Le bureau de l’Assemblée nationale, entre recomposition politique et enjeux institutionnels

Le renouvellement annuel du bureau de l’Assemblée nationale, achevé le jeudi 2 octobre 2025, a bouleversé les équilibres internes de l’institution. Pour la première fois depuis un an, le Rassemblement national a retrouvé plusieurs postes de responsabilité dans cette instance centrale, tandis que la gauche a perdu la majorité qu’elle détenait. Un basculement qui révèle l’importance stratégique du bureau dans la vie parlementaire.

Le vote s’est tenu comme chaque année à l’ouverture de la session parlementaire. Contrairement à la présidente de l’Assemblée, élue pour toute la législature et donc non concernée par ce renouvellement, les vingt et un autres sièges du bureau étaient remis en jeu. À l’issue de deux journées de scrutins, les 1er et 2 octobre, la nouvelle composition reflète désormais l’ensemble des forces politiques présentes au Palais-Bourbon. La présidente, Yaël Braun-Pivet, issue du groupe Ensemble pour la République, conserve naturellement son rôle. Autour d’elle siègent désormais six vice-présidents, trois questeurs et douze secrétaires, soit vingt-deux membres au total, conformément au règlement.

La gauche, qui dominait l’instance depuis 2024, a cette fois perdu l’avantage. Le Rassemblement national, exclu l’an dernier, a fait un retour remarqué en obtenant deux vice-présidences et plusieurs postes de secrétaires. Ses élus siègent désormais aux côtés de représentants de la gauche, du socle gouvernemental et du groupe centriste Liot. Ce basculement a été rendu possible par un vote en séance plénière, organisé après l’échec d’un accord entre présidents de groupe. La présidente de l’Assemblée avait tenté d’imposer une répartition proportionnelle des postes en fonction du poids politique de chaque formation, mais la gauche avait refusé, estimant que cela reviendrait à consacrer la présence du Rassemblement national au sein de la direction de l’institution. Faute de consensus, c’est donc l’hémicycle qui a tranché, et l’alliance ponctuelle entre le socle gouvernemental et l’extrême droite a permis ce retour.

Une instance méconnue mais centrale

Si les résultats de ce renouvellement ont suscité des réactions politiques, c’est parce que le bureau n’est pas une simple formalité interne. Défini comme la plus haute autorité collégiale de l’Assemblée nationale, il concentre des pouvoirs essentiels au bon fonctionnement du Parlement. Ses compétences sont multiples : il règle l’organisation des débats, interprète et applique le règlement, décide de la recevabilité financière des propositions de loi et se prononce sur d’éventuelles levées d’immunité parlementaire.

Le bureau exerce également un pouvoir disciplinaire. Si le rappel à l’ordre simple peut être prononcé par la présidente, l’instance peut aller jusqu’à proposer la censure d’un député, voire son exclusion temporaire. Elle veille aussi au fonctionnement administratif et budgétaire de l’Assemblée, une mission confiée en particulier aux questeurs, qui contrôlent l’engagement des dépenses, gèrent le personnel, les bâtiments, et jusqu’aux services internes comme les restaurants. Les secrétaires, eux, sont chargés de surveiller la régularité des scrutins lors des votes en séance publique.

Autrement dit, le bureau est à la fois un organe de direction, de régulation et de contrôle. Sa composition est donc loin d’être neutre, y siéger confère une influence directe sur la vie parlementaire.

Le rôle de la présidente et des autres membres

À sa tête, la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, occupe une place institutionnelle singulière. Quatrième personnage de l’État, elle ouvre et clôt les séances, dirige les débats, maintient l’ordre et peut suspendre les travaux à tout moment. Elle préside le bureau, mais aussi la Conférence des présidents, qui fixe l’ordre du jour de l’Assemblée. Dans certaines circonstances exceptionnelles, elle est consultée par le président de la République, par exemple en cas de dissolution ou d’activation de l’article 16 de la Constitution.

Autour d’elle, six vice-présidents ont été désignés. Deux d’entre eux appartiennent au Rassemblement national : Sébastien Chenu et Hélène Laporte. La gauche conserve deux sièges grâce à Nadège Abomangoli et Clémence Guetté, toutes deux députées de La France insoumise. Le centre et la majorité présidentielle complètent le tableau avec Christophe Blanchet (Les Démocrates) et Marie-Agnès Poussier-Winsback (Horizons et Indépendants). Ils président régulièrement les séances publiques, garantissant ainsi la continuité des travaux.

Les trois questeurs exercent quant à eux une fonction financière et administrative déterminante : ils établissent le budget de l’Assemblée et veillent à sa bonne exécution. Christine Pirès Beaune, socialiste, occupe l’un des sièges. Brigitte Klinkert, élue Ensemble pour la République, en détient un autre. Enfin, Michèle Tabarot, députée de la Droite républicaine, complète ce trio particulièrement stratégique.

La fonction de secrétaires est assumée par douze députés, représentant l’ensemble des groupes. On y retrouve, côté gauche, Inaki Echaniz (Parti socialiste), Sébastien Peytavie (Écologiste), Mereana Reid Arbelot (Gauche démocrate et républicaine) et Sabrina Sebaihi (Écologiste). Le groupe Liot est représenté par David Taupiac. Le socle gouvernemental conserve plusieurs sièges avec Bertrand Sorre (Ensemble), Blandine Brocard (Les Démocrates) et Pierre Henriet (Horizons). La droite et l’extrême droite, de leur côté, obtiennent également une représentation notable : Xavier Breton (Droite républicaine), Gaëtan Dussausaye et Marine Hamelet (Rassemblement national), ainsi que Maxime Michelet, élu de l’Union des droites pour la République.

La répartition politique des sièges répond à des règles inscrites dans le règlement de l’Assemblée. Elle doit s’efforcer de refléter la configuration de l’hémicycle et de respecter la parité entre femmes et hommes. Le bureau élu en 2025 comprend ainsi douze femmes et dix hommes, un équilibre conforme à cet objectif.

Une élection sous tension politique

Le processus de désignation est censé privilégier le consensus. Le règlement prévoit en effet un système de points attribués à chaque post, quatre pour la présidence, deux pour les vice-présidences, un pour les secrétaire, afin de répartir équitablement les sièges en fonction du poids des groupes. Mais ce système n’est applicable qu’en cas d’accord unanime entre les présidents de groupe.

En 2025, comme déjà en 2022 et en 2024, les discussions ont échoué. La gauche s’est opposée à l’application de ce mécanisme, refusant que le Rassemblement national obtienne des postes de responsabilité. Le scrutin a donc été organisé dans l’hémicycle, transformant cette élection en affrontement politique. C’est à cette occasion que le RN a pu retrouver une place, grâce aux voix du socle commun.

Le contraste avec l’année précédente est marqué. En octobre 2024, la gauche avait réussi à s’arroger une majorité au sein du bureau, situation inédite depuis des décennies. Cette victoire avait été obtenue à la faveur d’un vote confus, organisé de nuit, alors que plusieurs députés de la majorité étaient absents. Le Rassemblement national, tout comme Les Démocrates et l’Union des droites pour la République, n’avait obtenu aucun poste.

Ce succès de la gauche s’était avéré fragile. Un an plus tard, les équilibres se sont renversés, et le bureau de 2025 reflète désormais l’ensemble des forces politiques. Le RN y fait son retour, tandis que la gauche perd une position stratégique qui lui permettait d’exercer une influence au-delà de son poids numérique.

Un effet domino sur les commissions permanentes

Le renouvellement du bureau ne s’est pas déroulé en vase clos. Il a coïncidé avec un autre moment clé de la rentrée parlementaire : l’élection des présidents et des bureaux des huit commissions permanentes de l’Assemblée nationale. Ces commissions (affaires économiques, affaires culturelles, finances, affaires sociales, défense, affaires étrangères, développement durable et lois) constituent le véritable cœur du travail législatif. Elles examinent en premier lieu les projets et propositions de loi et en orientent le contenu avant la discussion dans l’hémicycle.

Le socle gouvernemental avait affiché dès la rentrée son intention de « reprendre la main » sur plusieurs de ces instances. Deux présidences étaient particulièrement visées : celle de la commission des affaires économiques, jusque-là présidée par un élu de La France insoumise, et celle de la commission des affaires culturelles, détenue par le Parti socialiste. La perte de la majorité au bureau a fragilisé la gauche dans sa capacité à conserver ces postes, et a renforcé le poids du Rassemblement national, désormais en position d’arbitre.

La commission des finances, en revanche, reste protégée par la Constitution. Elle doit obligatoirement être dirigée par un membre d’un groupe d’opposition. Depuis 2022, cette présidence est occupée par Éric Coquerel (La France insoumise), dont la reconduction était attendue malgré les pressions de la majorité. Mais d’autres postes stratégiques sont plus vulnérables, à commencer par celui de rapporteur général du budget, traditionnellement confié à un député de la majorité, mais détenu depuis 2024 par Charles de Courson (groupe Liot). Le socle commun espère reprendre cette fonction hautement stratégique.

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