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L’accord de défense russo-nord-coréen, une alliance stratégiquement risquée

Le 4 décembre 2024, la Russie et la Corée du Nord ont officiellement ratifié un accord de défense mutuelle, marquant une nouvelle ère dans leurs relations. Ce traité, signé à Moscou après plusieurs mois de négociations discrètes, renforce l’alliance stratégique entre les deux pays, avec des implications pour la sécurité mondiale, en particulier en Asie du Nord-Est.

La guerre en Ukraine, lancée par la Russie en février 2022, a mené Moscou dans un isolement diplomatique et économique international sans précédent. Les sanctions occidentales ont contraint la Russie à chercher de nouveaux alliés pour pallier ses besoins en armement et en ressources. Dans ce contexte, la Corée du Nord, qui partage une hostilité commune envers les États-Unis et leurs alliés, est devenue un partenaire privilégié.

Depuis l’extension des sanctions internationales contre la Corée du Nord, notamment après ses tests nucléaires et de missiles, Pyongyang a aussi cherché des alliés capables de contourner ces restrictions. Le partenariat avec la Russie permet ainsi à Kim Jong Un de renforcer son programme nucléaire et d’accéder à des technologies militaires avancées.

De l’amitié à une alliance stratégique

Entre 2023 et 2024, les relations russo-nord-coréennes ont connu un certain tournant. Initialement marquées par des échanges diplomatiques ponctuels, elles ont progressivement évolué vers une alliance stratégique, soutenue par des rencontres de plus en plus courantes.

En septembre 2023, Vladimir Poutine et Kim Jong Un se sont rencontrés pour la première fois au cosmodrome de Vostochny, un lieu symbolisant les ambitions technologiques de Moscou. Cette visite, la plus longue effectuée par Kim Jong Un à l’étranger depuis son arrivée au pouvoir, a renforcé l’idée d’une convergence stratégique durable. Au cours de cette rencontre, Kim a qualifié les relations avec la Russie de « liens stratégiques éternels », marquant une volonté explicite de renforcer leur coopération militaire et économique.

Cette dynamique s’est accélérée avec le sommet de juin 2024, tenu à Pyongyang, où Vladimir Poutine a effectué une visite, sa première en Corée du Nord depuis 24 ans. Cette rencontre a permis la signature d’un « partenariat stratégique global », incluant des clauses d’assistance militaire mutuelle. Cet accord, entré en vigueur en décembre 2024, a symbolisé une nouvelle étape dans la coopération entre les deux régimes.

Une assistance militaire mutuelle « sans délai »

L’un des points clés de cet accord est l’engagement des deux pays à se fournir une assistance militaire « sans délai » en cas d’agression extérieure. Cela signifie que toute attaque contre l’un des deux États entraînera automatiquement une réponse conjointe. Un engagement tacite qui n’attend aucune validation internationale, comme celle du Conseil de sécurité de l’ONU. Ce principe pourrait ainsi faciliter une escalade rapide des tensions, en particulier si un conflit éclate dans la région. Cette clause, particulièrement inquiétante pour la stabilité de la région, a été saluée par Vladimir Poutine comme un « pas important vers un nouvel ordre mondial multipolaire ».

Le pacte ne se limite pas à une simple alliance militaire. La Corée du Nord, qui a déjà envoyé des troupes soutenir la Russie dans le conflit ukrainien, pourrait fournir à la Russie des munitions et des équipements militaires. En retour, la Corée du Nord espère recevoir des technologies avancées, notamment dans les domaines des missiles, des satellites et des sous-marins. Ces échanges permettent à Pyongyang de moderniser ses capacités militaires, notamment son programme nucléaire, tout en renforçant son contrôle interne et son image de puissance régionale.

Aussi la Russie, confrontée à une pénurie de main-d’œuvre en raison de la guerre en Ukraine, pourrait bénéficier de l’envoi de travailleurs nord-coréens. En retour, Pyongyang cherche à obtenir des devises fortes et à renforcer son économie affaiblie par des sanctions internationales.

Cependant, ces échanges risquent de provoquer des remous sur la scène internationale, les Nations unies interdisant l’emploi de travailleurs nord-coréens à l’étranger depuis 2019.

Des risques de prolifération et d’escalade

Le rapprochement entre les deux pays, fondé sur une coopération militaire et stratégique renforcée, constitue désormais un axe Kim-Poutine qui risque d’intensifier les tensions dans une région déjà marquée par des rivalités et des conflits non résolus.

L’un des risques majeurs réside dans la possibilité que la Corée du Nord intensifie ses activités militaires contre la Corée du Sud, déjà marquées par des essais de missiles fréquents et des tensions diplomatiques. Le soutien russe pourrait permettre à Pyongyang de renforcer ses capacités militaires, notamment dans le domaine des technologies de missiles et des armes de destruction massive. Ce climat de militarisation croissante pourrait bien provoquer une nouvelle escalade des tensions, entraînant potentiellement une course aux armements dans la région. Cela risquerait de pousser la Corée du Sud et le Japon à augmenter leurs dépenses de défense, à renforcer leurs capacités militaires et, dans le pire des scénarios, à relancer le débat sur la prolifération nucléaire régionale.

Bien que le traité scelle une alliance stratégique sans précédent, certains analystes questionnent sa durabilité. La Corée du Nord, bien qu’utile à court terme pour Moscou, reste un partenaire imprévisible, dont les priorités peuvent diverger sur le long terme. Surtout, les fragilités économiques des deux régimes pourraient limiter la portée réelle de cet accord.

Pour l’heure, cependant, l’axe Kim-Poutine s’impose comme un nouveau défi pour les États-Unis et leurs alliés, contraints de repenser leur stratégie en Asie. À mesure que les tensions se cristallisent, ce partenariat illustre une tendance inquiétante : la polarisation croissante d’un ordre mondial en transition.

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