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Dernière ligne droite : Kamala Harris et Donald Trump au coude-à-coude

À un mois du scrutin décisif du 5 novembre, l’élection présidentielle américaine reste incertaine et tendue. Les deux candidats, campant sur des stratégies distinctes, s’efforcent de convaincre une Amérique profondément divisée.

À seulement quatre semaines du 5 novembre, l’Amérique est à nouveau à la croisée des chemins avec une élection présidentielle qui s’annonce déterminante pour l’avenir du pays. D’un côté, Kamala Harris, vice-présidente en fonction, entrée dans la course presque par surprise après le retrait de Joe Biden cet été. De l’autre, Donald Trump, l’ancien président qui, avec deux tentatives d’assassinat cet été, revient dans l’arène avec une base électorale toujours plus soudée.

Ces deux candidats incarnent des stratégies électorales bien différentes, que l’on peut comprendre en observant leur positionnement et leur électorat. Harris, qui succède à un Biden de plus en plus fragilisé par son âge et ses résultats dans les sondages, doit avant tout séduire les électeurs modérés, cette frange de l’électorat souvent décisive dans les élections américaines. Son objectif est clair : rallier les indécis, ceux qui pourraient être rebutés par l’extrémisme perçu chez Trump mais qui ne sont pas encore convaincus par le programme démocrate.

Donald Trump, de son côté, n’a jamais caché sa volonté de jouer la carte de la mobilisation massive de sa base, une stratégie qui a déjà fait ses preuves en 2016. Il s’appuie sur un noyau dur d’électeurs, galvanisé par sa rhétorique populiste et par les récents événements qui ont renforcé son image d’homme combattant. Ses partisans, solidaires et inébranlables, semblent aujourd’hui plus déterminés que jamais après les attaques dont il a été victime en Pennsylvanie et en Floride.

Le point sur les sondages : une élection toujours aussi incertaine

Les sondages peinent à donner une image claire de la situation. En raison du coût élevé de ces enquêtes d’opinion, les médias – confrontés à des difficultés économiques – publient moins de sondages de qualité, préférant étaler leurs ressources au fil de la campagne. Les rares chiffres disponibles montrent une dynamique relativement stable : Kamala Harris dispose d’une légère avance au niveau national, mais rien de décisif dans les États qui comptent véritablement.

Avec 47 % d’intentions de vote contre 44 % pour Donald Trump au niveau national, Harris semble en bonne posture. Cependant, cette avance masque une réalité plus complexe. En effet, dans les sept « swing states » – ces États-clés comme l’Arizona (avec 11 grands électeurs), la Caroline du Nord (16), la Géorgie (16), le Michigan (15), le Nevada (6), la Pennsylvanie (19), ou encore le Wisconsin (10), où les résultats électoraux peuvent basculer d’un camp à l’autre – les sondages sont extrêmement serrés. Ces États, représentant 93 grands électeurs, soit environ un tiers des 270 nécessaires pour accéder à la Maison Blanche, détermineront à eux seuls l’issue du scrutin.

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Les « swing states » doivent leur importance à la manière dont se déroule l’élection présidentielle aux États-Unis : il s’agit d’un système de vote indirect par grands électeurs, où chaque État attribue ses voix au candidat qui arrive en tête localement. Plus un État est peuplé, plus il dispose de grands électeurs, d’où l’importance stratégique de ces sept États. En 2020, Biden l’avait emporté en grande partie grâce à de petites marges dans ces mêmes États. Aujourd’hui, les sondages y montrent une situation si serrée qu’aucun des deux candidats ne parvient à prendre l’avantage.

À cela s’ajoute l’incertitude créée par les précédentes élections. En 2016 et 2020, les sondages avaient largement sous-estimé la capacité de mobilisation de Donald Trump, contribuant à des surprises électorales. Cependant, lors des élections de mi-mandat de 2022, c’est le vote républicain qui avait été surestimé, laissant planer le doute sur la précision actuelle des enquêtes d’opinion. Comme le souligne le New York Times, si les sondages se trompent à nouveau en sous-estimant Trump, celui-ci pourrait l’emporter sans difficulté. À l’inverse, si les erreurs de 2022 se répètent, Harris pourrait tirer son épingle du jeu.

Liz Cheney contre Elon Musk

Le 3 octobre dernier, Kamala Harris a marqué un coup politique en apparaissant aux côtés de Liz Cheney lors d’un meeting dans le Wisconsin. Ancienne élue républicaine et figure de proue du mouvement anti-Trump au sein du Parti républicain, Liz Cheney est la fille de Dick Cheney, ancien vice-président sous George W. Bush. Elle s’est faite connaître pour son opposition frontale au mouvement « MAGA » (Make America Great Again), refusant de soutenir Donald Trump au nom de la défense de la Constitution américaine. Le souvenir de l’assaut du Capitole du 6 janvier 2021, auquel Cheney s’était farouchement opposé, a été un moment clé de son intervention. Elle a annoncé qu’elle voterait démocrate pour la première fois de sa vie, une déclaration symbolique qui pourrait attirer les républicains modérés et les indécis, notamment parmi les femmes des banlieues aisées, souvent critiques à l’égard de Trump.

Ce soutien de poids reflète la stratégie de Harris : conquérir un électorat plus centriste, souvent déçu par l’extrémisme du camp républicain. Ce n’est pas un cas isolé. Liz Cheney n’est que l’une des voix conservatrices à rejoindre Harris. Trois anciennes collaboratrices de Donald Trump à la Maison Blanche, Alyssa Farah Griffin, Cassidy Hutchinson et Sarah Matthews, ont également choisi de s’engager en faveur de la vice-présidente et feront campagne en Pennsylvanie. Leurs témoignages, qui ont souvent dénoncé les dérives du président républicain lors de son mandat, pourraient aider Harris à apparaître comme l’alternative raisonnable face à un Trump toujours aussi polarisant.

Donald Trump et le soutien d’Elon Musk

De son côté, Donald Trump peut compter sur le soutien indéfectible d’une figure emblématique du monde économique et médiatique : Elon Musk. Le milliardaire, patron de Tesla, SpaceX et propriétaire de X (anciennement Twitter), s’est transformé en un véritable relais de campagne pour l’ancien président. Loin de se limiter à un simple appui financier, Musk s’affiche désormais régulièrement aux côtés de Trump lors de meetings. Lors d’un rassemblement récent, il a pris la parole pour encourager la foule, assurant que Trump devait gagner le 5 novembre pour « préserver la Constitution et la démocratie ». Une déclaration qui fait écho à la stratégie de Trump : mobiliser sa base en martelant le discours selon lequel il est le seul garant de l’Amérique face aux élites et à un système qu’il qualifie de corrompu.

Musk, connu pour ses prises de position polémiques sur les réseaux sociaux, ne se contente pas de soutenir Trump en coulisses. Propriétaire de la plateforme X, il a aussi été accusé par certains médias de distiller de la désinformation en faveur du candidat républicain. Sa proximité avec des figures comme Tucker Carlson, ancien présentateur vedette de Fox News et désormais hébergé sur X, renforce cette alliance.

Donald Trump : galvaniser sa base à tout prix

Fidèle à sa rhétorique agressive, Donald Trump mène une campagne fondée sur la division et l’appel au sursaut nationaliste. Son objectif est clair : mobiliser au maximum sa base électorale en jouant sur la peur, la colère et le ressentiment. L’ancien président n’hésite pas à brandir des scénarios apocalyptiques – effondrement économique, hausse incontrôlée des prix de l’essence ou même une troisième guerre mondiale – pour attiser l’anxiété des électeurs. En parallèle, Trump continue de courtiser les milieux conspirationnistes, sachant que ces groupes, souvent marginaux, peuvent faire basculer des États clés si leur mobilisation est suffisante.

Le magnat républicain mise aussi sur une stratégie de diabolisation de son adversaire, Kamala Harris. Ses attaques répétées, où il qualifie la vice-présidente de « folle », de « menteuse » et d’être favorable à des politiques extrêmes, visent à briser l’image de rassemblement que Harris cherche à construire. Il cherche notamment à la dépeindre comme une candidate « radicale » qui trahirait l’Amérique traditionnelle. En la caricaturant ainsi, Trump espère désamorcer sa stratégie de modération et renforcer l’idée que son camp est celui du « vrai peuple ».

Ce style provocateur a un double avantage. D’abord, il renforce son image d’outsider anti-establishment, un profil qui séduit une partie de la population en colère contre les élites. Ensuite, les déclarations chocs de Trump sont largement reprises par les médias, qu’ils soient favorables ou non à ses idées, lui offrant ainsi une couverture gratuite précieuse, surtout dans un pays où la publicité politique est extrêmement coûteuse.

Kamala Harris : rassembler au centre

À l’opposé, Kamala Harris adopte une stratégie beaucoup plus mesurée. Elle mise sur une approche inclusive, cherchant à rassembler les électeurs modérés et indécis en se positionnant comme la candidate de la « raison » face à l’agressivité de Trump. Sa campagne se concentre moins sur la personnalité de son adversaire que sur ce qu’elle propose pour l’avenir du pays. « Cette campagne n’est pas juste contre Trump, elle porte sur ce pour quoi nous nous battons », a-t-elle affirmé lors d’un meeting dans le Wisconsin.

Contrairement à Trump, qui personnalise beaucoup son discours, Harris privilégie l’usage du « nous », un moyen de se distancer de l’individualisme de son adversaire. Cette approche permet de fédérer les électeurs autour de la défense des institutions démocratiques, un thème central depuis les accusations judiciaires qui pèsent sur Trump et les inquiétudes qu’elles ont suscitées.

De plus, Harris se positionne comme une candidate centriste. Tout en défendant des politiques progressistes comme le droit à l’avortement, elle adopte des positions plus prudentes sur des sujets comme le gaz de schiste ou les questions raciales, afin de ne pas effrayer l’électorat modéré, notamment dans les États-clés. Cette stratégie vise à ne pas laisser à Trump le monopole des classes populaires et à attirer les classes moyennes, notamment dans les banlieues, où la diversité ethnique et le niveau d’éducation jouent en sa faveur.

L’avortement : un enjeu central pour Kamala Harris

Kamala Harris a décidé de faire de la question de l’avortement un sujet central, se posant régulièrement comme la garante de l’accès à ce droit fondamental. Depuis l’annulation en juin 2022 de l’arrêt Roe vs Wade, qui garantissait le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) au niveau fédéral, l’avortement est devenu une question brûlante dans la campagne. Désormais, chaque État est libre de légiférer sur ce sujet, et au moins 20 d’entre eux ont choisi de restreindre ou d’interdire l’accès à l’IVG. Certaines lois limitent l’avortement aux cas de viol ou interdisent la procédure au-delà de six semaines, un délai durant lequel de nombreuses femmes ne savent même pas encore qu’elles sont enceintes. En faisant de l’avortement un pilier de sa campagne, Harris espère mobiliser l’électorat progressiste et les femmes des banlieues, notamment celles des États ayant légiféré contre l’IVG.

Elle a promis de voter fièrement une loi fédérale garantissant ce droit dès que l’occasion se présentera au Congrès. En tant que procureure générale de Californie, elle s’était déjà battue contre les pratiques trompeuses des militants anti-avortement. Plus tard, en tant que sénatrice, elle s’était opposée vigoureusement à la nomination du juge conservateur Brett Kavanaugh à la Cour Suprême, un acteur clé de la remise en cause de Roe vs Wade. Récemment, en mars dernier, Harris a renforcé son engagement symbolique en visitant une clinique pratiquant des avortements, devenant ainsi la première vice-présidente en fonction à le faire.

Une joute oratoire bien rodée

Le premier débat présidentiel entre Kamala Harris et Donald Trump, tenu le 10 septembre, a offert un aperçu frappant de leurs styles opposés et de leurs stratégies respectives. Comme à son habitude, Donald Trump a détourné les critiques à son encontre, notamment celles portant sur la menace qu’il ferait peser sur la démocratie américaine. En réponse à l’argument avancé par Joe Biden en juin dernier, Trump a choisi de renverser la rhétorique, affirmant que c’était en réalité ses opposants, Harris en tête, qui représentaient un danger pour le pays. Cette technique, bien connue sous le nom de « c’est celui qui le dit qui l’est », est devenue un pilier de sa stratégie. Il a même renforcé cette posture après la deuxième tentative d’assassinat à son encontre en Floride, déclarant à Fox News : « Je suis celui qui va sauver le pays et ce sont eux qui le détruisent. » En se présentant comme un héros persécuté, Trump cherche à galvaniser son électorat, toujours avide d’un leader fort, comme le souligne l’historienne Jennifer Mercieca.

Kamala Harris, quant à elle, a opté pour une approche différente lors de ce débat tendu. Plutôt que de se laisser entraîner sur le terrain des insultes et des provocations, elle a cherché à pousser Trump dans ses retranchements, l’incitant à des digressions et des réponses impulsives. En le défiant sur des sujets apparemment secondaires – comme le nombre de spectateurs à ses meetings ou la gestion de son héritage familial – elle visait à mettre en lumière son incapacité à rester concentré sur des questions de fond.

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