Jair Bolsonaro condamné à 27 ans de prison pour tentative de coup d’État au Brésil

L’ancien président d’extrême droite a été reconnu coupable par le Tribunal suprême fédéral d’avoir dirigé une organisation criminelle visant à empêcher l’accession au pouvoir de Luiz Inácio Lula da Silva. Ce verdict, sans précédent dans l’histoire du pays, ouvre une crise politique et diplomatique majeure.

Le Tribunal suprême fédéral (STF) du Brésil a condamné, jeudi 11 septembre, Jair Bolsonaro à vingt-sept ans et trois mois de prison. L’ancien président, âgé de 70 ans, a été reconnu coupable de tentative de coup d’État et de direction d’une « organisation criminelle » destinée à assurer son maintien au pouvoir après sa défaite à l’élection présidentielle de 2022 face à Luiz Inácio Lula da Silva.

La décision a été adoptée par quatre voix contre une, au terme d’un procès qualifié d’historique. « Le Brésil a failli redevenir une dictature », a déclaré Alexandre de Moraes, juge rapporteur de l’affaire. Jair Bolsonaro, assigné à résidence depuis août pour des soupçons d’entrave à la justice, n’était pas présent à l’audience, sa défense invoquant des raisons médicales.

Les charges retenues

Les magistrats ont estimé que l’ancien président avait élaboré un plan, baptisé « poignard vert et jaune », visant à instaurer un état de siège et à assassiner Lula avant son investiture. Le projet, qui n’a pas abouti faute de soutien militaire, s’est prolongé dans les émeutes du 8 janvier 2023, quand plusieurs milliers de partisans bolsonaristes ont envahi et vandalisé les sièges du Congrès, de la présidence et du STF à Brasilia.

Pour Cristiano Zanin, dernier magistrat à s’exprimer, Jair Bolsonaro a « participé à une organisation criminelle armée ». Carmen Lucia, autre juge du STF, a souligné la portée de l’affaire, estimant que ce procès constituait « une rencontre du Brésil avec son passé, son présent et son futur ».

Sur les cinq magistrats, seul Luiz Fux a voté en faveur de l’acquittement. Dans un exposé de plus de onze heures, il a dénoncé un « manque de preuves » et affirmé que le complot n’avait « jamais dépassé la phase préparatoire ». Cette dissidence a été vivement critiquée par Lula, qui a assuré que l’affaire reposait sur « des dizaines, des centaines de preuves ».

Outre Jair Bolsonaro, sept de ses proches collaborateurs ont été condamnés, dont plusieurs ex-ministres et trois généraux, à des peines allant de deux à vingt-six ans de prison. Pour Flavio Dino, juge du STF et ancien ministre de la justice, ces infractions « ne sont pas susceptibles d’amnistie ».

L’opinion publique

L’annonce a aussitôt ravivé les fractures au sein de la société brésilienne. Dans plusieurs quartiers de Brasilia, des applaudissements ont salué la condamnation. « Cet individu exécrable se fait enfin envoyer en prison », a commenté Virgilio Soares, opposant de longue date. À l’inverse, des milliers de partisans se sont rassemblés devant le domicile de l’ancien président pour une « veillée de prière ». Le pasteur évangélique Vantuir Batista a dénoncé un « procès injuste », tandis que la pasteure Rita dos Bastos a appelé à la « paralysie » du pays.

Son fils aîné, le sénateur Flavio Bolsonaro, a affirmé que son père gardait « la tête haute » et annoncé que le camp conservateur chercherait à unir le Parlement autour d’un projet d’amnistie.

La riposte de Washington

La condamnation de Jair Bolsonaro a aussi provoqué une crise diplomatique avec les États-Unis. Donald Trump, président américain et allié de l’ancien chef d’État, a dénoncé une « chasse aux sorcières » et imposé une surtaxe de 50 % sur une partie des exportations brésiliennes. Le secrétaire d’État Marco Rubio a promis des « représailles » et annoncé l’annulation des visas de plusieurs juges du STF, dont Alexandre de Moraes, également visé par des sanctions financières.

C’est la première fois qu’un ancien chef de l’État est condamné pour tentative de coup d’État au Brésil. Depuis le retour à la démocratie en 1985, trois anciens présidents (Fernando Collor de Mello, Michel Temer et Lula) avaient déjà été condamnés pour corruption. La condamnation de Lula a toutefois été annulée pour vice de forme.

Le choix de la date a renforcé la portée symbolique du verdict : il est tombé un 11 septembre, cinquante-deux ans après le coup d’État du général Pinochet au Chili.

Un séisme politique à l’approche de 2026

La condamnation de Jair Bolsonaro intervient à un peu plus d’un an de l’élection présidentielle prévue en 2026. Elle bouleverse le rapport de forces au sein de la droite brésilienne. Déjà inéligible jusqu’en 2030, l’ancien président voit sa carrière politique suspendue pour plusieurs années, mais reste une figure centrale pour ses partisans.

Pour Lula, dont la popularité est renforcée par ce verdict et par l’escalade diplomatique avec Washington, l’occasion est propice pour annoncer son intention de briguer un nouveau mandat. Le chef de l’État, âgé de 79 ans, se pose désormais en garant de la « souveraineté » brésilienne et en rempart contre toute tentation autoritaire.

Privée de son leader, la droite ultraconservatrice tente de se réorganiser. Le sénateur Flavio Bolsonaro a annoncé vouloir « unir le Parlement » autour d’un projet de loi d’amnistie incluant son père. L’initiative, soutenue par une partie du camp conservateur, illustre la volonté de maintenir vivante l’hypothèse d’un retour de Jair Bolsonaro dans la vie politique, en cas de grâce présidentielle ou de modification de la composition du Tribunal suprême fédéral.

Eduardo Bolsonaro, son autre fils, exilé aux États-Unis, a multiplié les appels à la mobilisation internationale. Il a évoqué publiquement l’idée d’une « intervention militaire » étrangère, une déclaration qui a suscité une vague d’indignation à Brasilia mais témoigne de la radicalisation d’une partie du camp bolsonariste.

La justice au cœur du jeu politique

À moyen terme, les ultraconservateurs misent sur un changement d’équilibre au sein de la Cour suprême. Trois juges atteindront la limite d’âge de 75 ans d’ici à 2030, ouvrant la possibilité d’une recomposition favorable si la droite revenait au pouvoir. Pour les alliés de Jair Bolsonaro, cette perspective justifie une mobilisation constante jusqu’à la prochaine décennie.

La portée du verdict dépasse la seule figure de Jair Bolsonaro. Elle renvoie au traumatisme toujours vif de la dictature militaire (1964-1985), dont certains des proches de l’ancien président avaient publiquement défendu l’héritage. Le fait que plusieurs généraux figurent parmi les condamnés souligne l’implication d’une partie des forces armées dans ce projet de subversion.

Les + lus

1

  • All Posts
  • Culture
  • International
  • Politique
  • Société
  • Sport

2

3

Les # les + suivis

Les + récents

1

  • All Posts
  • Culture
  • International
  • Politique
  • Société
  • Sport

2

  • All Posts
  • Culture
  • International
  • Politique
  • Société
  • Sport

3

  • All Posts
  • Culture
  • International
  • Politique
  • Société
  • Sport

La newsletter de sence.

sence média

Chaque semaine, une sélection claire et sourcée. Gratuite, sans spam.

 

Copyright 2024 – Mentions légales