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L’épineuse question de l’adaptation d’œuvres littéraires au cinéma

Depuis quelques années, le cinéma français se peuple de films d’adaptation en prenant pour scénario des classiques de la littérature. Ces dernières sont de plus ou moins bonnes qualités mais elles posent une question très importante : qu’est-ce qu’une bonne adaptation au cinéma ?

Il y a quelques semaines est sorti dans nos salles Le Comte de Monte-Cristo, la 14e adaptation de l’œuvre de Dumas au cinéma depuis le début du XXe siècle. Avant Pierre Niney, d’autres acteurs ont porté ce rôle avec brio comme Léon Mathot en 1918 dans un adaptation en 8 épisodes, la version de Jean Marais, très fidèle au roman et ayant atteint les 8 millions d’entrées, le film est même passé par Hollywood avec Jim Caviezel pour interpréter le comte. Ces adaptations ont le point commun de rester fidèle à l’œuvre originale et elles ont toutes eu leur succès. La dernière en date est peut-être celle qui prend le plus de liberté en prenant le risque de faire plusieurs modifications concernant les personnages avec Angèle ou avec la suppression de Noirtier ou de la famille d’Epinay. L’objectif était de faire tenir le film en 3 heures sans suites prévues, d’où ces choix scénaristiques très bien pensés. En dehors de cela la structure reste la même, le film reste protégé par les pages du livre et l’on ne peut affirmer que ce respect de l’œuvre assure sa qualité au cinéma. Julie Anselmini, enseignante-chercheuse à l’Université de Caen et spécialiste de l’oeuvre d’Alexandre Dumas précise : “Il est toujours difficile de savoir ce qu’est une bonne adaptation, les dernières de Dumas [Les Trois Mousquetaires, Le Comte de Monte-Cristo] prouvent cette ambiguïté, le premier a moins bien marché que le dernier alors que c’est la même recette”. En effet les réalisateurs sont les mêmes, les réalisateurs aussi mais le succès est plus retentissant pour le Comte que d’Artagnan. Le diptyque cumule un peu plus de 5 millions d’entrées, chiffre que Dantès atteint à lui tout seul alors que le film est toujours en salle pour le moment.

Le cas Eragon

Eragon : pour ceux qui l’auraient oublié le roman a eu droit à une adaptation en 2006 par Stefan Fangmeier. Le film devait suivre le roman et avoir plusieurs suites, un projet qui sera avorté après la diffusion du premier film, mais pourquoi ? Déjà parce que le film n’a pas rencontré (ou retrouvé) son public dans les salles, n’ayant atteint que les 3/4 de son budget (75 millions de dollars récupérés sur 100 millions investis) et surtout pour les trop grandes libertés prises par rapport aux livres de Christopher Paolini. Entre suppression de personnages, raccourcis scénaristiques et oublis majeurs empêchant la production d’une suite, Eragon s’est saboté tout seul en même temps qu’il a anéanti la carrière de certains comme Edward Speleers, le détenteur du rôle titre. Le film pourrait servir de cas d’école, manifestement le réalisateur ne connaissait pas l’œuvre d’origine et a commis des erreurs avortant tout projet de suite avec notamment le retrait des Nains, cruciaux dans la suite du roman. Ce que nous montre ce raté c’est que le film aurait dû prendre le temps de suivre les points importants du livre comme Peter Jackson dans Le Seigneur des Anneaux en retirant les parties jugées anecdotiques pour faire tenir les films dans les trois opus qui lui ont été donnés. Il aurait pu au moins s’attirer la faveur des fans et s’assurer ainsi une base de visionnages solides puisque le livre a été un immense succès lorsqu’il est sorti.

Le contre-exemple

A l’inverse de tout cela, il y a Shining. Pour ceux qui ont vu le film sans lire le livre, ils pourraient penser que c’est une œuvre tout à fait originale. Et pourtant c’est un roman de Stephen King qui a servi de base à tout cela. A sa sortie le film a reçu un accueil mitigé, l’actrice Shelley Duvall et le réalisateur Stanley Kubrick ont été nommés aux Razzie Awards pour les catégories de la Pire actrice et du Pire réalisateur. Le succès ne viendra que plus tard devenant au passage un classique du cinéma d’horreur, Jack Torrance figurant parmi les meilleurs méchants de l’histoire du cinéma et le film ayant été classé 29e dans les 100 meilleurs thrillers du cinéma américain. Pourtant le film est un bel exemple d’adaptation très libre de livre, l’auteur Stephen KIng reprochant à Kubrick la disparition de certains thèmes importants (l’alcoolisme de Jack Torrance et sa transformation en père horrible à cause de l’abus d’alcool, etc) à tel point que l’auteur prendra les commandes d’une nouvelle adaptation en un téléfilm de trois parties pour rester fidèle à son histoire. Il refusera aussi que son apparaisse dans le générique du film, considérant ce dernier comme quelque chose de totalement détaché du l’ouvrage original. Comment cela s’explique ? Peut-être par l’interprétation magistrale de Jack Nicholson, qui rend à merveille la folie du personnage sur le grand écran ou encore la vision géniale de Kubrick qui couple les mots à une imagerie sublime et de très belles musiques. 
La question de l’adaptation est une chose très complexe qui en plus de cela ne dispose pas de cas généraux permettant de déterminer une sorte de base. Il est impossible de savoir ce qu’est une vraie bonne adaptation, si celle-ci doit coller le livre ou bien s’en détacher. Certains prennent le voie de l’entre-deux comme les dernières adaptations des œuvres de Dumas tandis que d’autres sortent du canon imposé par le livre et crée quelque chose d’unique. Le tout étant que mettre des mots en images n’est pas quelque chose de facile, reproduire pensées des personnages n’est pas donné à tout le mond et certains s’y cassent même les dents, comme Eragon, dont on attend encore une véritable adaptation digne de ce nom.

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