Le 12 septembre dernier est sorti le tout nouvel album de Twenty One Pilots. Intitulé Breach, il est composé de treize titres pour plus d’une quarantaine de minutes d’écoute. Cette production vient mettre un point final à l’histoire de Clancy que l’on suit depuis dix ans maintenant.
Clancy est un personnage fictif de cette histoire. Il est citoyen de la ville de Dema, une ville circulaire entourée d’un mur de béton, située tout au Sud du continent vert et sauvage de Trench. Cette cité est gouvernée par neuf personnes, les Bishops, dotés de pouvoirs miraculeux et à la tête d’une religion appelée Vialism dont le précepte principal dit que la seule voie vers le Paradis passe par l’autodestruction. Leurs capacités leur permettent de prendre le contrôle des morts pour quelques instants lors d’une cérémonie particulière. Les habitants sont complètement coupés du monde extérieur, ils ne peuvent pas sortir de la ville. Seuls Clancy et quelques autres personnes y sont parvenus pour former les Banditos sur le reste du continent. Clancy est le seul à résister aux pouvoirs des Bishops. Après plusieurs péripéties, que racontent les albums précédents depuis Blurryface, Clancy arrive sur une île où il obtient le pouvoir de prendre le contrôle des morts, comme les dirigeants de Dema. Breach nous raconte le combat final entre Clancy et Nico, le chef des Bishops.
La fin d’un cycle
À la fin de Paladin Strait de l’album de 2024, Clancy parvient à entrer dans la tour de Nico et à se débarrasser des huit autres Bishops. Seulement Nico, ayant tout prévu, arrive et parvient à prendre brièvement le contrôle du protagoniste en l’attrapant par le cou. Ainsi débute Contract, qui se déroule dans la tête du héros pendant que celui-ci tente d’échapper au contrôle mental. Il s’en sort finalement pour entamer son combat contre Nico dans le premier titre de l’album : City Wall. Le combat fait rage, aussi bien dans la tour que dehors, entre les Banditos et les forces des Bishops. Clancy est vite acculé et semble perdre sur tous les aspects, il est traîné par son adversaire dans ses souvenirs (Heavydirtysoul, Jumpsuit et Levitate), remarquant l’aspect cyclique de ces confrontations, ce n’est pas la première fois que cela arrive. Clancy est transpercé par ses propres armes et s’évanouit avant de se relever, avec ses dernières forces, pour tuer Nico d’un geste de la main (celui-ci « |-/ »). Lorsque les Banditos arrivent, ils voient Clancy se vêtir à la manière des Bishops, par désir de pouvoir. Il choisit alors huit nouveaux adeptes et s’apprête à régner sur la ville. L’histoire se termine par un dialogue entre deux Banditos, les deux derniers, signifiant que le Clancy qu’ils ont connu n’est pas celui qui vient de prendre le pouvoir, son esprit, son combat vagabondent toujours dans Trench, il leur suffira de le retrouver pour recommencer.
Twenty One Pilots et la santé mentale
Toutes les bonnes histoires demandent une deuxième lecture, une lecture interprétative. Le groupe américain aura donné à toute une génération d’adolescents et de jeunes adultes du grain à moudre sur des sujets rarement abordés à ce niveau de profondeur. Les différents albums du groupe servent à mettre en lumière les combats internes de chacun, les fragilités et les anxiétés d’un public abordant une époque difficile, historiquement chargée, où la dépression et le suicide chez les jeunes n’auront jamais été aussi fortes. Tyler Joseph et Josh Dun auront su mettre des mots, des mélodies, des percussions sur des problèmes que l’on a toujours du mal à partager, à extérioriser. Le cycle de Clancy montre les épreuves que la personne atteinte de dépression traverse, les moments d’espoir, de joie et les violentes rechutes. Dema et le Vialism ne sont que les représentations à peine voilées du suicide, qui peut devenir pour certaines et certains la seule voie possible vers le bonheur, la félicité. Clancy représente ce combat constant mais aussi une forme d’espoir. Torchbearer (le personnage interprété par le batteur Josh Dun) est quant à lui un pilier sur lequel se reposer, un ami, de la famille ou un animal de compagnie. C’est quelque chose qui ne vous lâche pas, vous soutient, vous aide, vous accompagne à chaque instant, même les plus sombres. Le message qui ressort de cet arc narratif, c’est que la dépression n’est pas une fin, une impasse. Elle doit être combattue, plus ou moins âprement, avec l’aide de celles et ceux qui comptent dans nos vies. Évidemment il ne suffit pas de le dire pour que cela arrive, tout est plus complexe. Mais une chose est sûre, on ne mène pas ce combat seul et une issue peut-être trouvée.
Musicalement parlant
Il est temps de revenir à la musique pure. Breach s’inscrit dans la lignée créative que suit le groupe depuis ses débuts. Il n’y a pas d’étiquette particulière, ils empruntent à tous les styles de musique pour proposer une expérience unique. Dans cet album, on retrouve des tonalités tenant du rock ou du hard rock, de la pop et de l’électro, mélangées à des paroles profondes, introspectives et dramatiques. Truffé de références à leurs anciens albums, notamment sur le dernier titre Intentions qui reprend la mélodie de Truce à l’envers, ce produit a de quoi espérer se faire une belle place dans les charts, peut-être sur la plus haute marche, position que le groupe n’a plus atteinte depuis son explosion en 2017 avec Stressed Out et Ride.