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Assemblée nationale : Barnier tente de convaincre

Ce 1er octobre, Michel Barnier s’est présenté pour la première fois devant l’Assemblée nationale en tant que Premier ministre, avec une mission : dessiner l’avenir de la France dans un contexte politique et économique particulièrement tendu. Son discours a mis en lumière des priorités évidentes, la réduction de la dette, la transition écologique, ou encore le renforcement des services publics.

L’ambiance dans l’hémicycle était bien présente dès les premières minutes. À peine le discours lancé, les députés de la France Insoumise (LFI) ont brandi leurs cartes d’électeurs, rappelant leur rancœur sur l’issue de la dernière élection. Ce geste symbolique a donné le ton de la séance : bruyante, rythmée par des brouhahas, des moqueries et des interjections cyniques. Pourtant, Michel Barnier a tenu bon, imperturbable, en affirmant qu’il a «conscience de la gravité et de l’importance de ce moment pour notre action commune au service du pays et pour les Français ».

L’épée de Damoclès du budget

Le sujet qui a dominé ce discours, et qui semble hanter ce début de mandat, est celui de la dette publique. Barnier n’a pas tardé à évoquer cette « épée de Damoclès » suspendue au-dessus de la France. La situation est critique : la dette publique atteint aujourd’hui 112 % du PIB, et le déficit devrait dépasser les 6 % en 2024. Face à cette réalité, Barnier a annoncé un objectif ambitieux, celui de ramener le déficit à 5 % dès 2025. Comment ? En appelant à la contribution des grandes entreprises et des Français les plus fortunés, tout en promettant de s’attaquer fermement à la fraude sociale et fiscale.

Les chiffres sont vertigineux : en seulement sept ans, la dette a bondi de plus de 900 milliards d’euros. Rien que sur le deuxième trimestre de 2024, la dette de l’État a augmenté de 70 milliards d’euros. Le Premier ministre a rappelé qu’il était important d’agir pour éviter de conduire le pays « au bord du précipice ».

Dette au sens de Maastricht
Dette au sens de Maastricht de l’ensemble des administrations publiques français (en milliards d’euros) – Source : INSEE

L’écologie : l’autre dette

Mais la dette financière n’est pas la seule menace. Michel Barnier a également parlé de la dette écologique, un fardeau plus silencieux, mais tout aussi lourd à porter. En citant Pierre Mendès France, il a souligné qu’il ne fallait pas « sacrifier l’avenir au présent ». Les émissions de gaz à effet de serre ont certes baissé de 3,6 % au premier semestre 2024, mais ce n’est qu’un début.

Barnier a plaidé pour une « écologie de transition », soulignant qu’il croyait à un équilibre  compromis entre réalisme économique et ambitions écologiques. Parmi les solutions évoquées : un soutien renouvelé au développement du nucléaire, mais aussi des énergies renouvelables et des biocarburants pour l’aviation. Il a promis d’encourager la décarbonation des usines et l’innovation dans des secteurs clés comme le solaire et la géothermie.

Sécurité et immigration : renforcer le contrôle aux frontières

Sur le plan sécuritaire, Barnier a abordé la question sensible de l’immigration. Pointant du doigt une gestion « plus maîtrisée », il a insisté sur la nécessité de restreindre davantage les visas pour les pays refusant de reprendre leurs ressortissants expulsés. Cette déclaration intervient après l’affaire du meurtre de Philippine, ravivant le débat sur l’exécution des obligations de quitter le territoire.

Services publics : restaurer la confiance

L’un des points sur lesquels Michel Barnier a insisté est la crise des effectifs dans les services publics, notamment dans l’Éducation nationale et la santé. Pour y remédier, il propose une mesure inattendue : inviter les retraités à reprendre du service dans les écoles et hôpitaux, avec des conditions financières adaptées. Une réponse qui risque d’être critiquée comme une solution provisoire à un problème profond. 

À cela s’ajoute une revalorisation anticipée du SMIC de 2 % dès le 1er novembre, avant même la date habituelle du 1er janvier. Il a par ailleurs promis des négociations rapides dans les secteurs où les minima salariaux sont encore inférieurs au SMIC, signe qu’il veut agir rapidement pour apaiser les tensions sociales.

Retraites et garanties sociétales

Concernant la réforme des retraites, il se dit prêt à envisager des « aménagements raisonnables et justes », en incluant les syndicats dans la réflexion. L’usure professionnelle, les retraites progressives ou encore l’égalité hommes-femmes à la retraite sont autant de sujets qui devront faire l’objet d’une concertation approfondie. En parallèle, le Premier ministre a assuré que sur les questions sociétales, il n’y aurait « aucune remise en cause » des droits acquis, comme l’interruption volontaire de grossesse (IVG), malgré la présence dans son gouvernement de figures opposées à certaines avancées sociales récentes. Il a aussi réaffirmé que le racisme et l’antisémitisme ne bénéficieraient d’« aucune tolérance ». 

Barnier marche délicatement sur des oeufs

Malgré ses efforts pour afficher une certaine solidité, le discours de Michel Barnier n’a pas suscité l’enthousiasme espéré. « Objectivement, c’est nul », ont confié plusieurs journalistes politiques d’expérience. Il faut dire que le Premier ministre n’a pas sollicité de vote de confiance des députés, une décision qui n’a surpris personne, tant il est privé de majorité absolue, tout comme l’étaient ses prédécesseurs Élisabeth Borne et Gabriel Attal. Cette prudence témoigne d’un contexte politique où chaque décision est risquée, et où les marges de manœuvre du gouvernement semblent aussi minces que sa majorité à l’Assemblée.

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