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Taedium vitae ou le dégoût de la vie, À Rebours, Joris-Karl Huysmans

Nous sommes le 4 décembre au moment où ces lignes apparaissent, le gouvernement vient de tomber sous les coups de la motion de censure, la France, elle, pâlit, l’avenir s’écrasant sur son visage.

Parfois la littérature se revêt du costume de la réalité, devenant un reflet de l’esprit de son lecteur. Aujourd’hui c’est à rebours que je m’exprime, hors du temps et de la société qui m’entoure. À la manière d’un Jean des Esseintes je me réfugie dans mon appartement certes bien peu décoré mais suffisamment isolé de l’extérieur. Le temps d’une soirée j’écris, presque par déplaisir, casque sur les oreilles, yeux rivés sur mon écran d’ordinateur. Le pays pourrait s’effondrer, il a de toute façon bien entamé son déclin, que je resterais assis sur ma chaise de bois noir, les doigts sur le clavier, les livres dans mon champ de vision. À droite Huysmans, à gauche Wilde, l’un isolé, l’autre perverti. 

Faillite

La nostalgie… Un sentiment bien étrange quand on y réfléchit deux secondes. “Le regret d’une chose que l’on n’a pas connue” me dit le TLFi. Il est vrai qu’aujourd’hui je repense tout particulièrement à mes cours d’histoire, ceux portant sur le siècle de Vienne. Il fut un temps où la France était le meilleur soliste du concert des nations. Avant-gardiste aussi bien en politique que dans les arts elle servait de référence, les Françaises et les Français se faisaient apôtres des libertés, brandissant fièrement le progrès social comme un glaive. Bien que très romancée, cette période constitue toujours pour moi quelque chose de presque enviable. Maintenant je ne me sens plus en phase avec rien. Les politiques sont les piètres comédiens d’une troupe d’amateurs, les journalistes sont aussi dignes de confiance qu’un arracheur de dents et les milieux culturels sont gangrénés par des individualités aussi méprisables que le pire des larrons. Tableau fort pessimiste j’en conviens mais il est difficile de trouver quelqu’un, de nos jours, qui soit pleinement satisfait de la tournure que prend le monde. Guerres, massacres, faillite politique et banqueroute… les joies les plus simples de la vie sont englouties par une vague d’inquiétude qui se transforme peu à peu en raz-de-marée. Retourner dans le passé ? A quoi bon ! Fuir ? Pour aller où ? Se battre ? Vague illusion piétinée par les bottes d’un CRS. Que nous reste-t-il finalement, alors que la Nature semble reprendre le contrôle des instincts les plus primaires des grands de ce monde. Quoi de plus naturel que la société actuelle ? L’envie pour moteur, l’avarice et la cupidité pour carburants. Le liquide de refroidissement qu’est la Raison semble en rupture de stock. Le concert des nations est orchestré par un maître ivre de pouvoir, l’harmonie rêvée n’est en fait qu’une succession de bruit. L’analogie est en peu forcée je vous l’accorde.

Taedium vitae, vous traduirez chez vous

Les mots viennent difficilement tant je peine à penser. J’écris à chaud début décembre, je ne veux plus rien entendre jusqu’à demain matin. Le journaliste que je suis m’implore de rester éveillé, à l’écoute des informations les plus fraîches, il a faim de nouveauté. Le rédacteur, lui, ne demande rien de plus que du temps pour lui (temps qu’il est en train de prendre d’ailleurs) et force le journaliste à l’ascèse. Le paragraphe précédent me montre à quel point je suis fatigué de voir mon pays natal se décomposer lentement, les charognards autour n’attendant que le dernier soupir pour se sustenter d’une chaire fraîche. Les muscles sont atrophiés, les tendons sectionnés, il ne reste plus que quelques organes exposés sous un soleil de plomb, mutilés par la tumeur attachée au cerveau. Le corps se meurt recouvert par un drapeau troué, traîné dans la boue par une politique brusque, rustre et idéaliste. Voyant cela je crois être prêt à signer pour l’existence d’un monde qui s’étendrait de ma fenêtre à ma porte d’entrée, mon lit au milieu, mes livres et mes jeux autour. Ce que j’écris n’est pas un article c’est encore un billet d’humeur dans lequel je ne fais qu’exprimer un désir bien moindre par rapport à celui des autres. Ce sera peut-être le dernier sous cette forme, je n’ai pas envie de réécrire quelque chose de cet acabit, il n’analyse rien, il ne montre rien, il fait autant de bruit qu’un pétard noyé et dénonce aussi bien qu’un auteur selon des lycéens en manque d’inspiration. Je me rends compte d’ailleurs que je ne suis peut-être pas si “à rebours” que cela finalement.

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