C’est dans un petit carré de verdure, au cœur du XIIIe arrondissement de Paris, que je m’installe. Le journaliste que je suis ne peux s’empêcher de voir dans les buissons et les haies fraîchement taillées le souvenir du confrère qui donne son nom au parc, Paul Nizan. Tout me ramène à lui aujourd’hui, le journalisme certes mais aussi le parcours de celui que je reçois. Habillé d’un costume trois pièces noir, le dandy barbu s’installe en face de moi et me salue, je lui réponds. L’entretien commence presque immédiatement par les présentations d’usage, il s’appelle Aurélien Langlois, il est professeur d’anglais en CPGE à Compiègne au Lycée Pierre d’Ailly. Mené sur cette voie par « le cours des choses » il choisit à la fin l’anglais plutôt que le russe « parce qu’au début du XXIe ce n’était pas le meilleur moment pour partir en Russie et puis Oxford c’est vachement mieux ».
Nous abordons alors le sujet principal de cet entretien : la musique. Il en a fait étant petit et il a décidé de continuer sur cette voie plutôt que celle du sport. S’il a certes commencé par la flûte à bec, c’est bel et bien le saxophone qui le séduira définitivement lorsqu’il découvre « le jazz et le saxophone en même temps » genre et instrument qu’il pratiquera dans les salles de musique de l’Ecole Normale Supérieur. Certains titres l’ayant marqué lui reviennent au cours de notre entretien, A Love Supreme de John Coltrane « ce n’est pas l’album qui m’a fait découvrir le jazz mais ça reste un des sommets du genre indubitablement », il se souvient aussi du rock des années 60-70 qu’il écoutait adolescent. Ses pensées l’amènent aussi vers Le Sacre du printemps de Stravinsky, un ballet ayant inspiré beaucoup d’artistes dont John Coltrane cité plus tôt.
Dans 90% des cas, c’est de l’improvisation
Le saxophoniste joue pour trois groupes différents, un de rock, un de jazz et un autre plus expérimental. Sous les Pavés, Kaléido et Tension Hormonale Contrôlée sont les noms de ces trois groupes, deux se concentrent sur la reprise tandis que le dernier produit des compositions originales. « A l’origine le groupe s’appelait Thurne Cosmique (en référence aux salles de l’ENS), ce qui faisait THC. Nos titres étaient nommés à l’avenant et l’un d’entre eux avait comme titre Tension Hormonale Contrôlée, nom qu’on a gardé après la refondation du groupe puisqu’on ne jouait plus cette musique ». C’est un groupe sans message particulier, sans parole d’ailleurs, uniquement instrumental, « c’est un peu la musique pour la musique », un côté un petit peu parnassien me permets-je d’ajouter. Nous finissons par en venir au processus même de la création musicale au sein de THC. « Il y a deux cas de figure pour nos créations. D’abord le cas où l’un d’entre nous apporte un morceau presque clé en mains, il y a toujours un peu de travail collectif mais ce ne sont que des retouches mais il y a d’autres [morceaux] qui sont vraiment créés de façon collective où on élabore une idée ensemble jusqu’à ce que cela donne quelque chose de définitif ». Il ajoute « dans 90% des cas il y a toujours une grande part d’improvisation ne serait-ce que par les instruments mélodiques que sont les saxophones et la guitare, ça vient ajouter une dimension jazz, il y a toujours de la création sur place ». Cela dit nous concluons l’entretien par quelques échanges sur l’apport de la littérature au monde de la musique, les deux étant des milieux relativement poreux, quelques exemples sont cités comme Langston Hughes ou Jack Kerouac. Je prends une photo du personnage, amical et souriant aussi bien sur l’image qu’en dehors, et nous échangeons une poignée de main en guise de salutation pour que nous prenions chacun le chemin du retour.