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Lee Miller, reporter des massacres de la guerre

“Le poids des mots, le choc des images”, voilà le slogan qu’utilise Paris Match pour mettre en avant son contenu. Mais sur le coup ils n’ont pas été très innovants puisque c’est une maxime que la journaliste du Vogue britannique, Lee Miller, avait compris bien avant eux.

Mercredi 9 octobre, un nouveau film apparaît dans nos salles obscures. A l’affiche : Cate Blanchett dans le rôle de la reporter de guerre Lee Miller, correspondante pour Vogue pendant la Seconde Guerre mondiale à partir de 1944, de Saint-Malo à la Hongrie, en passant par Colmar, l’Allemagne et l’Autriche. Ses images sont les premières à montrer toutes les atrocités commises par le régime nazi.

Le récit d’une femme dévouée

Le film commence après que la vie de mannequin de Lee Miller est terminée. On est en 1938, dans le Sud de la France, la vie est belle, légère, ensoleillée, Lee Miller passe du temps avec ses amies. Elle rencontre un certain Roland, galeriste anglais et artiste lui-même qui connaît déjà Miller grâce à sa carrière dans le mannequinat. Elle trouve l’amour et le suit à Londres, cependant l’ascension d’un certain dictateur allemand est sous-estimée par le monde entier. On la retrouve quelque temps plus tard alors qu’elle a commencé sa carrière au sein de Vogue en tant que photographe et journaliste. Les événements de la guerre parviennent jusqu’à la capitale britannique, son mari est réquisitionné pour confectionner les camouflages des tanks de l’armée britannique. 
Elle rencontre David Sherman, photographe pour Life Magazine, fait face aux obstacles auxquels les femmes sont confrontées à l’époque et se voit refuser l’accès à une base aérienne, l’empêchant de faire son reportage. Une certaine frustration se fait sentir chez elle et à raison. Son mari est finalement envoyé en France pour rejoindre le front et travailler sur le camouflage optique des équipements Alliés. C’en est fini de l’inaction, elle parvient à se faire intégrer dans la 83e division de l’armée de libération. Là commence son immersion dans cette guerre, elle y voit les mutilés d’abord et est prise dans la bataille de Saint-Malo. Elle assiste, impuissante, au traitement réservé aux femmes ayant eu des relations avec les officiers allemands, volontairement ou non, et poursuit jusqu’à Paris, les vers de Liberté dans la tête. Elle continue son périple vers l’Est, atteint l’appartement du chancelier allemand, et passe devant des trains de déportés remplis de cadavres pour enfin terminer par une dernière vision d’horreur, les camps de concentration.

lee miller, reporter de guerre

Impressions

En sortant de la salle, la première impression que l’on ressent, c’est un sentiment de frustration. On part sans avoir réellement vu les travaux de Lee Miller. Bien sûr le film est un biopic, c’est bien normal d’être en face d’un tel récit. Seulement l’aspect photographique, les images n’ont pas autant d’importance que ce à quoi on aurait pu s’attendre. Mais ce n’est qu’un sentiment à chaud. D’autant plus que c’est une volonté scénaristique de faire ressortir le parcours de cette femme si importante dans l’histoire du photojournalisme, du reportage de guerre et bien sûr du travail de mémoire. Seulement, en y réfléchissant un peu plus, cette “absence” de photo est utile à quelque chose, partager cette frustration, celle qu’a pu ressentir Lee Miller en apprenant que ses images sont trop choquantes pour le lectorat européen et qu’elles ne seront donc pas publiées dans la version britannique de Vogue. Certaines scènes s’attardent sur les prises les plus connues de la journaliste comme sa photo d’un wagon rempli de cadavres ou celle de Miller imitant Eva Braun, compagne de Hitler, dans la baignoire du chancelier. Il y a, en plus, assez peu de scènes “choc” pour illustrer le point de vue du monde avant les révélations au sujet des camps et de la déportation.

Finalement ce film met en avant une qualité nécessaire aux journalistes, élevée au rang de vertu par Lee Miller, c’est la persévérance. Le bon journaliste, c’est celui qui trouve toujours moyen d’avoir l’information qu’il veut, si la porte est fermée il faut profiter de l’ouverture de la fenêtre. Ce film est ainsi un bel hommage au photojournalisme. C’est, au même titre que les travaux de Robert Capa, une pierre angulaire de cette discipline si bien mise en avant ici par une journaliste forte et déterminée mais qui n’a pas eu la reconnaissance qu’elle mérite largement.

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