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L’Homme qui rit, Joker : Todd Phillips et Victor Hugo

Mercredi 2 octobre 2024 : la suite du Joker sort dans les salles obscures françaises. Avec son dernier film, Todd Phillips montre qu’il a de la suite dans les idées mais aussi que son Joker est plus semblable à un personnage hugolien qu’au Joker des comics de DC.

Le pitch est on ne peut plus clair. On est après le coup d’éclat d’Arthur Fleck en direct à la télévision, il est interné dans l’asile d’Arkham. Il y fait la rencontre de Harley Quinn, internée aussi, dont il tombe follement amoureux. Un procès est organisé pour les meurtres du Joker et la question que se pose le film est la suivante : est-ce qu’Arthur Fleck et le Joker sont la même personne ?

La tragédie cynique du Joker

Oui, il est possible de considérer le Joker comme un personnage promis à une grande destinée malgré le malheur qu’il porte tout au long des films, Le Joker c’est l’histoire d’un pauvre type boulotté par la vie, ses proches et ses pulsions qui, à la fin du premier volet, embrasse la partie sombre de lui-même avec pour seule revendication de se porter à la connaissance du monde. Chose qu’il réussit à merveille en tuant, en direct, Bill Murray, présentateur d’une grande émission de télévision. Il serait difficile de dire que cette fin n’est pas satisfaisante tant la mise en scène est parfaite, tant le “héros” est mis en valeur par le film mais aussi par la foule, ses fans, une sorte de vengeance sur une société corrompue qui passe son temps à broyer dans ses mâchoires la “vile multitude” de Gotham. Incarcéré à Arkham, on découvre dans la suite un Arthur Fleck fatigué, un Joker bâillonné par des traitements lourds et quotidiens et par des gardiens plus atroces les uns que les autres. Pourtant le Joker se réveille, “Enfin !” s’écrira le spectateur, “It was about time !” dira quant à lui le représentant britannique infiltré dans la salle. Seulement le spectateur est maigrement récompensé, Arthur a fait le choix de rejeter les agissements de son double maléfique sur lui, plus par contrainte que par choix, il a vu ce que son personnage provoque chez les autres et les conséquences auxquelles ils font face par sa faute. Il choisit de plaider coupable plutôt que d’accepter son autre facette. 

Victor Hugo quand tu nous tiens

Vous avez peut-être déjà entendu quelqu’un vous dire : “Tu savais que le Joker était inspiré d’un livre de Victor Hugo ?” certainement sur un ton voulant montrer sa culture supérieure. Si ce n’est pas le cas Sence s’en occupe, on vous épargne même la lecture. L’Homme qui rit est un roman de Victor Hugo se déroulant en Angleterre. On y suit surtout l’histoire d’un enfant abandonné et avec le visage taillé par un sourire d’ange qui lui remonte jusqu’aux oreilles, c’est du moins l’endroit où s’arrêtent ses cicatrices. Il est nommé Gwynplaine et il est recueilli par un philosophe ambulant, Ursus, accompagné de son loup domestique, Homo. Pendant une quinzaine d’années, la troupe va proposer des spectacles en utilisant la particularité de Gwynplaine pour se faire de l’argent. Ils finissent par passer à Londres et, par un concours de circonstances et des sentiments très forts à l’égard d’une noble ayant assisté à une de ses représentations, il est emmené dans une somptueuse résidence. Il y apprend être l’héritier d’une grande famille de pairs d’Angleterre. Il finit par participer à une séance de la Chambre des Lords. Là-bas il prend la parole et se présente en tant que Misère, il représente le bas-peuple savamment ignoré les grands de ce monde. Malgré son éloquence il est ridiculisé à cause de sa cicatrice et de son passif en tant que comique ambulant. C’est sur cet aspect que tient notre comparaison avec Arthur Fleck. Portés au rang de représentant des bas-fonds de la société, nos héros ont senti des ailes grandir de leurs omoplates, ils ont voulu être plus ou moins que ce qu’ils n’étaient réellement. Arthur a voulu rester Arthur plutôt que d’embrasser le Joker et il en paie le prix tandis que Gwynplaine s’est vu révolutionnaire sans qu’on lui demande, il est retombé humilié à sa condition première : bête de foire. Tous les deux se sont fait trahir par la mauvaise perception qu’ils ont eu d’eux. Volontaire ou non Todd Phillips fait ressortir cet aspect des personnages, il a magnifié le Joker pour nous donner un Arthur brisé et divisé, Hugo nous a montré un personnage ambitieux ramené sur terre la tête la première à cause de ce qui le différencie des autres. Tous les deux souffrent à cause de l’homme qui rit malgré eux.

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