Pendant des décennies, le tennis féminin français a su briller sur toutes les surfaces. Aujourd’hui, le constat est plus amer, alors que Caroline Garcia a joué son dernier Roland. Seule survivante du top 100, Varvara Gracheva,, voit sa place menacée en cas de mauvaise performance à l’issue de cette quinzaine. Une lente descente aux enfers pour le tennis féminin tricolore.
« De toute façon, les Français sont nuls. » La phrase est brutale, souvent lancée par les suiveurs du tennis de seulement quelques semaines. Pourtant, elle reflète une certaine réalité : les performances françaises en Grand Chelem sont de plus en plus rares, surtout chez les femmes. Depuis la demi-finale de Caroline Garcia à l’US Open en 2022, les coups d’éclat se font discrets. En dehors de sa victoire aux WTA Finals cette même année, le tennis féminin français peine à exister sur la scène internationale.
Et pourtant, les espoirs ne manquaient pas. Entre 2018 et 2020, la France avait réalisé un triplé historique en remportant trois années d’affilée le titre de championne du monde junior. Clara Burel, Diane Parry et Elsa Jacquemot. Mais une fois plongées dans la réalité du circuit WTA, les choses se sont compliquées. Burel, malgré son potentiel, n’a remporté qu’un seul tournoi professionnel (en 2023). Parry, de son côté, s’est contentée de deux titres WTA 125, soit le cinquième niveau du circuit. Des parcours honorables, mais bien loin de l’élite.
Atteindre la deuxième semaine d’un Grand Chelem, et donc atteindre les huitièmes de finale, relève désormais du miracle pour les Françaises. La réalité est crue, sans les “wild cards” accordées par la Fédération française de tennis, une seule Française se serait qualifiée d’office pour le tableau principal de Roland-Garros cette année. Les autres auraient dû passer par les qualifications. Un système qui, s’il permet de maintenir une présence française, ne favorise pas une réelle émulation du vivier. Pire, il entretient un entre-soi peu propice à la diversité et à l’émergence de nouveaux talents.
Le tennis féminin en quête de repères
L’annonce de la retraite prochaine de Caroline Garcia a pris tout le monde de court. Propulsée « future numéro 1 mondiale » par Andy Murray, la Lyonnaise a souvent souffert du poids des attentes. Malgré une saison 2022 remarquable, ponctuée par son sacre aux Masters, le public ne lui aura jamais vraiment pardonné ses irrégularités. À l’annonce de sa retraite, les réactions ont oscillé entre regrets sincères et jugements sévères sur un « talent gâché ». Sa sortie laisse un vide immense. Aucune joueuse française ne semble aujourd’hui en mesure d’assumer le rôle de chef de file. Et si les résultats actuels se confirment, il pourrait n’y avoir aucune Française dans le top 100 à l’issue du tournoi. Un scénario impensable il y a quelques années à peine.
Dans les centres de formation censés faire émerger la relève, les signaux sont au rouge. Plusieurs acteurs du tennis français ont récemment exprimé leur inquiétude concernant le fait que de moins en moins de jeunes filles se projettent dans une carrière professionnelle. L’absence de figure inspirante joue un rôle évident. Sans modèle à admirer, difficile de susciter des vocations. La dure réalité économique n’aide pas non plus. En dehors du top 100, sans soutien, sans sponsor, vivre du tennis relève du parcours du combattant. De nombreuses françaises se retrouvent dans cet entre-deux compliqué en faisant partie des meilleurs du monde dans leur sport mais pas suffisamment pour en vivre. Peu de familles osent encore miser sur une carrière professionnelle sans garanties
Quelques jeunes pousses suscitent néanmoins de l’espoir, comme Ksenia Efremova, naturalisée française, qui a remporté un tournoi de l’ “International Tennis Federation” à seulement 14 ans. Une performance encourageante mais aussi une source de pression. La jeune joueuse classée 624e mondiale a reçu une invitation pour les qualifications à Roland-Garros, mais n’a pas passé le premier tour. Un rappel que le chemin vers l’élite est encore long.
En panne de résultats, orphelin de figures emblématiques et privé de véritables perspectives, le tennis féminin tricolore glisse lentement vers un déclin dont il pourrait avoir du mal à se relever. Une situation d’autant plus paradoxale que la France, deuxième nation en nombre de licenciés et pays organisateur d’un Grand Chelem, dispose de ressources humaines et financières importantes. À ce titre, elle devrait être un terrain d’éclosion privilégié pour les talents féminins. L’heure est venue pour la Fédération française de tennis de revoir en profondeur sa politique de détection, de formation et d’accompagnement. Sans sursaut, c’est toute une génération qui risque de s’éteindre dans l’indifférence.