Lee Jae-myung : l’ascension d’un réformateur à la tête de la Corée du Sud

Élu à la présidence sud-coréenne dans un contexte politique dramatique, Lee Jae-myung incarne à la fois les espoirs et les controverses d’un pays en pleine crise. Son parcours atypique et les scandales qui l’entourent marquent profondément son arrivée au pouvoir.

Lee Jae-myung, 61 ans, investi président de la Corée du Sud le 4 juin, s’impose comme un personnage complexe et clivant. Issu d’une famille très pauvre d’Adong, dans la province du Gyeongsang, Lee a dû interrompre sa scolarité dès l’âge de onze ans pour travailler dans une usine de gants. À treize ans, il subit des accidents du travail graves qui le laissent handicapé à vie. Une résilience remarquable le pousse pourtant à reprendre ses études par le biais de cours du soir, jusqu’à obtenir un diplôme de droit à l’université Chung-Ang.

Ascension politique entre engagements et polémiques

Avocat engagé, Lee s’est spécialisé dans la défense des droits humains et des travailleurs avant d’entrer en politique. Élu maire de Seongnam en 2010, il s’y fait remarquer en fermant le plus grand marché de viande canine du pays, décision symbolique qui assoit sa réputation auprès des progressistes sud-coréens. Gouverneur de la province du Gyeonggi entre 2018 et 2021, il reçoit les louanges pour sa gestion exemplaire de la crise sanitaire liée au Covid-19. En 2022, sa première candidature présidentielle échoue de peu face à Yoon Suk Yeol (0,76 % d’écart), mais renforce son statut d’opposant principal.

Pourtant, Lee Jae-myung est régulièrement rattrapé par les affaires judiciaires. Il a été accusé à plusieurs reprises de corruption, d’abus de confiance, et de favoritisme envers des promoteurs privés lorsqu’il était maire de Seongnam, entraînant des pertes financières conséquentes pour la municipalité. L’affaire la plus explosive concerne un transfert illégal présumé de huit millions de dollars vers la Corée du Nord, qu’il nie fermement, dénonçant une instrumentalisation politique du parquet.

En janvier 2024, la tentative d’assassinat dont il est victime à Busan, gravement blessé par arme blanche, accentue encore sa visibilité publique tout en le contraignant à mener campagne sous haute protection rapprochée.

Victoire dans un contexte d’urgence démocratique

C’est dans un climat politique exceptionnel que Lee Jae-myung s’impose lors de l’élection anticipée du 3 juin 2025, provoquée par la destitution de son prédécesseur Yoon Suk Yeol. Ce dernier, ayant tenté d’imposer la loi martiale en décembre 2024, déclenche une crise politique importante. Lee joue un rôle déterminant en se rendant en urgence au Parlement encerclé par l’armée, pour voter la motion de destitution. Cette image d’un homme politique résistant courageusement à une dérive autoritaire marque profondément l’opinion publique.

Avec une participation record proche de 80 %, Lee obtient 49,42 % des voix face à son adversaire conservateur Kim Moon-soo, qui concède rapidement sa défaite. Pourtant, l’épée de Damoclès judiciaire reste suspendue au-dessus de sa présidence, notamment avec une condamnation en 2024 pour fausses déclarations. Un répit judiciaire lui a été accordé récemment. Le 26 mars, Lee a été blanchi en appel des accusations de fausses déclarations lors d’un débat présidentiel datant de la campagne présidentielle de 2022, qui auraient pu lui interdire toute participation électorale pendant dix ans. Le parquet a néanmoins fait appel devant la Cour suprême, prolongeant ainsi l’incertitude sur son avenir judiciaire.

Une présidence face à des défis existentiels

Aussitôt investi pour combler le vide du pouvoir laissé par la destitution de Yoon, Lee Jae-myung s’attaque à une mission titanesque : réunifier un pays profondément divisé, relancer une économie affaiblie et stabiliser la diplomatie. Dans son discours d’investiture, il promet de « panser les plaies » internes et externes, de restaurer l’unité nationale et de garantir la démocratie sud-coréenne contre toute menace autoritaire.

Sa stratégie diplomatique, « pragmatique » selon ses mots, entend équilibrer les relations délicates entre les États-Unis, son allié historique devenu plus imprévisible sous Donald Trump, et ses voisins chinois et nord-coréen. Lee souhaite notamment renforcer l’alliance avec Washington tout en évitant une trop forte dépendance stratégique face à Pékin. Sa proposition d’une diplomatie pragmatique et équilibrée sera mise à rude épreuve dans un contexte international marqué par la rivalité sino-américaine et les tensions autour de Taïwan.

Malgré une situation précaire sur le plan judiciaire et sécuritaire, Lee Jae-myung incarne pour ses partisans l’espoir d’un renouveau démocratique et économique. Mais ses détracteurs restent convaincus que les scandales passés pèsent trop lourdement sur sa légitimité politique.

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