Comment le football influence la géopolitique depuis le début des années 2000 ?

Le sport n’a jamais réglé de conflit, du moins directement. Pourtant, le football a maintes fois prouvé son influence dans la sphère géopolitique moderne. Mais alors, comment les gouvernements du 21e siècle renforcent leur notoriété à travers la mise en scène d’un simple match ?

Le premier fiasco

Le match France-Algérie de 2001 marque un tournant. Alors que le gouvernement français espérait rapprocher les deux nations à travers le biais du football, les 80 000 supporters présents ce soir-là en gardent un souvenir amer. Dans un Stade de France étonnamment inondé par le public algérien, la Marseillaise est sifflée. Dès lors, les relations se tendent.

À la 76e minute, c’est une marée de fans qui envahit le terrain, scandant avec fierté le célèbre « One, Two, Three, Viva l’Algérie ». Le match est donc rapidement interrompu, et ne reprend pas. Cela suscite logiquement des réactions à l’échelle nationale : « Ce fut une erreur majeure », déclare l’ex-ministre des sports Marie-George Buffet, à la suite de cette rencontre, « Nous voulions une célébration de l’amitié, mais cela nous a ramené aux enjeux de politiques intérieurs et aux questions sociales ». En ce qui concerne l’ambassadeur algérien en France, Mohamed Ghouali, ce dernier préfère calmer la situation :  « Ce match a été victime de sa propre densité passionnelle ». C’est l’un des premiers moments de football lié à la politique qui a créé la polémique.

La Russie mise sur le ballon

Le 11 juin 2018, à Moscou, ce n’est pas une amitié qui veut être mise en avant mais une notoriété à récupérer. La Russie est, depuis 2014, au cœur des tensions politiques majeures concernant l’annexion de la Crimée en Ukraine, qui enfreint clairement le droit international. Bien que l’attribution de la Coupe du monde ait eu lieu en 2010, soit quatre ans avant le début du conflit, Vladimir Poutine avait l’occasion de redorer l’image de son pays. C’est probablement l’une des compétitions sportives qui a fait le plus couler d’encre.

Si les matchs s’enchaînent et ne font pas directement polémique, ce sont les militants qui décident de « boycotter » cet évènement, qu’ils considèrent comme la propagande d’un pays qui chercherait à se faire oublier les crimes commis chez leurs voisins ukrainiens. Quelques années plus tôt, plusieurs pays avaient eux-aussi incité à ne pas participer, en vain. Bien qu’un clan se soit formé, il est moindre en comparaison des centaines de milliers de supporters présents dans les stades. Pour rappel, cette compétition est suivie par presque 200 millions de personnes en moyenne à chaque match. 

La cerise sur le gâteau, à la suite de la finale où les Bleus ont remporté la coupe face à la Croatie (4-2), Emmanuel Macron, président français, fait le choix de célébrer la deuxième étoile avec les joueurs de l’équipe de France, et surtout… accompagné du président russe. Ce qui surprend à ce moment, ce n’est pas leur rencontre, mais l’entente cordiale entre les deux hommes politiques, dans une période où la Russie n’est qu’au début de son conflit avec l’Ukraine, qui débute officiellement le 24 février 2022. Ce n’est par ailleurs pas la seule fois où un pays controversé organise la compétition, en témoigne la Coupe du monde 2022 au Qatar, qui a elle-aussi connu de nombreuses critiques.

Changement de rôles

football

Cette fois-ci, ce n’était pas l’œuvre d’un gouvernement. Vous n’avez pas pu passer à côté de cette scène improbable, ce mardi 17 juin 2025, à l’occasion du sommet du G7. Cristiano Ronaldo, quintuple vainqueur du Ballon d’Or et la personnalité publique la plus suivie sur Instagram, envoie un message fort aux États-Unis. Le natif de Madère a offert un maillot dédicacé « Au président Donald Trump, jouer pour la paix » au président américain.

Un appel au cessez-le-feu concernant l’ensemble des conflits interétatiques actuels : la guerre russo-ukrainienne, israélo-palestinienne ou encore indo-pakistanaise. Pour une fois, les rôles sont inversés. Ce n’est pas une démonstration de soft-power d’un état, mais bien un joueur qui appelle au calme entre les nations. Le message semble vain, en effet, mais les retombées médiatiques sont déjà immenses et pourraient bien mettre une pression sur les dirigeants pour ralentir la cadence de ces guerres.

Le football est constamment au cœur de polémiques, mais cela faisait plusieurs mois que la géopolitique n’était plus intervenue dans le sport, pas celui-ci en tout cas. L’avant-centre portugais n’a donc pas hésité à relancer la machine. Le football a toujours connu une fonction politique, certes, mais depuis le début du 21e siècle, il a vivement démontré ses capacités de s’étendre à l’échelle politique internationale. L’organisation d’un match ou d’une compétition est maintenant devenue essentiel pour faire passer un message.

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