La littérature a toujours suscité l’intérêt du septième art. Récemment c’est Alexandre Dumas qui a été largement mis à l’honneur avec Les Trois Mousquetaires et Le Comte de Monte-Cristo. Récemment la presse française a appris une nouvelle étonnante : le réalisateur Joann Sfar aurait obtenu les droits pour adapter le roman de Céline. Retour sur l’œuvre mais surtout son auteur.
Lorsque l’on pense littérature française, les noms de Victor Hugo, Emile Zola ou Alexandre Dumas ressortent assez facilement. Mais il en est un qui fait presque office de tabou, tant la personne a pu être exécrable en son temps, c’est Louis-Ferdinand Céline, auteur du Voyage au bout de la nuit, ou la pérégrination d’un déserteur refusant catégoriquement la guerre.
Pessimisme viscérale et rejet de l’autre
“Ça a débuté comme ça.” Ferdinand Bardamu est un jeune parisien du début du XXe siècle. Comme tous les jeunes hommes de cette époque, il vit l’entrée en guerre de la France en 1914 et devient bon gré mal gré l’un des acteurs de cette guerre. Embrigadé comme tout le monde, presque enthousiaste à l’idée de la déculotté qu’il va infliger aux Allemands, il se retrouve embourbé dans un conflit qui n’en finit pas, où on lui ordonne de tirer sur des gens qu’il ne connaît pas, qui ne lui ont pas fait de mal, qui, comme lui, obéissent à des ordres absurdes. Il fait alors le choix, quand l’opportunité se présente, de déserter, de refuser la guerre, quand bien même “ils seraient neuf cent quatre-vingt quinze millions” contre lui. Là commence un tour du monde, en Afrique aux Etats-Unis puis finalement en France, qu’il parcourt du Sud au Nord et inversement. Il est confronté aux affres de la société humaine, cupide, malveillante, intéressée, démunie, léthargique après une guerre de quatre ans, ressentie quarante. D’officier coloniale, il passe ouvrier puis médecin et assistant dans une clinique de fou. Éprouvé, épuisé et surtout dégoûté par la société mondiale, il est sans autre repère que sa condition, ses besoins primaires et pécuniaires. Le roman se termine sur un tableau nul, il est arrivé au bout de la nuit pour voir des hommes ivres renverser un poêle par accident, non loin la Seine, sur elle un remorqueur qui avance vers le lointain, qui emporte tout histoire “qu’on n’en parle plus”.
Oeuvre géniale, personnage détestable
Du livre nous ne parlons plus, de l’homme il faut discuter. Il ne devrait pas être trop risqué de dire que Céline est un personnage… clivant, à minima. S’il refuse la guerre, et c’est tout à son honneur, son antisémitisme suinte pourtant. Oui ses romans ne l’expriment pas clairement mais Louis-Ferdinand est aussi (presque surtout) connu pour une assez conséquente production de pamphlets violents, affreux de préjugés sur les peuples Juifs du monde. Cette haine fait froid dans le dos quand on écoute les podcasts de Philippe Collin sur France Inter qui nous apprend que ces écrits n’ont été commandités par personne, ils sont le produit pur de la pensée de l’homme qu’était Céline. Faire ce film est un défi artistique, évidemment, mais c’est surtout un défi médiatique. Joann Sfar est conscient que le fantôme de Céline plane sur cette production, que le contexte actuel rend certainement plus difficile la réalisation d’un tel projet, même si l’œuvre en elle-même n’est pas empreinte de cet aspect du personnage. Pour l’instant le film n’existe que dans son esprit, reste à savoir s’il sera aussi bien accueilli au box-office que les adaptations de Dumas.