Des drones israéliens ont largué quatre grenades à proximité de Casques bleus le 2 septembre, dans l’un des incidents les plus graves depuis le cessez-le-feu de novembre 2024. Cette attaque intervient alors que le Conseil de sécurité a décidé, sous pression américaine et israélienne, de programmer le retrait de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) en 2027.
Le mardi 2 septembre, des drones de l’armée israélienne ont largué quatre grenades assourdissantes près d’une patrouille de la FINUL dans le sud du Liban. Les Casques bleus, qui procédaient au dégagement d’un barrage routier entravant l’accès à un poste de l’ONU, se trouvaient à proximité immédiate de la « Ligne bleue », la frontière de facto fixée par les Nations unies entre Israël et le Liban.
Selon la FINUL, l’une des grenades est tombée à moins de vingt mètres des soldats, trois autres à une centaine de mètres. L’organisation a dénoncé une « attaque grave » et une « violation flagrante de la résolution 1701 », rappelant que l’armée israélienne avait été informée à l’avance de l’opération. Aucun blessé n’a toutefois été recensé.
UNIFIL statement on attack on peacekeepers clearing roadblocks:
— UNIFIL (@UNIFIL_) September 3, 2025
Yesterday morning, Israel Defense Forces (IDF) drones dropped four grenades close to UNIFIL peacekeepers working to clear roadblocks hindering access to a UN position close to the Blue Line.
L’armée israélienne a démenti toute intention d’attaquer la mission onusienne. « Nos forces ont identifié une activité suspecte et ont déployé plusieurs grenades à proximité pour éloigner une menace potentielle », a déclaré le lieutenant-colonel Nadav Shoshani, porte-parole de Tsahal. Paris a condamné « avec fermeté » l’incident, insistant sur la nécessité pour la FINUL de pouvoir exercer « pleinement son mandat et sa liberté de mouvement ».
Un mandat prolongé, mais sous condition
Quelques jours plus tôt, le 28 août, le Conseil de sécurité avait voté une dernière prolongation du mandat de la FINUL, jusqu’au 31 décembre 2026. Le retrait « ordonné et sûr » de la mission est programmé à partir de cette date et devra s’étaler sur un an, scellant ainsi la fin d’une présence ininterrompue de près d’un demi-siècle au Sud-Liban.
Israël et les États-Unis ont salué une décision jugée « historique ». L’ambassadeur israélien auprès de l’ONU a accusé la FINUL d’avoir « échoué à empêcher le Hezbollah de prendre le contrôle de la région ». Pour Washington, ce retrait est la traduction de la vocation « intérimaire » de la mission.
La France, premier contributeur européen avec environ 700 militaires engagés dans l’opération Daman, plaidait pour une prolongation d’un an sans calendrier de départ. Mais face à la menace d’un veto américain, Paris a dû accepter la programmation du retrait. « Un compromis difficile », selon un diplomate français cité par l’AFP. Plusieurs États membres, dont la Chine et le Royaume-Uni, ont regretté un départ anticipé qu’ils jugent porteur d’un « vide dangereux ».
La FINUL, tampon fragile au Sud-Liban
Créée en mars 1978 à la suite de la première invasion israélienne du Liban, la FINUL avait pour mandat initial de confirmer le retrait israélien et d’aider le gouvernement libanais à restaurer son autorité dans le Sud du pays. Elle compte aujourd’hui 10 800 Casques bleus issus de 48 pays. Son mandat actuel repose sur la résolution 1701 du Conseil de sécurité, adoptée en août 2006 après la guerre entre Israël et le Hezbollah.
La FINUL assure plusieurs missions : surveiller le cessez-le-feu, accompagner le redéploiement de l’armée libanaise, détecter les caches d’armes du Hezbollah et soutenir la population civile à travers des programmes humanitaires. Mais son efficacité est limitée. Depuis le cessez-le-feu du 27 novembre 2024, les Casques bleus ont signalé 318 caches d’armes et bunkers du Hezbollah, dont un abritant un canon d’artillerie russe.
Parallèlement, l’armée israélienne maintient des positions stratégiques au sud du Litani, en violation de la résolution 1701. Ces deux réalités soulignent les limites d’une mission qui ne peut ni désarmer directement le Hezbollah, ni contraindre Israël à se retirer.
Héritage et fragilité d’une mission intérimaire
La FINUL s’inscrit dans une longue histoire des forces de maintien de la paix onusiennes au Moyen-Orient. Dès 1956, la première Force d’urgence des Nations unies (FUNU) avait été déployée au Sinaï et dans la bande de Gaza, avant d’être dissoute sous la pression égyptienne en 1967, à la veille de la guerre des Six-Jours.
Depuis son installation, la FINUL a traversé des décennies de crises. Elle n’a pu empêcher la seconde invasion israélienne du Liban en 1982, ni l’essor du Hezbollah dans les années 1980. Après le retrait israélien de 2000, puis la guerre de 2006, son mandat a été renforcé mais son rôle demeure celui d’une force tampon, critiquée par toutes les parties.
« Les critiques sont inévitables pour une mission impartiale », rappelle Andrea Tenenti, porte-parole de la FINUL. Les autorités libanaises, affaiblies par la crise économique et politique, n’ont pas les moyens de se substituer aux Casques bleus. Pour nombre d’observateurs, leur départ risque de fragiliser davantage une région déjà marquée par la volatilité des rapports de force.
Une présence française historique
La France est engagée dans la FINUL depuis sa création. Ses 700 militaires participent à la Force Commander Reserve (FCR), spécialisée dans la reconnaissance héliportée et les évacuations médicales. L’armée française soutient aussi directement les Forces armées libanaises, notamment par la formation de militaires et l’acheminement de fret humanitaire.
En octobre 2024, une conférence internationale à Paris avait réuni une trentaine de pays pour renforcer la souveraineté libanaise et soutenir la population civile. Pour l’Élysée, la FINUL reste un pilier de stabilité, mais son avenir dépend désormais de la capacité du Liban à reprendre seul le contrôle du Sud.