assez complète avec des mécaniques de personnalités qui influeront sur le gameplay propre au personnage. Le studio nous donne aussi un aperçu du système politique du jeu avec les différentes maisons mais surtout l’épice d’Arrakis, source de pouvoir convoitée par tout le monde et pour laquelle il faudra se battre. En somme un jeu très complet en apparence qui devrait sortit sur PC en 2025. La soirée a vu aussi le nom de Tarsier Studio apparaître 2 fois. D’abord pour annoncer un tout nouveau jeu de leur, Reanimal, un jeu de plateforme qui reprend les codes de leurs jeux phares Little Nightmares avec un aspect horrifique et gameplay tout à fait similaire, ils ont par ailleurs annoncé la suite de la série Little Nightmares avec un troisième opus. Les deux sont déjà disponibles sur Steam en wishlist. Nous avons aussi eu des nouvelles du septième jeu de la série des Civilization de Firaxis Games qui montre cette fois-ci un peu de gameplay et une direction artistique qui n’est pas sans rappeler Civilization IV, le jeu est prévu pour le 11 février 2025.  Kingdom Come Deliverance, VR immersive et les dernières surprises de la Gamescom La suite de Kingdom Come Deliverance a aussi eu droit à un nouveau trailer. Pour rappel, on y suit les aventures du jeune Henry, jeune chevalier du royaume de Bohême au XVe siècle ayant échappé au massacre de sa famille par un groupe de mercenaires. Le jeu est lui aussi prévu pour le 11 février 2025. La VR est aussi mise à l’honneur lors de cette conférence avec l’annonce de Batman Arkham Shadow, qui vient s’inscrire dans la trilogie Arkham de Rocksteady, le jeu sort en octobre 2024 sur le Meta Quest 3 développé par Meta. On approche de la fin et la Gamescom a encore quelques surprises pour le public avec notamment la réapparition de Peter Molyneux (Fable, Dungeon Keeper, Populous) pour nous présenter un tout nouveau godgame réalisé avec son équipe d’antan. Le jeu s’appelle Masters of Albion, où l’on doit construire sa ville et collecter des ressources pour se défendre, la nuit tombée, contre des vagues de monstres. Le jeu promet une personnalisation très poussée, allant jusqu’à modifier les régime alimentaire des habitants de la ville. Le jeu est lui aussi disponible en wishlist sur Steam. Nous avons eu droit aussi à des images du prochain jeu Indiana Jones and the Great Circle, un  FPS d’exploration et d’aventure avec Troy Baker pour incarner l’archéologue. Le jeu sort le 9 décembre sur Xbox et PC et au printemps 2025 pour les consoles Sony. Enfin la conférence se conclut sur des images du prochain jeu Mafia qui se déroulerait en Sicile, aux origines des gangs ayant proliféré aux Etats-Unis dans les années 20. Plus de détails sur le jeu en décembre 2024, certainement à l’occasion des Games Awards. Comme les autres éditions de la Gamescom, les éditeurs auront été assez avares en détails sur les jeux avec assez peu de nouveautés annoncées lors de cette soirée, on peut imaginer qu’ils veulent garder un certain nombre de cartouches pour les Games Awards, où tous les yeux seront braqués sur eux.

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Paris Impressionniste : reproduction du Salon des Refusés

Avant tout, une petite remise en contexte s’impose. A cette époque, le souvenir de la guerre franco-prussienne et de la défaite du Second Empire est encore vif dans les esprits. Paris est alors en pleine reconstruction et on poursuit les transformations de la capitale commencées par le baron Haussmann en perçant de nouveaux boulevards, en édifiant des gares ou en installant de nouveaux espaces verts. L’opéra Garnier est l’une de ces nouvelles constructions au sein d’un quartier totalement remodelé avec de nouvelles avenues plus larges et des boulevards. Au milieu de cette atmosphère, un groupe d’artistes de tous bords (peintre, sculpteur, etc) se forme autour de nouvelles propositions esthétiques dans la Société anonyme des peintres, sculpteurs, graveurs,etc. Parmi eux se trouvent Claude Monet, Auguste Renoir ou encore Edgar Degas, pour ne citer que les plus connus aujourd’hui. La guerre étant terminée, ils peuvent enfin commencer à élaborer leur projet de salon (projet existant depuis 1860) en se choisissant d’abord des locaux. C’est l’ancien atelier du photographe Nadar, 35 boulevard des Capucines, qui est choisi par Degas. Ils commencent alors à réunir des mécènes intéressés par le projet comme le marchand d’art Paul Durand-Ruel. Ils mettront 3 ans pour créer le projet que l’on connaît maintenant sous le nom du Salon des Refusés, qui ouvre ses portes le 15 avril 1874. Il attire, à l’époque, près de 3500 visiteurs. C’est au total un peu plus de 200 œuvres que le Salon expose à la vue du public avec une trentaine d’artistes différents, de tous milieux et de tous âges avec un point commun : la volonté d’exposer librement, sans l’intervention de juges ou de marchands, et de vendre leur travail.    Reproduction presque à l’identique Le musée d’Orsay et les commissaires de l’exposition ont décidé de reproduire l’exposition de 1874 à travers les œuvres accrochées aux murs mais aussi avec la couleur des murs, choisie pour coller au maximum à celle de 1874. C’est pourquoi nous entrons dans une première salle aux murs rouge-brun comme au 35 boulevard des Capucines. Cette dernière a été, à l’origine, agencée par Auguste Renoir qui fait la part belle à ses œuvres. Ainsi il en est donc à Orsay avec sur les murs avec 3 tableaux de Renoir, 1 de Monet et 1 de Degas. On y voit donc La Danseuse, La Parisienne et La Loge de Renoir, placés de manière à ce que ce soit les premières choses que l’on remarque. On observe déjà les prémices de ce que sera l’impressionnisme plus tard avec les touches légères et rapides donnant un espèce de flou au tableau faisant disparaître certains détails mais laissant apparaître une texture particulière, notamment sur la robe bleue de La Parisienne. Cette salle met déjà en avant des sujets similaires, à savoir la proximité avec la réalité plutôt que le religieux ou les scènes d’histoire. Le Boulevard des Capucines de Monet l’illustre bien, il peint, depuis la fenêtre de l’atelier, la vie à l’extérieur, les passants et les voitures toujours avec cette touche légère, comme si nous regardions par la fenêtre ce qui se passe dehors. Mais l’exposition ne se limite pas qu’à cela, comme mentionné plus tôt il y a des artistes de tous âges présents en 1874, on observe alors une grande variété de styles et de sujets. Par exemple, on peut mentionner le Clair de lune sur les bords de l’Oise, à l’Isle-Adam de Pierre Bureau, qui représente un paysage nocturne et les effets de lumières qui s’accompagnent dans le ton jaunâtre de satellite caché en partie par les nuages. La lumière a un rôle essentiel dans l’impressionnisme puisqu’elle est l’élément avec lequel les peintres vont jouer pour montrer le temps qui passe et ses effets sur l’environnement, la série des Cathédrales de Rouen de Monet qui l’illustre le mieux avec 30 représentations de l’édifice à différents moments de la journée. Gustave Henri Colin s’est lui aussi essayé au paysage avec Le Castillo et le goulet de pasagès, Marée haute qui met en avant un sublime paysage de campagne et surtout le reflet de ce dernier dans l’eau qui est ici un miroir presque parfait de la réalité. C’est celui-ci d’ailleurs qui attire immédiatement l’œil plutôt que la falaise à côté. La femme est aussi mise à l’honneur puisque la peintre Berthe Morisot est aussi exposée, bien qu’ele ne soit que l’une des deux seules femmes présentes. Elle souhaite mettre en avant ses qualités de portraitistes avec le portrait de sa sœur, fait à l’aide de pastel. Les touches de bleus sont astucieusement réparties pour permettre au spectateur de parcourir tout le tableau et de croiser par ailleurs, le regard franc et la silhouette sombre de la femme enceinte. Les commissaires de l’exposition ont aussi décidé de mettre à l’honneur des sculpteurs et des graveurs pour proposer une exposition aussi éclectique qu’à l’époque. Ainsi de nombreuses gravures que Félix Bracquemond sont présentées à côté de l’édition originale du catalogue du Salon des Refusés.  Opposition au Salon de 1874  La Société anonyme n’a pas choisi cette date du 15 avril au hasard. Deux semaines après débute le Salon de 1874, le 1er mai, dans le Palais de l’Industrie et des Beaux-Arts à vingt minutes à pied du boulevard des Capucines. 2000 peintures y sont accrochées, oscillant entre scènes de genre, sujets religieux, historiques ou mythologiques. Tous les ans cette exposition attire beaucoup de monde, les artistes y jouent bien souvent leur carrière et espèrent une reconnaissance internationale. Ici les œuvres impressionnistes sont systématiquement refusées depuis les années 1860, bien que certains grands noms, que l’on rapproche à tort du mouvement, parviennent à y accéder comme Edouard Manet. Ici la présentation est différente, les murs sont d’un rouge éclatant et les tableaux sont presque collés les uns aux autres, le spectateur n’a pas vraiment l’occasion de respirer. Emile Zola aura ces mots pour décrire le Salon : “Des tableaux, toujours des tableaux, des salles longues comme de Paris en Amérique”, des mots qui montrent bien la lassitude de l’auteur

Culture

L’épineuse question de l’adaptation d’œuvres littéraires au cinéma

Depuis quelques années, le cinéma français se peuple de films d’adaptation en prenant pour scénario des classiques de la littérature. Ces dernières sont de plus ou moins bonne qualité mais elles posent une question très importante : qu’est-ce qu’une bonne adaptation au cinéma ? Il y a quelques semaines est sorti dans nos salles Le Comte de Monte-Cristo, la 14e adaptation de l’œuvre de Dumas au cinéma depuis le début du XXe siècle. Avant Pierre Niney, d’autres acteurs ont porté ce rôle avec brio comme Léon Mathot en 1918 dans une adaptation en huit épisodes, la version de Jean Marais, très fidèle au roman et ayant atteint les 8 millions d’entrées, le film est même passé par Hollywood avec Jim Caviezel pour interpréter le comte. Ces adaptations ont le point commun de rester fidèle à l’œuvre originale et elles ont toutes eu leur succès. La dernière en date est peut-être celle qui prend le plus de liberté en prenant le risque de faire plusieurs modifications concernant les personnages avec Angèle ou avec la suppression de Noirtier ou de la famille d’Epinay. L’objectif était de faire tenir le film en trois heures sans suites prévues, d’où ces choix scénaristiques très bien pensés. En dehors de cela la structure reste la même, le film reste protégé par les pages du livre et l’on ne peut affirmer que ce respect de l’œuvre assure sa qualité au cinéma. Julie Anselmini, enseignante-chercheuse à l’Université de Caen et spécialiste de l’oeuvre d’Alexandre Dumas précise : “Il est toujours difficile de savoir ce qu’est une bonne adaptation, les dernières de Dumas [Les Trois Mousquetaires, Le Comte de Monte-Cristo] prouvent cette ambiguïté, le premier a moins bien marché que le dernier alors que c’est la même recette”. En effet les réalisateurs sont les mêmes, les réalisateurs aussi mais le succès est plus retentissant pour le Comte que d’Artagnan. Le diptyque cumule un peu plus de 5 millions d’entrées, chiffre que Dantès atteint à lui tout seul alors que le film est toujours en salle pour le moment. Le cas Eragon Eragon : pour ceux qui l’auraient oublié le roman a eu droit à une adaptation en 2006 par Stefan Fangmeier. Le film devait suivre le roman et avoir plusieurs suites, un projet qui sera avorté après la diffusion du premier film, mais pourquoi ? Déjà parce que le film n’a pas rencontré (ou retrouvé) son public dans les salles, n’ayant atteint que les 3/4 de son budget (75 millions de dollars récupérés sur 100 millions investis) et surtout pour les trop grandes libertés prises par rapport aux livres de Christopher Paolini. Entre suppression de personnages, raccourcis scénaristiques et oublis majeurs empêchant la production d’une suite, Eragon s’est saboté tout seul en même temps qu’il a anéanti la carrière de certains comme Edward Speleers, le détenteur du rôle titre. Le film pourrait servir de cas d’école, manifestement le réalisateur ne connaissait pas l’œuvre d’origine et a commis des erreurs avortant tout projet de suite avec notamment le retrait des Nains, cruciaux dans la suite du roman. Ce que nous montre ce raté c’est que le film aurait dû prendre le temps de suivre les points importants du livre comme Peter Jackson dans Le Seigneur des Anneaux en retirant les parties jugées anecdotiques pour faire tenir les films dans les trois opus qui lui ont été donnés. Il aurait pu au moins s’attirer la faveur des fans et s’assurer ainsi une base de visionnages solides puisque le livre a été un immense succès lorsqu’il est sorti. Le contre-exemple A l’inverse de tout cela, il y a Shining. Pour ceux qui ont vu le film sans lire le livre, ils pourraient penser que c’est une œuvre tout à fait originale. Et pourtant c’est un roman de Stephen King qui a servi de base à tout cela. A sa sortie le film a reçu un accueil mitigé, l’actrice Shelley Duvall et le réalisateur Stanley Kubrick ont été nommés aux Razzie Awards pour les catégories de la « pire actrice » et du « pire réalisateur ». Le succès ne viendra que plus tard devenant au passage un classique du cinéma d’horreur, Jack Torrance figurant parmi les meilleurs méchants de l’histoire du cinéma et le film ayant été classé 29e dans les 100 meilleurs thrillers du cinéma américain. Pourtant le film est un bel exemple d’adaptation très libre de livre, l’auteur Stephen King reprochant à Kubrick la disparition de certains thèmes importants (l’alcoolisme de Jack Torrance et sa transformation en père horrible à cause de l’abus d’alcool, etc) à tel point que l’auteur prendra les commandes d’une nouvelle adaptation en un téléfilm de trois parties pour rester fidèle à son histoire. Il refusera aussi que son nom apparaisse dans le générique du film, considérant ce dernier comme quelque chose de totalement détaché du l’ouvrage original. Comment cela s’explique ? Peut-être par l’interprétation magistrale de Jack Nicholson, qui rend à merveille la folie du personnage sur le grand écran ou encore la vision géniale de Kubrick qui couple les mots à une imagerie sublime et de très belles musiques. La question de l’adaptation est une chose très complexe qui en plus de cela ne dispose pas de cas généraux permettant de déterminer une sorte de base. Il est impossible de savoir ce qu’est une vraie bonne adaptation, si celle-ci doit coller le livre ou bien s’en détacher. Certains prennent le voie de l’entre-deux comme les dernières adaptations des œuvres de Dumas tandis que d’autres sortent du canon imposé par le livre et crée quelque chose d’unique. Le tout étant que mettre des mots en images n’est pas quelque chose de facile, reproduire pensées des personnages n’est pas donné à tout le monde et certains s’y cassent même les dents, comme Eragon, dont on attend encore une adaptation digne de ce nom.

Culture

« Horizon » : à la conquête des salles, ou presque

100 millions de dollars, c’est ce qu’a coûté Horizon à son réalisateur Kevin Costner. Le premier opus de cette saga cinématographique est sorti le 3 juillet dans les salles du monde entier. Une production très ambitieuse qui semble ne pas rentrer dans les frais de Costner malgré déjà près de trois semaines d’exploitation. Retour sur l’échec de ce film. Il y a quelques mois sortait les premières bandes-annonces d’une toute nouvelle saga historique retraçant la conquête de l’Ouest par les États-Unis. Avec un beau casting et beaucoup de promesses, le long-métrage du réalisateur de Danse avec les loups nous plonge dans l’Amérique de 1859, pendant la conquête de l’Ouest. Le film débute par le meurtre d’un géomètre et de sa famille par des Apaches dans la vallée de San Pedro (Arizona)  alors que celui-ci était en train de tracer les parcelles de la future ville d’Horizon. Après l’enterrement des victimes par un cow-boy passant par là, le film fait un bond de quelques années, quatre pour être précis, et nous montre la première communauté de colons installée sur les mesures du géomètre assassiné. Le même groupe d’Apaches attaque le campement et y massacre les habitants ne laissant que des cendres et quelques survivants dont le jeune Russell parti prévenir l’armée fédérale. Parallèlement à cela, dans le Montana, une femme tire à deux reprises dur un certain James Sykes et s’enfuit avec un nourrisson. La mère de l’homme envoie quelques hommes retrouver la femme qui a refait sa vie. Elle a pris le nom d’Ellen Harvey et vit avec Walter Childs, le ménage cohabite avec une prostituée du nom de Marigold qui rencontre le marchand de chevaux Hayes Ellison (interprété par Costner). Enfin une troisième histoire est amorcée sur la piste de Santa Fe, on y suit un convoi de pionniers se dirigeant vers Horizon. Parmi eux se trouve un couple anglais composé de Juliette Chesney et Hugh Proctor, des bourgeois qui découvrent un style de vie bien éloigné de ceux de la City anglaise.  D’indéniables qualités Le film montre énormément de choses en quelques heures. Bien sûr, l’imagerie est magnifique, les paysages américains se prêtent très bien à la caméra et transmettent parfaitement ces idées de territoires grandioses et vierges, plein de promesses et de dangers pour les colons qui persistent vers l’Ouest pour en découvrir toutes les richesses. Cette poursuite de l’or se fait au prix des locaux qui se vengent par des raids et des meurtres engageant ainsi un cycle de sempiternelles violences. Par cette ambivalence, le film exhibe des qualités d’écriture évidentes en prenant le soin de n’épargner personne et de brouiller les frontières du bien et du mal, bien que certains traits de caractères indiquent explicitement les mentalités de certains personnages. Le film, en tant que premier chapitre d’un triptyque, installe énormément de choses et donne une fin très ouverte, presque impossible à deviner, en intégrant dans ses dernières images de nouveaux personnages. Pour donner un exemple concret, il faudrait prendre le cas de Marigold et Hayes. D’une rencontre provoquée par les appétits pécuniaires mais nécessaires de Marigold se développe une étrange relation qui pousse les deux personnages à fuir ensemble les hommes aux trousses de l’enfant pris par Ellen Harvey à Sykes quelques années plus tôt. Tout s’emboite logiquement sans pour autant être prévisible, du moins pas complètement. Les acteurs sont bons dans ce qu’ils font et ils parviennent à peu près tous à transmettre ce caractère évolutif sans y revenir textuellement, ils grandissent par leur comportement et par leurs actes plus que par le texte. Des défauts évitables Pourtant le film porte des défauts qui viennent entacher l’expérience du spectateur. Parlons d’abord des récits enchâssés. Le seul fil rouge qui réunit tous ces récits est Horizon, qui devient le point névralgique de tous les personnages à mesure que le film avance. Seulement le film est long, et le réalisateur ne ménage pas son public en donnant énormément d’informations au spectateur, qui devrait presque se munir d’un carnet pour prendre des notes. En soi le film n’est pas incompréhensible mais le flot de nouveautés est trop important et parfois trop condensé pour suivre confortablement le film. Aussi malgré une bonne écriture le film garde certains clichés de scénario avec par exemple celui du soldat américain juste et droit, preux chevalier et sauveur de ces dames que sa hiérarchie n’écoute pas alors que ce dernier a manifestement raison. Ce personnage sert à installer une romance étrange, quasiment prétexte pour faire oublier les horreurs de la guerre. La relation en elle-même n’est pas tellement dérangeante mais la manière de l’amener est là encore presque cliché voire risible pour les spectateurs que la migraine épargne. L’on pourrait aussi discuter de certains choix musicaux originaux comme la musique épique qui intervient juste après le massacre d’un campement apaches par un détachement isolé d’Américains. Peut-être doit-on voir là un effet de style pour exacerber le contraste entre la scène réelle et le sentiment des vainqueurs. On peut mentionner aussi cette fin ouverte que nous propose le film. Certes, ces trois heures ne sont que les premières d’une saga mais ce premier volet ne peut pas tenir par lui-même sans ses suites, il ne propose pas de véritables conclusions, si ce n’est une vision du futur des personnages, images que l’on retrouvera certainement dans la suite. Cela explique peut-être l’échec du film au box office, n’ayant récolté à ce jour qu’une vingtaine de millions de dollars, seulement un petit cinquième du montant avancé par Costner lui-même par l’hypothèque de sa maison à Santa Barbara.

Culture

« La réunification des deux Corées » : quand l’amour montre son vrai visage

La pièce de théâtre La réunification des deux Corées de Joël Pommerat se joue du 24 avril au 14 juillet 2024 à Paris, 11 ans après sa sortie en 2013. La pièce s’attaque au sentiment amoureux sous toutes ses coutures, une spécialité du dramaturge. Que se passe-t-il lorsque l’amour s’en va, nous dévore ou devient toxique ? C’est le sujet exploré par Joël Pommerat dans La réunification des deux Corées. Parue pour la première fois en 2013, cette fresque théâtrale sur les multiples facettes de l’amour revient sur scène au théâtre de la porte Saint-Martin jusqu’au 14 juillet 2024. Mise en scène par son auteur en personne, la pièce dure une heure et demie. À travers 20 histoires indépendantes, elle montre les différentes facettes des relations amoureuses, pour le meilleur et parfois, pour le pire. L’amour dans toute sa réalité Deux amants se déchirant, une mère voulant protéger son enfant, un couple ne s’aimant plus. Chaque scène raconte une histoire proche de nous et de nos vies. La plume très simple de Joël Pommerat et ses dialogues quotidiens nous plongent dans la peau des personnages et nous incitent à la réflexion. La réunification des deux Corées ne traite pas l’amour comme une belle chose, à l’instar d’un récit romantique, mais comme un sentiment crû, parfois blessant. Il donne une raison de vivre aux personnages, mais se heurte souvent à un impossible : de la maladie au temps qui passe, en passant par la drogue ou la folie. Un parti-pris parfois cynique, qui se retrouve dans le titre même de la pièce, clin d’œil à une impossible réconciliation. Auteur et metteur en scène reconnu, Joël Pommerat est réputé pour sa vision réaliste et brutale, et pour aimer explorer au plus profond les sentiments humains. Montrer la complexité des relations humaines Avant de traiter le sujet de l’amour, l’auteur avait, en 2010, écrit Cet enfant exactement sur le même modèle de petites histoires. Pommerat y explorait, non pas un sentiment, mais les relations entre parents et enfants. Une pièce profonde, voire perturbante, et dont on retrouve l’influence dans La réunification des deux Corées. À travers ces portraits, la volonté est de nous amener à réfléchir sur ces liens émotionnels et sociaux qui donnent parfois la force d’avancer, mais peuvent aussi faire souffrir. En montrant un réel cru, parfois proche du fait divers, Joël Pommerat entend montrer la complexité qui se cache derrière les apparences simples des interactions quotidiennes.

Culture

Aurélien Langlois, jazz, rock et THC

C’est dans un petit carré de verdure, au cœur du XIIIe arrondissement de Paris, que je m’installe. Le journaliste que je suis ne peux s’empêcher de voir dans les buissons et les haies fraîchement taillées le souvenir du confrère qui donne son nom au parc, Paul Nizan. Tout me ramène à lui aujourd’hui, le journalisme certes mais aussi le parcours de celui que je reçois. Habillé d’un costume trois pièces noir, le dandy barbu s’installe en face de moi et me salue, je lui réponds. L’entretien commence presque immédiatement par les présentations d’usage, il s’appelle Aurélien Langlois, il est professeur d’anglais en CPGE à Compiègne au lycée Pierre d’Ailly. Mené sur cette voie par « le cours des choses » il choisit à la fin l’anglais plutôt que le russe « parce qu’au début du XXIe ce n’était pas le meilleur moment pour partir en Russie et puis Oxford c’est vachement mieux ». Nous abordons alors le sujet principal de cet entretien : la musique. Il en a fait étant petit et il a décidé de continuer sur cette voie plutôt que celle du sport. S’il a certes commencé par la flûte à bec, c’est bel et bien le saxophone qui le séduira définitivement lorsqu’il découvre « le jazz et le saxophone en même temps » genre et instrument qu’il pratiquera dans les salles de musique de l’École Normale supérieure. Certains titres l’ayant marqué lui reviennent au cours de notre entretien, A Love Supreme de John Coltrane « ce n’est pas l’album qui m’a fait découvrir le jazz mais ça reste un des sommets du genre indubitablement », il se souvient aussi du rock des années 60-70 qu’il écoutait adolescent. Ses pensées l’amènent aussi vers Le Sacre du printemps de Stravinsky, un ballet ayant inspiré beaucoup d’artistes dont John Coltrane cité plus tôt. Dans 90 % des cas, c’est de l’improvisation Le saxophoniste joue pour trois groupes différents, un de rock, un de jazz et un autre plus expérimental. Sous les Pavés, Kaléido et Tension Hormonale Contrôlée sont les noms de ces trois groupes, deux se concentrent sur la reprise tandis que le dernier produit des compositions originales. « A l’origine le groupe s’appelait Thurne Cosmique (en référence aux salles de l’ENS), ce qui faisait THC. Nos titres étaient nommés à l’avenant et l’un d’entre eux avait comme titre Tension Hormonale Contrôlée, nom qu’on a gardé après la refondation du groupe puisqu’on ne jouait plus cette musique ». C’est un groupe sans message particulier, sans parole d’ailleurs, uniquement instrumental, « c’est un peu la musique pour la musique », un côté un petit peu parnassien me permets-je d’ajouter. Nous finissons par en venir au processus même de la création musicale au sein de THC. « Il y a deux cas de figure pour nos créations. D’abord le cas où l’un d’entre nous apporte un morceau presque clé en mains, il y a toujours un peu de travail collectif mais ce ne sont que des retouches mais il y a d’autres [morceaux] qui sont vraiment créés de façon collective où on élabore une idée ensemble jusqu’à ce que cela donne quelque chose de définitif ». Il ajoute « dans 90 % des cas il y a toujours une grande part d’improvisation ne serait-ce que par les instruments mélodiques que sont les saxophones et la guitare, ça vient ajouter une dimension jazz, il y a toujours de la création sur place ». Cela dit nous concluons l’entretien par quelques échanges sur l’apport de la littérature au monde de la musique, les deux étant des milieux relativement poreux, quelques exemples sont cités comme Langston Hughes ou Jack Kerouac. Je prends une photo du personnage, amical et souriant aussi bien sur l’image qu’en dehors, et nous échangeons une poignée de main en guise de salutation pour que nous prenions chacun le chemin du retour.

Culture

Le Comte de Monte-Cristo ou la réadaptation réussie

Le vendredi 28 juin dernier est sortie dans nos salles une promesse, celle de voir les ennemis d’Edmond Dantès payer pour leur trahison. Les cinémas de France et de Navarre ont fait place au film d’Alexandre de la Patellière et Mathieu Delaporte pour enfin rendre justice au pensionnaire du château d’If.

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