Pauline Ferrand-Prévot : la princesse est devenue reine 

Un an après sa médaille d’or olympique, PFP vient d’écrire une nouvelle page de légende en s’imposant sur le Tour de France. Portrait d’une championne qui défie l’histoire du sport français et qui doit tout à sa famille.

Elle l’avait promis. Elle l’a fait. Pauline Ferrand-Prévot vient de fracasser tous les codes du cyclisme français en remportant le Tour de France Femmes 2025 dès sa première participation. À 33 ans, la Rémoise entre dans l’histoire comme la première Française à soulever le maillot jaune depuis Jeannie Longo en 1989, soit 36 ans d’attente pour le cyclisme tricolore. Dimanche à Châtel, sous les yeux de la France entière, PFP a livré un numéro d’anthologie. Après son explosion magistrale samedi sur les pentes du col de la Madeleine, où elle a relégué ses adversaires à plus de trois minutes, la championne olympique a récidivé en remportant également la dernière étape. Deux victoires d’étapes et le classement général : un triomphe total qui fait de cette édition 2025 un tournant historique pour le cyclisme féminin français.

Qui aurait parié sur un tel scénario il y a encore quelques mois ? Pauline Ferrand-Prévot débarquait sur le Tour avec l’humilité de la débutante, se donnant « trois ans pour apprendre » et « peut-être gagner un jour ». Elle n’en aura eu besoin que d’un seul. Le pari était pourtant complètement fou : passer du VTT cross-country au cyclisme sur route pour conquérir la plus prestigieuse des courses par étapes. Un défi que même les plus grands champions n’osent pas relever. « Je rêvais de gagner en jaune », avouait-elle dimanche, les larmes aux yeux, après avoir franchi la ligne d’arrivée de Châtel les bras levés au ciel. Ce rêve de petite fille est devenu réalité grâce à un mental d’acier et une préparation millimétrée chez Visma-Lease a Bike (son équipe, ndlr).

“Merci pour tout, de m’avoir suivi pendant des heures”

« T’es une sale môme ! ». Cette phrase d’amour, lancée dans un éclat de rire par Sylviane Ferrand-Prévot à sa fille au sommet de Châtel, résume parfaitement l’esprit de cette famille hors norme. Quand Pauline remercie ses parents pour leur soutien indéfectible, sa mère lui retourne affectueusement : « Non c’est toi merci, on n’a rien fait. Tu es une sale môme ».Mais derrière cette complicité touchante se cache une histoire familiale exceptionnelle. Dany et Sylviane, anciens cyclistes amateurs et propriétaires d’un magasin de vélos à Reims, ont littéralement façonné la championne. « Avec son papa, on l’a pratiquement mis sur un vélo et on l’a suivie partout jusqu’à ce qu’elle passe professionnelle », témoigne Sylviane à France Télé.

L’initiation de Pauline au vélo est presque légendaire. À 5 ans, après un échec cuisant en patinage artistique où elle termine dernière de sa première compétition, la petite fille décide : « Maman, je veux faire comme toi : du vélo ». Sa mère l’emmène alors au parc Léo-Lagrange de Reims, lui enlève les petites roues et la met en haut d’une butte. « Elle l’a dévalée et s’est payé un arbre en bas », raconte Sylviane avec le sourire. Pas effrayée pour autant, Pauline prend la direction de l’école de cyclisme. Le talent explose immédiatement. « Très vite, elle battait les garçons. Sur les compétitions, les parents disaient que quand certains gamins voyaient arriver la voiture, ils baissaient la tête », se souvient fièrement sa mère. À 10 ans, la petite Pauline regrettait déjà « de ne pas être un garçon pour pouvoir participer au Tour de France ». Deux décennies plus tard, elle a pulvérisé ce plafond de verre. 

L’émotion était à son comble samedi dans le col de la Madeleine quand ses parents l’ont ravitaillée à 6 kilomètres du sommet. « Papa et Maman qui me donnent le dernier bidon à 6 km de l’arrivée… Je n’ai pas voulu les regarder, parce que sinon, je savais que j’allais me mettre à pleurer », confie-t-elle au micro de France Télévisions. Un moment que son père Dany a trouvé « plus émouvant qu’aux Jeux Olympiques ».

Il y a des amitiés qui traversent les décennies. Celle entre Marion Rousse et Pauline Ferrand-Prévot en fait partie. « On a commencé la compétition avec Pauline, on avait 10 ans ensemble », témoigne Marion Rousse, les larmes aux yeux, après la victoire au col de la Madeleine. Cette amitié de longue date prend aujourd’hui une dimension particulière. Marion Rousse n’est plus seulement l’ancienne championne de France 2012 reconvertie en consultante télé. Depuis 2022, elle est la directrice du Tour de France Femmes, celle qui a remis personnellement le maillot jaune à son amie d’enfance. « Tu le mérites plus que n’importe qui », lui a murmuré Marion dans une étreinte bouleversante qui a fait le tour des réseaux sociaux. Cette séquence d’émotion pure, critiquée par certains pour son manque d’impartialité supposé, illustre parfaitement la beauté de cette histoire. Car au-delà des fonctions officielles, il y a cette complicité née sur les routes champenoises quand elles avaient 10 ans et qu’elles « faisaient la guerre aux garçons sur les courses »

« Je savais que quand elle reprenait son vélo sur la route, qu’il n’y aurait pas plus beau modèle qu’elle pour les petites filles », confie Marion Rousse. Une prophétie qui s’est réalisée sous ses yeux de directrice, témoin privilégié de l’exploit de celle qui partage avec elle les souvenirs d’une enfance sur deux roues.

Longo est dans la musette 

Pour comprendre la dimension exceptionnelle de Pauline Ferrand-Prévot, il faut plonger dans les chiffres. Et là, on touche au vertige. Quinze titres de championne du monde, toutes disciplines confondues. Vingt-sept titres de championne de France. Une médaille d’or olympique conquise à domicile en 2024. Et désormais, le Tour de France.

Ce qui rend PFP absolument unique dans l’histoire du cyclisme mondial, c’est sa polyvalence hallucinante. En 2015, elle devient la première cycliste de l’histoire, hommes et femmes confondus, à détenir simultanément les titres mondiaux en route, cyclo-cross et VTT cross-country. Un exploit que personne n’avait jamais envisagé, une anomalie sportive qui défie toutes les lois de la spécialisation moderne. Route, VTT, cyclo-cross, gravel, short-track, marathon : il n’existe pas une discipline cycliste où Pauline Ferrand-Prévot n’ait pas brillé. Elle collectionne les maillots arc-en-ciel comme d’autres collectionnent les timbres, avec cette facilité déconcertante des génies du sport. Entre 2019 et 2023, elle s’adjuge cinq titres mondiaux consécutifs en VTT cross-country, établissant un record absolu dans cette discipline.

Elle ajoute à son tableau de chasse deux titres mondiaux en short-track, deux en marathon VTT, et même le premier championnat du monde de gravel en 2022. « Elle ne domine pas seulement, elle réinvente ce que signifie ‘gagner partout' », écrit justement RMC Sport. Pauline Ferrand-Prévot repousse les limites du possible, elle force l’admiration par cette polyvalence qui n’appartient qu’aux légendes absolues du sport.

Une année si particulière

Cette saison 2025 restera gravée dans le marbre du sport français. Après sa médaille d’or olympique en VTT sur la colline d’Élancourt en juillet 2024, Pauline Ferrand-Prévot annonçait son retour sur route avec un objectif clair : le Tour de France.

D’abord, elle frappe un grand coup en avril lors de sa première participation à Paris-Roubaix. Initialement équipière de Marianne Vos, elle se retrouve distancée après une chute à 54 kilomètres de l’arrivée. Mais la voilà qui revient, attaque à 25 kilomètres du but et s’impose en solitaire sur le vélodrome de Roubaix. Première Française de l’histoire à gagner l’Enfer du Nord féminin, elle met fin à 28 ans de disette française dans cette classique mythique. Elle partage d’ailleurs cette réussite avec son compagnon Dylan Van Baarle, vainqueur de Paris-Roubaix masculin en 2022. « L’idée, c’est de les mettre proches l’un de l’autre. Je serai fière de mettre le mien à côté du sien », expliquait-elle après sa victoire sur les pavés. Le couple star du cyclisme prouve que l’excellence appelle l’excellence.

Avec Paris-Roubaix et le Tour de France la même année, Pauline Ferrand-Prévot rejoint un club ultra-sélect : elle devient la cinquième cycliste de l’histoire à réaliser ce doublé dans une même saison, après Louis Trousselier (1905), Octave Lapize (1910), Eddy Merckx (1970) et Bernard Hinault (1981). Chez les femmes, elle est tout simplement la première.

Le mental taillé pour l’or 

« J’ai du mal à recevoir des ordres », avoue, dans un entretien avec l’Équipe, Pauline Ferrand-Prévot avec cette franchise qui la caractérise. La championne a un caractère en acier inoxydable et parle carré. « Il m’est impossible de me comporter en mouton », résume-t-elle. Cette personnalité de fer, elle la tient de sa mère Sylviane : « Elle a une force de caractère incroyable. Quand elle veut quelque chose elle n’en démord jamais ». Cette force mentale lui vient aussi de son rapport particulier à la compétition. « J’ai vraiment le goût de la compétition, je suis particulièrement accrocheuse », confie-t-elle. Elle ajoute avec lucidité : « J’ai souvent l’impression que ma hargne pallie à une confiance en moi qui peut me faire défaut ». Une vulnérabilité qu’elle transforme en force, un doute qu’elle métamorphose en rage de vaincre.

Perfectionniste, obstinée, solitaire et insaisissable : Pauline Ferrand-Prévot cultive son indépendance comme un art de vivre. « Je veux être en paix avec moi-même », explique-t-elle pour justifier ses choix de carrière. Cette liberté assumée, cette volonté de tracer sa propre voie font d’elle une championne à part, une personnalité unique dans le paysage sportif français.

Longo détrônée ? 

Dans l’histoire du cyclisme féminin, rares sont les athlètes qui peuvent prétendre rivaliser avec le palmarès de Pauline Ferrand-Prévot. Jeannie Longo, l’icône française, totalise 13 titres mondiaux chez les élites et 3 victoires sur le Tour de France féminin entre 1987 et 1989. Un palmarès exceptionnel qui a longtemps fait d’elle la référence absolue du cyclisme tricolore. Mais avec ses 15 titres mondiaux et sa polyvalence dans six disciplines différentes, Pauline Ferrand-Prévot dépasse aujourd’hui sa glorieuse aînée. Là où Jeannie Longo excellait principalement sur route et contre-la-montre, PFP brille sur tous les terrains : asphalte, terre, chemins, graviers. Elle est la cycliste la plus complète de l’histoire.

Au niveau international, seules quelques légendes peuvent soutenir la comparaison. Marianne Vos, la Néerlandaise aux 3 titres mondiaux sur route, ou encore les icônes historiques du cyclisme féminin. Mais aucune n’a jamais atteint cette polyvalence exceptionnelle qui fait de Ferrand-Prévot un cas unique dans l’histoire du cyclisme mondial.

“Que je t’aime”

Il y a des images qui marquent à vie. Dimanche soir, quand Pauline Ferrand-Prévot franchit la ligne d’arrivée de Châtel, elle s’effondre immédiatement en larmes. Ces pleurs de joie, cette émotion à l’état brut, rappellent immédiatement les JO de Paris 2024 et cette Marseillaise magique chantée par 13 000 supporters français sur la colline d’Élancourt. Mais l’émotion la plus touchante viendra quelques minutes plus tard, au Parc des Champions du Trocadéro. Devant les fans rassemblés, les animateurs entonnent « Que je t’aime » de Johnny Hallyday pour célébrer la nouvelle héroïne française. Pauline Ferrand-Prévot, submergée par l’émotion, peine à prononcer quelques mots. Ces larmes, cette communion avec le public, cette France qui vibre à l’unisson : voilà ce qui fait les légendes du sport. « Que je t’aime, que je t’aime, que je t’aime » : le tube de Johnny résonne comme un hymne à cette championne exceptionnelle qui vient d’offrir à la France l’une de ses plus belles pages de sport. Une séquence d’émotion pure qui restera gravée dans toutes les mémoires, preuve que derrière la machine à gagner se cache une femme profondément humaine.

À 33 ans, Pauline Ferrand-Prévot n’a sans doute pas fini de nous émerveiller. Sa mère l’annonce déjà : « Je pense qu’elle va essayer de gagner à nouveau le Tour l’année prochaine ». Le défi de remporter deux Tours de France consécutifs, là où elle n’en visait qu’un seul au départ. Mais au-delà des victoires futures, elle a déjà écrit sa légende. Elle est cette championne hors norme qui aura marqué son époque par son talent, sa polyvalence et cette capacité unique à transcender les disciplines. La plus grande coureuse française de l’Histoire, et sans doute l’une des plus grandes cyclistes de tous les temps.

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