Où est né l’impressionnisme ? Certains diront à Paris, au 35 boulevard des Capucines à l’occasion du Salon des Refusés et ils auraient raison si l’on parle du mouvement. Mais qu’en est-il du style ? Impossible d’y répondre avec certitude mais ce qui est sûr c’est que les impressionnistes ont leur capitale : Rouen, l’occasion de faire un petit tour d’horizon à travers 4 représentations de la ville.
La vue générale de Rouen, Claude Monet, 1892
Une lueur rosée pour signifier un levé de soleil, un édifice qui transperce le plafond des toitures au milieu de reliefs entourant la ville, voilà ce qu’est La vue générale de Rouen. Produit depuis le panorama de la Côte Sainte-Catherine, le pinceau de Monet ne se pose pas la question du photoréalisme et du détail des bâtiments, il donne simplement à voir à travers les yeux de l’artiste. Quelques lignes verticales pour faire sortir de terre les habitations et au centre des motifs plus hauts que les autres pour signifier la magistrale cathédrale de Rouen, seul signe véritablement distinctif de la ville sur la représentation. Limite verticale mais aussi horizontale le bâtit ne s’étale plus après elle, il s’efface pour nous amener à regarder l’horizon, le point de rencontre entre le cieux et les sols, là où l’orange et et le rose pâle se mélange et viennent propager leurs couleurs sur le reste du tableau. Une lumière qui perd en intensité à l’approche du panorama, captée par l’édifice central. Voilà ce qui attire les peintres dans cette ville, son exposition particulière due au fait que Rouen s’est construite dans une “cuvette” autour des méandres de la Seine. Elle propose aussi une large variété de paysages, qu’ils soient industriels, résidentiels ou agricoles et parfois marins.
L’île Lacroix sous la neige, Albert Lebourg, 1893
On redescend maintenant du panorama de Sainte-Catherine pour se diriger vers une petite île au milieu de la ville et de la Seine, l’île Lacroix. Imaginez-vous en hiver. Il fait froid et la neige existe encore à cette période, si bien que la ville de Rouen en est recouverte. Maintenant prenez place sur l’île Lacroix et regardez les bras de la Seine qui s’ouvrent et vous verrez le tableau d’Albert Lebourg. Les touches de bleu savamment dispersés sur la toile nous permettent de s’attarder sur chacun des détails que nous offre le peintre comme ce magnifique reflet de l’usine dans l’eau gelée du fleuve, ces bateaux amarrés et couverts de neige, le relief en fond et le brouillard que l’on suppose matinal. Un tableau froid certes mais qui nous permet de faire une pause dans toute l’agitation de l’époque, les usines sont à l’arrêt tout comme les embarcations, tout est calme, rien ne vient troubler la quiétude qu’inspire cette oeuvre de l’artiste, émanation de l’Ecole de Rouen.
Le Pont Boieldieu à Rouen, temps mouillé, Camille Pissarro, 1896
Nous partons maintenant vers le centre-ville de Rouen pour aller faire quelques pas qur le pont Boieldieu. A priori plutôt ordinaire, le pont à pourtant fait l’objet d’un tableau de Camille Pissarro en 1896. Toujours dans la mouvance impressionniste, le peintre décide de nous montrer toute l’activité de la ville et de la Seine avec ce pont, point de passage obligé pour traverser le fleuve. On y voit ainsi toute la fumée crachée par les usines et les bateaux aussi bien au premier plan qu’au fond pour représenter l’industrie et la modernité qui se concentre autour du fleuve parisien, ces thèmes étant des sujets de prédilections pour nos amis impressionnistes. Mais il n’y a pas que le fleuve qui vit, le pont en lui-même est traversé par plusieurs voitures, conduisant probablement des bourgeois ou des propriétaires vers les usines. L’œuvre montre ainsi tout le dynamisme industriel de l’époque et le développement particulier de la ville avec la mise en valeur des méandres qui la traversent.
Série des Cathédrales de Rouen, Claude Monet 1892-1894
Quoi de mieux pour clore cet article que la cathédrale de Rouen, véritable chœur de cette ville. De l’édifice Monet fera 30 tableaux, tous réalisés à des heures différentes de la journée pour bien montrer le pouvoir qu’à la lumière dans la composition d’un tableau. Le Portail, élément le plus représenté de la série, expose parfaitement ce jeu constant entre ombre et lumière qui traverse la journée. Parfois coloré et clair, parfois morne, gris et triste, le portail est montré dans tous ses états. De l’aube jusqu’à la fin de l’après-midi les détails de portail, illuminés par le soleil, ressortent chacun leur tour pour se montrer à l’œil attentif du spectateur. Le seul désavantage de ce tableau, c’est que les tableaux sont tous exposés aux quatre coins du monde, empêchant le spectateur de contempler les trente versions de la cathédrale.